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DISCRIMINATIONS
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Une barbe « provocante » peut-elle justifier un licenciement ?

Publié le 30 septembre 2020
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Non ! Pour la Cour de cassation, sans justification proportionnée, il s'agit d'une discrimination fondée sur les convictions religieuses et politiques du salarié et d'un licenciement discriminatoire.

La liberté de porter la barbe est protégée non seulement par le droit à la non-discrimination fondée sur l'apparence physique mais également le droit à celle fondée sur les convictions religieuses (voir à ce sujet la décision-cadre du défenseur des droits relative aux discriminations fondées sur l'apparence physique d'octobre 2019 avec une annexe de 5 pages consacrée aux barbes).

Dans cette affaire, un salarié, consultant d'une société de sécurité et défense, est licencié pour faute grave, l'employeur lui reprochant le port d'une barbe « taillée d'une manière volontairement signifiante aux doubles plans religieux et politique » alors qu'il devait effectuer une mission au Yémen pour des clients américains. Pour l'employeur, cette barbe représentait une provocation pour le client et compromettait la sécurité de la mission. Pour la Cour de cassation, il s'agit d'une discrimination directement fondée sur les convictions religieuses et politiques du salarié et d'un licenciement discriminatoire (Cass. soc. 8 juillet 2020, n°18-23743).

La chambre sociale de la Cour de cassation étend au cas du port de la barbe la jurisprudence élaborée à propos du voile en matière de respect de la liberté religieuse par l'employeur et des restrictions qu'il peut y apporter. Ces restrictions doivent être justifiées par la nature de la tâche à accomplir, répondre à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et être proportionnées au but recherché (articles L. 1121-1, L. 1132-1 et L. 1133-1 du Code du travail ; directive 2000/78/CE du 27 novembre 2000).

L'employeur peut prévoir dans le règlement intérieur une clause de neutralité interdisant le port visible de tout signe politique, philosophique ou religieux sur le lieu de travail, à condition qu'elle ne s'applique qu'aux salariés se trouvant en contact direct avec les clients. En l'absence d'une telle clause, seule une exigence professionnelle et déterminante peut permettre de déroger au principe de non-discrimination à condition que l'objectif poursuivi soit légitime et l'exigence proportionnée.

Cette exigence doit être objectivement liée à l'activité professionnelle et ne peut pas se fonder sur des considérations subjectives telles que la volonté de l'employeur de tenir compte des souhaits d'un client qui estime une barbe « provocante ». En revanche, un objectif de sécurité du personnel et des clients peut justifier des restrictions aux libertés du salarié et autoriser l'employeur à imposer une apparence neutre afin de prévenir un danger objectif. Mais, en l'espèce, l'employeur ne démontrait pas les risques de sécurité spécifiques liés au port de la barbe, ni « quelle façon de tailler la barbe aurait été admissible » … Le licenciement est donc jugé discriminatoire et déclaré nul.