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REPRÉSENTANTS DU PERSONNELExercice du mandat
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Secret des affaires : Quel impact pour les représentants du personnel ?

Publié le 5 septembre 2018
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La loi sur le secret des affaires du 30 juillet 2018 permet aux employeurs d'interdire la divulgation d'informations répondant à certaines conditions. Dans quelle mesure les représentants du personnel sont-ils concernés ?

Une directive UE 2016/943 du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2016 sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulguées (dite secrets des affaires) contre l'obtention, l'utilisation et la divulgation illicites a été publiée au Journal officiel de l'Union européenne du 15 juin 2016. Alors que les directives européennes sont traditionnellement transposées par le biais de projets de loi élaborés par le gouvernement, assortis d'une étude d'impact permettant aux élus de prendre position en toute connaissance de cause, c'est par le biais d'une simple proposition de loi que le texte a été mis à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale, ce qui a dispensé le gouvernement de ladite étude d'impact. Qui plus est, c'est par le canal de la procédure accélérée que la directive a été transposée dans notre droit par la loi du 30 juillet 2018 (Loi n° 2018-670 du 30 juillet 2018 relative à la protection du secret des affaires, JO du 31). Elle a été jugée conforme à la Constitution (Cons. const. 26 juil. 2018, déc. n° 2018-768).

Ce texte, largement inspiré par les milieux d'affaires, recèle un certain nombre de dangers potentiels notamment pour les membres des comités d'entreprise et des comités sociaux et économiques. En effet, c'est une définition large du secret des affaires qui a été adoptée. Elle donne les pleins pouvoirs aux employeurs pour décider des informations qu'elles souhaitent soustraire au contrôle du public et de personnes qu'elles souhaitent poursuivre pour détention ou divulgation de secret d'affaires.

C'est pourquoi une cinquantaine d'associations, de syndicats et de sociétés de journalistes à laquelle s'était jointe la CGT avait proposé une disposition simple, qui n'a pas été retenue : « restreindre le secret des affaires aux seuls acteurs économiques concurrentiels, afin d'exclure clairement les risques de poursuites les journalistes, lanceurs d'alertes, syndicalistes ou associations ». La coalition craint qu'avec une « définition large et floue » du secret d'affaires, « la loi ouvre la porte à des abus sous forme de procédures baillons des entreprises, qui pourront empêcher la divulgation d'informations d'intérêt général ».

Ces mobilisations citoyennes et syndicales ont toutefois permis de contenir, dans certaines limites, la portée de ce texte en cas d'actions en justice pour ce qui concerne les représentants du personnel, les journalistes et les lanceurs d'alerte. Il n'en demeure pas moins que le droit est une fois de plus instrumentalisé pour être mis au seul service de la compétitivité des entreprises. 

Une conception large du secret des affaires

Selon la loi, est protégée au titre du secret des affaires toute information qui remplit les conditions suivantes :

  • elle n'est pas, en elle-même ou dans la configuration et l'assemblage exacts de ses éléments, généralement connue ou aisément accessible pour les personnes familières de ce type d'informations en raison de leur secteur d'activité ;
  • elle revêt une valeur commerciale, effective ou potentielle, du fait de son caractère secret ;
  • elle fait l'objet de la part de son détenteur légitime de mesures de protection raisonnables, compte tenu des circonstances, pour en conserver le caractère secret.

Est considérée comme illicite l'obtention, l'utilisation ou la divulgation d'un secret des affaires réalisée sans le consentement de son détenteur légitime, et que cette obtention résulte d'un accès non autorisé à un document ou fichier numérique ou de tout autre comportement considéré comme déloyal. Il en va de même si c'est un tiers qui est en cause, lorsque cette personne savait, ou aurait dû savoir au regard des circonstances, que ce secret avait été obtenu, directement ou indirectement, d'une autre personne qui l'utilisait ou le divulguait de façon illicite.

Pour faire cesser une violation du secret des affaires, l'entreprise qui s'en estime victime pourra s'adresser au juge civil (Tribunal de grande instance). Celui-ci pourra notamment interdire les actes d'utilisation, de production ou de mise sur le marché de produits résultant « de manière significative » de cette atteinte au secret. Il pourra ordonner des rappels de produits et fixer des dommages et intérêts en prenant en compte les conséquences économiques négatives, le préjudice moral subi par l'entreprise et les bénéfices réalisés par l'auteur de l'atteinte au secret des affaires.

Si le juge considère que l'action engagée sur le fondement de l'atteinte au secret des affaires était abusive, l'entreprise pourra être condamnée à une amende civile pouvant aller jusqu'à 60 000 € ou 20 % du montant de la demande de dommages et intérêts.

Des exceptions en cas d'action en justice

Les représentants du personnel sont pour la plupart déjà soumis à une obligation de discrétion. Mais cette obligation ne pèse sur eux que si l'information est objectivement confidentielle et si l'employeur l'a déclaré comme telle, à l'exception de quelques informations que la loi répute d'office confidentielles. Il en résulte que la violation d'une obligation de discrétion est rare en pratique parce que dans nombre de cas, l'information, même déclarée confidentielle par l'employeur, ne l'est pas car elle a été divulguée, notamment par voie de presse. Nombreux sont les salariés et les représentants du personnel qui ont appris par les médias la restructuration de leur entreprise.

La loi sur le secret des affaires permettra-t-elle aux employeurs d'aller plus loin ? On peut penser que certains ne se priveront pas de l'invoquer.

Pour autant des exceptions sont prévues au secret des affaires, notamment pour les représentants du personnel, mais uniquement à l'occasion d'une action en justice. Si une telle action a été engagée par l'entreprise pour atteinte au secret des affaires, celui-ci ne pourrait pas être opposé si l'obtention du secret est intervenue dans le cadre de l'exercice du droit à l'information et à la consultation des salariés et de leurs représentants. Autrement dit, si des représentants du personnel sont poursuivis parce qu'ils auraient violé le secret des affaires, l'employeur devra démontrer que l'information reçue par les représentants du personnel ne leur a pas été communiquée dans le cadre d'une procédure d'information-consultation de l'instance à laquelle ils appartiennent, mais qu'ils l'ont obtenue par un autre moyen.

Il en va de même si le secret a été divulgué par des salariés aux représentants du personnel alors que ces derniers étaient dans le cadre de l'exercice légitime de leurs fonctions et à condition que cette divulgation ait été nécessaire à l'exercice desdites fonctions.

Dans les deux hypothèses, l'information ainsi obtenue ou divulguée demeure protégée au titre du secret des affaires à l'égard des personnes autres que les salariés ou leurs représentants qui en ont eu connaissance.

Enfin, d'une façon générale, le secret est également inopposable si la protection d'un intérêt légitime reconnu par le droit de l'Union européenne ou le droit national est en jeu.