Syndicats concurrents : tous les coups ne sont pas permis !
Rédiger, publier, une lettre ouverte ou un tract n'est pas à prendre à la légère et demande parfois des qualités, des compétences ou, du moins, l'expérience nécessaire pour éviter les risques notamment liés à la publication de propos diffamants, calomnieux ou portant atteinte à la vie privée. Dans cette affaire, la Cour de cassation a dû trancher sur le contenu d'un tract syndical divulguant la fiche de paie d'un délégué syndical (Cass. soc. 20 mars 2024, n° 22-19.153).
Une situation conflictuelle entre syndicats n'autorise pas tout
L'affaire oppose non pas un employeur et un salarié, mais des salariés entre eux à travers l'exercice de leur mandat de représentation syndicale. Ce genre de litige survient fréquemment lorsque plusieurs syndicats cohabitent au sein d'une même entreprise. Accusés de ne pas prouver les informations contenues dans un tract, certains syndicats sont tentés, comme en l'espèce, d'y remédier en alimentant le document d'éléments justificatifs étayant son contenu. Si la démarche peut être louable, elle peut parfois n'être qu'une fausse bonne idée. Chaque syndicat doit rester attentif au contenu de ses tracts. Une rédaction collective peut permettre d'éviter les débordements. En tout état de cause, tous les coups ne sont pas permis.
Une ligne de conduite : le respect de la vie privée des salariés
C'est en rappelant, par un attendu de principe, que chacun a droit au respect de sa vie privée (art. 9 C. civ.) que la Cour de cassation motive sa décision.
En effet, divulguer le bulletin de paie d'un délégué syndical d'une organisation concurrente dans un tract pour démontrer que ce dernier signe des accords d'entreprise défavorables avec la direction en contrepartie d'une augmentation de rémunération n'est pas LA bonne solution. Il s ‘agit d'une atteinte à la vie privée du salarié que la Cour de Cassation sanctionne.
Une réparation automatique du salarié lésé
Tout en retenant que l'atteinte au respect de la vie privée était caractérisée par la publication du bulletin de paie du délégué syndical sans son accord préalable, la Cour de Cassation précise de surcroît que ce constat suffisait à accorder des dommages et intérêts au demandeur, sans qu'il soit nécessaire de justifier de l'existence d'un préjudice pour obtenir une réparation. L'article 9 du Code civil suppose en effet que la réparation est de droit.