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SANTÉ ET SÉCURITÉ AU TRAVAIL
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Usage du droit de retrait (2) du salarié protégé : attention au licenciement !

Publié le 24 juin 2024
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Suite à l'autorisation préalable de l'inspection du travail, l'employeur peut licencier un salarié protégé pour l'exercice abusif de son droit de retrait. Une première pour le Conseil d'État amené à se prononcer sur la validité de cette autorisation. Explications avec NVO Droits !

Comme nous vous le rappelions dans notre article du 20 juin 2024, l'exercice par le salarié de son droit de retrait est très encadré. Qu'il s'agisse d'un salarié ordinaire ou d'un représentant des salariés, les mêmes règles strictes s'appliquent. Si le salarié ne remplit pas les conditions nécessaires justifiant un droit de retrait légitime, il s'expose à une retenue sur son salaire (Cass. soc. 22 mai 2024, n° 22-19.849), voire à un licenciement comme dans notre cas d'espèce (Cons. Et. 28 mai 2024, n° 472007).

L'exercice du droit de retrait du salarié : quesaquo ?

Selon les textes, le salarié doit alerter l'employeur de la situation pour laquelle il a un motif raisonnable de penser qu'elle présente un danger grave et imminent pour sa vie et sa santé (Art. L. 4131-1-1 C. trav.). En contrepartie, aucune sanction, aucune retenue de salaire ne peut être prise à l’encontre du travailleur ou d’un groupe de travailleurs qui se sont retirés d’une situation de travail dont ils avaient un motif raisonnable de penser qu’elle présentait un danger grave et imminent pour la vie ou pour la santé de chacun d’eux (Art. L. 4131-3 C. trav). Ainsi, dès lors que le retrait du salarié est régulier, il ne doit pas subir de retenue sur salaire et s'il est l'objet par la suite d'un licenciement, ce dernier est nul (Cass. soc. 28 janv. 2009, n° 07-44.556).

Un exercice abusif du droit de retrait… peut mener au licenciement !

Le salarié dispose bien d'un « véritable » droit au retrait de son poste s'il estime être en danger. Mais de son côté l'employeur a toute latitude pour considérer que ce droit de retrait n'est pas justifié et décider du licenciement du salarié, comme le prévoit son pouvoir de direction.

Cependant la jurisprudence a déjà admis que l'appréciation du danger devait tenir compte de la situation du salarié lui-même. Par exemple, un salarié allergique aux animaux peut se retirer de son poste si, désormais, lui est imposée leur présence (Cass. soc. 20 mars 1996, n° 93-40.111). De même, et pour évoquer des circonstances plus récentes, on peut imaginer qu'un salarié fragilisé de manière permanente en raison de problèmes cardiaques graves puisse exercer son droit de retrait lorsqu'il se trouve en contact avec un collègue ayant contracté le Covid-19.

Qu'en était-il en l'espèce ? Le salarié était-il dans une situation de danger grave et imminent ? Dans notre affaire, le salarié était chauffeur livreur dans une entreprise de transport, de manutention et de stockage de matières dangereuses. Il avait utilisé à plusieurs reprises son droit de retrait. Une première fois, pour ne pas avoir obtenu de l'employeur un pull et un tee-shirt en plus de son pantalon et de sa veste de protection, et la seconde fois, parce que la protection mise à disposition était sale. N'ayant pas le même point de vue, l'employeur a pris la décision de le licencier, en demandant au préalable l'autorisation à l'inspection du travail. C'est la procédure à suivre lorsque le salarié est un représentant du personnel.

Le rôle essentiel de l'inspection du travail et le contrôle du Conseil d'État

À réception de la demande de l'employeur, l'inspecteur du travail devait vérifier si le retrait du salarié de son poste de travail était justifié, et si le licenciement était en lien avec le mandat du salarié.

C'est au regard des éléments fournis que l'inspecteur a pris sa décision :

– le salarié était observateur du chargement et déchargement des marchandises ;

– la notice pour les équipements de protection disposait que :

1- sous la tenue réglementaire, il suffit de porter des matières qui ne risquent pas de fondre ;

2- l'entreprise doit s'assurer du nettoyage régulier de l'équipement de protection.

 

Ainsi, l'entreprise devait certes fournir pantalon et veste, mais pas les vêtements du dessous. De plus, le salarié, simple observateur dans son travail, n'était pas en contact avec les produits dangereux. Sa combinaison n'ayant été portée qu'une seule fois, elle ne pouvait être considérée comme sale.

Ainsi, le Conseil d'État juge que : « l'inspecteur avait à bon droit considéré que les manquements reprochés au salarié […] étaient constitutifs d'un ensemble de fautes d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement ». Par ailleurs, il estime que la décision de l'inspection se justifiait également par le fait que le licenciement était dépourvu de lien avec le mandat du salarié.

La difficulté dans les affaires relevant du droit de retrait d'un salarié de son poste de travail réside toujours dans l'appréciation qui est faite du danger grave et imminent dans lequel il dit se trouver. C'est pourquoi le Conseil d'État, et comme il a pu le faire s'agissant de l'application du droit de retrait dans la fonction publique (Cons. Et. 18 juin 2014, n° 369531), s'en remet à l'appréciation souveraine des juges du fond. Dans cette dernière affaire, le droit de retrait n'avait pas été admis, s'agissant de plusieurs enseignants qui se retiraient de leur poste pour des risques de danger sanitaire : de la présence de déjections de chauves-souris dans plusieurs salles de l’école.

L'exercice de ce droit de retrait est à prendre avec précautions car il suppose pour le salarié d'avoir l'assurance de remplir parfaitement les conditions qui le justifient. L'opportunité pour lui de demander conseil auprès d'un spécialiste reste possible, mais apparaît dans les faits rarement faisables, au vu de l'urgence dans lequel ce droit de retrait s'inscrit le plus souvent.