Vidéosurveillance : un moyen de preuve pour licencier ?
Les risques de vols ou d'agressions ont « bon dos ». Immanquablement, ils sont invoqués par les employeurs lors de la mise en place de systèmes de vidéosurveillance… et deviennent ainsi prétexte à la prolifération des caméras sur les lieux de travail. Quelles sont les limites ? Les salariés peuvent-il être filmés en continu ? Un employeur peut-il présenter au juge les images obtenues pour prouver une faute ?
Recommandations de la Cnil
Selon la Cnil (Commission nationale de l'informatique et des libertés), sur le lieu de travail comme ailleurs, les salariés ont droit au respect de leur vie privée. Les caméras ne doivent pas, en principe, les filmer sur leur poste de travail, sauf circonstances particulières (employé manipulant de l'argent par exemple, mais alors la caméra doit davantage filmer la caisse que le caissier).
Par ailleurs, si un dispositif peut être légitime pour assurer la sécurité des biens et des personnes, il ne peut conduire à placer les employés sous surveillance constante et permanente.
Obligation d'informer les salariés
Dans toutes les entreprises, quelle que soit leur taille, les salariés doivent être informés de la mise en place d'un dispositif de surveillance (art. L. 1222-4 du C. trav.). Dans les entreprises d'au moins 50 salariés s'y ajoute l'obligation d'informer et de consulter le CSE sur les moyens et techniques utilisés (art. L. 2312-38 du C. trav.). Ces deux formalités doivent être effectuées préalablement à la mise en œuvre du dispositif de vidéosurveillance (art. L. 2312-38 du C. trav.). À défaut, les images obtenues sont des moyens de preuve illicites et, à ce titre, peuvent être rejetées par le juge.
Preuves illicites mais recevables ?
Jusqu'à une période récente, un moyen de preuve illicite présenté par l'employeur à l'appui d'un licenciement (ou de toute sanction) au cours d'un procès était automatiquement rejeté par le juge. En conséquence, le licenciement était jugé sans cause réelle et sérieuse sans qu'il soit nécessaire de débattre de la réalité de la faute commise par le salarié. Ce n'est plus le cas aujourd'hui.
Dans son arrêt du 10 novembre 2021 (no 20-12263), la Cour de cassation donne raison à la salariée, mais elle précise que « l’illicéité d’un moyen de preuve […] n’entraîne pas nécessairement son rejet des débats, le juge devant apprécier si l’utilisation de cette preuve a porté atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit au respect de la vie personnelle du salarié et le droit à la preuve, lequel peut justifier la production d’éléments portant atteinte à la vie personnelle d’un salarié à la condition que cette production soit indispensable à l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi. »
Critères de nécessité et proportionnalité
L'illicéité d'un moyen de preuve présenté au juge n'entraîne plus systématiquement son irrecevabilité. Ce moyen de preuve peut être admis lorsque des critères de nécessité et de proportionnalité sont remplis. Pour vérifier ces critères, le juge évalue en premier lieu l'objectif poursuivi par l'employeur : cet enregistrement vidéo était-il le seul moyen, propre à établir la faute du salarié ? Cette faute, commise ou susceptible d'avoir été commise, était-elle si grave qu'il fallait recourir à ce procédé pour en apporter la preuve ? Était-il envisageable de faire autrement ? Face à ces éléments est ensuite évaluée l'atteinte à la vie privée du salarié. Si cette dernière est considérée comme « proportionnée » par le juge, alors le moyen de preuve sera admis.