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COMITE SOCIAL ET ECONOMIQUE
COMITE SOCIAL ET ECONOMIQUE

Un accord peut-il limiter la durée des réunions de la CSSCT ?

Publié le 7 mars 2022
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Non, répond le tribunal judiciaire, car cela viole le principe de participation et de détermination collective dévolu à la commission santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT). Une décision salutaire qui ouvre la voie à un contrôle approfondi par les juges des accords d'entreprise sur le CSE.

La société CEA Transports, filiale du groupe Transdev et opérateur de transport public exploitant un réseau de bus en Île-de-France, signe en 2019 un accord de fonctionnement du comité social et économique (CSE) avec les syndicats CFE-CGC et UNSA. La CFDT refuse de signer l'accord et saisit la justice pour faire annuler, entre autres, une disposition limitant la durée des réunions de la commission santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT) à 3h30.

Le tribunal judiciaire d'Évry (91) lui donne raison (TJ Évry, 23 juil. 2019, RG n°19/02229). Ce jugement salutaire s'avère très instructif sur les limites que les juges peuvent poser à la liberté conventionnelle. On ne peut pas négocier tout et n'importe quoi sur le fonctionnement du CSE et de la CSSCT. Le rôle de la représentation du personnel ne doit pas être dévoyé. Un point d'appui important pour les syndicats à l'aube du renouvellement des CSE et de la renégociation des accords les mettant en place.

Le fonctionnement du CSE et de la CSSCT se négocie mais…

Les ordonnances, dite Macron, de 2017 ont non seulement abouti à la fusion du comité d'entreprise, du CHSCT et des délégués du personnel au sein d'une seule entité, le comité social et économique (CSE), mais elles ont aussi renvoyé une part importante du fonctionnement des institutions représentatives du personnel à la négociation d'un accord d'entreprise.

Le nombre de réunions du CSE, la périodicité des consultations récurrentes, le contenu de la base de données économiques, sociales et environnementales (BDESE) sont autant de sujets négociables. De même, la mise en place des commissions du CSE, et en particulier de la commission santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT), est largement renvoyée à la négociation d'un accord d'entreprise.

Ainsi, le fonctionnement de la CSSCT – nombre de membres, missions, réunions, heures de délégation, etc. – est dépendant de ce qui sera négocié dans l'accord et, en l'absence d'accord, dans le règlement intérieur du CSE (aucune disposition supplétive n'est prévue dans le Code du travail) (art. L. 2315-41 et L. 2315-44 du Code du travail).

Depuis, de nombreux accords d'entreprise ont été conclus sur le CSE et la CSSCT.  Hormis le nécessaire respect des dispositions d'ordre public explicitement inscrites dans le Code du travail, se pose la question des limites de ce qui peut être négocié. Et donc de l'étendue du contrôle du juge sur les accords de mise en place et de fonctionnement du CSE. Le juge estimera-t-il que la liberté conventionnelle des employeurs et organisations syndicales majoritaires doit prévaloir ? Ou exercera-t-il un contrôle approfondi des accords afin de garantir le respect des principes encadrant la représentation du personnel ?

Le jugement rendu par le tribunal judiciaire d'Évry ouvre la voie à la seconde hypothèse. Certes, le fonctionnement du CSE et de la CSSCT se négocie mais on ne peut pas tout négocier pour autant.

Un accord ne peut pas limiter la durée des réunions de la CSSCT

La loi est muette tant sur le nombre de réunions de la CSSCT que sur leur durée. Elle renvoie les modalités de fonctionnement de cette commission à la négociation d'un accord d'entreprise (art. L. 2315-41 du Code du travail).

En l'occurrence, l'accord sur le fonctionnement du CSE de CEA Transports stipulait que « la CSSCT se réunit quatre fois par an pour une réunion d'une durée maximale équivalent à une demi-journée de travail habituelle, soit 3h30 ». Ces dispositions apparaissent au premier abord conformes à la liberté laissée par le Code du travail à la négociation pour l'organisation de la CSSCT. Cependant, la CFDT les estimait illicites car, en restreignant la durée des réunions de la CSSCT à 3h30, elles limitaient les prérogatives des membres de cette commission.

Le tribunal lui donne raison et déclare la nullité de ces dispositions qui « violent le principe de participation et de détermination collective dévolue à la commission santé, sécurité et conditions de travail en encadrant excessivement, et de manière disproportionnée, le temps dévolu à cette commission pour se réunir et traiter les sujets importants relevant de son champ d'étude ».

Ainsi, un accord d'entreprise ne peut limiter la durée des réunions de la CSSCT car cela entrave le principe constitutionnel de participation des travailleurs, par l'intermédiaire de leurs délégués, à la détermination collective des conditions de travail (al. 8 du Préambule de la Constitution de 1946).
À noter
Le syndicat demandait l'annulation totale de l'accord de fonctionnement du CSE. Mais le juge ne le suit pas sur ce point et n'annule que les dispositions litigieuses (sur la durée de réunion de la CSSCT et les sujets pouvant être abordés en réunion de CSE) estimant qu'aucun élément ne vient justifier l'annulation de l'intégralité de l'accord « dont l'économie générale n'est nullement remise en cause ».

Un accord ne peut pas écarter certains sujets des réunions de CSE

Une autre disposition de l'accord de fonctionnement du CSE de CEA Transports était attaquée par la CFDT : « Les parties conviennent de traiter en réunion CSE des sujets conséquents. La réunion du CSE n'a pas vocation à aborder des sujets opérationnels qui peuvent être évoqués et résolus après intervention auprès des responsables opérationnels. »

Là aussi, le tribunal donne raison au syndicat et juge ces dispositions nulles au motif « qu'elles présentent le risque de voir écarter certaines questions du nécessaire débat relevant du champ de compétence accordé par la loi au comité social et économique et ce à l'appréciation discrétionnaire de l'employeur ».

Un accord d'entreprise ne peut pas écarter a priori certains sujets des réunions du CSE alors qu'ils pourraient relever des attributions confiées légalement au comité.

Les principes de la représentation du personnel doivent être respectés

Espérons que ce jugement salutaire soit suivi d'autres décisions de justice pour construire peu à peu une jurisprudence assurant un contrôle approfondi du juge sur les accords négociés en entreprise sur le CSE.

La négociation collective ne doit pas servir à déroger aux principes de participation des travailleurs à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu’à la gestion des entreprises.

Dans tous les cas, ce premier jugement constitue un point d'appui pour les négociateurs syndicaux : n'hésitez pas à brandir la menace du juge face à des employeurs qui, sous couvert d'accord d'entreprise, voudraient faire la loi dans le fonctionnement du CSE !

 

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