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CHSCTExpertises du CHSCTContestation
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Selon que vous serez patron ou délégué…

Publié le 5 juillet 2018
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« Selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir ». Certains arrêts récents de la chambre sociale de la Cour de cassation tendent à prouver que cette morale de la fable Les animaux malades de la peste de Jean de La Fontaine reste d'une actualité brûlante.

Selon l'article L. 4614‑13 du Code du travail, lorsque l'employeur entend contester la nécessité, l'étendue, ou le coût prévisionnel de l'expertise décidée par le CHSCT, il doit saisir le juge judiciaire dans les 15 jours de la délibération décidant du recours à cet expert. Le juge doit alors statuer dans les 10 jours de la saisine. Dans une entreprise, le CHSCT avait voté le recours à un expert le 30 novembre 2016. Le 14 décembre, l'employeur assignait le CHSCT par acte d'huissier. Mais le secrétariat‑greffe du tribunal de grande instance (TGI) n'avait reçu copie de l'assignation qu'une semaine plus tard, donc hors délai.

Le TGI avait donc considéré que l'action de l'employeur n'était plus recevable (la partie adverse, en l'espèce le CHSCT, est informée que l'employeur engage un procès contre lui par l'assignation délivrée par voie d'huissier. Le greffe du TGI reçoit ensuite une copie de cette assignation. Entre l'assignation elle‑même et la délivrance de sa copie, plusieurs jours peuvent s'écouler.).

Dans l'arrêt no 16 — 28 026du 6 juin 2018, la Cour de cassation vient au contraire de juger que pour vérifier si l'employeur a saisi le juge des référés dans le délai de 15 jours à compter de la délibération du CHSCT, il faut se placer à la date de l'assignation et non celle du dépôt de cette assignation au greffe du TGI. L'assignation ayant été délivrée le 14 décembre, le délai de 15 jours avait été respecté selon la Cour. Dans un autre arrêt du même jour, la chambre sociale a considéré que le fait pour le juge du TGI de statuer au-delà du délai de 10 jours pourtant imposé par la loi est sans conséquence sur la validité de la décision rendue par celui-ci (Cass. soc. 6 juin 2018, no 17 ‑17594).

Des grilles de jugement variables

Les solutions dégagées par ces deux arrêts ne seraient pas outrageusement choquantes si la chambre sociale adoptait la même grille d'analyse lorsque ce sont les élus qui sont à l'initiative de la saisine du juge. Or, s'agissant des comités d'entreprise, en présence d'une problématique assez similaire, elle juge exactement l'inverse.

Lorsque le comité d'entreprise (ou le CSE) doit être consulté, il doit rendre son avis dans des délais contraints de un, deux ou trois mois sous peine d'être considéré comme ayant rendu un avis implicitement négatif. Selon l'article L. 2323‑4 (CE) ou L. 2312‑15 (CSE) du Code du travail, si les membres du comité estiment ne pas disposer d'une information suffisante pour rendre un avis, ils peuvent saisir le président du TGI, statuant en la forme des référés, pour qu'il ordonne la communication par l'employeur des éléments manquants. Le juge doit alors statuer dans un délai de huit jours.

Dans deux arrêts du 21 septembre 2016, la chambre sociale de la Cour de cassation a jugé que même en cas de saisine du juge avant l'expiration du délai de consultation, celui-ci ne doit pas être expiré au moment où le premier juge a statué. Or, rien dans le texte de l'article L. 2323‑4 (ou L. 2312‑15 pour le CSE) du Code du travail n'oblige le comité à obtenir du juge une décision avant l'expiration du délai fixé.

Un traitement de faveur « arbitraire »

On voit donc bien que dans cette hypothèse, les élus du comité ne font pas l'objet de la part des juges de la même mansuétude que celle dont bénéficient les employeurs sur la contestation des expertises. D'un côté, les élus doivent agir vite et le juge doit respecter impérativement les délais fixés, sous peine pour le comité de perdre ses droits à exprimer son avis. De l'autre, l'employeur dispose d'un délai supplémentaire pour saisir le juge et le fait que le juge se prononce hors du délai n'a pas d'incidence sur le fond de sa décision.

Ce traitement de faveur dont bénéficient les chefs d'entreprise rappelle étrangement l'arbitraire des jugements de l'Ancien Régime. Rappelons-nous que ce sera l'une des justes causes de la révolution à venir. Selon que vous serez patron ou délégué…