Représentants de proximité : nécessité d’un accord d’entreprise
Par Sarah Martin d’Escrienne.
En 2017, les délégués du personnel (DP), comme les autres institutions représentatives du personnel, ont fusionné dans un seul comité social et économique (CSE). Cette nouvelle institution met en œuvre une représentation centralisée du personnel qui éloigne sensiblement les élus des salariés. Néanmoins, l'article L.2313-7 du Code du travail prévoit que les salariés peuvent bénéficier de représentants de proximité (RP) mais n'envisage leur instauration que par le biais d'un accord d'entreprise. Cet accord est celui qui détermine le périmètre et le nombre d'établissements distincts (art. L.2313-2 C. trav.). Notons que le périmètre de mise en place des RP ne se superpose pas nécessairement avec ceux des établissements distincts ; aussi ces représentants de proximité peuvent très bien exister dans une entreprise à établissement unique.
En outre, comme le prévoit l'article L.2313-3 du Code du travail, l'accord en question peut être signé par le CSE de l'entreprise, en l'absence de délégué syndical (DS). Dans le cas où aucun accord ne serait signé, par des DS ou par le CSE, la loi autorise l'employeur à procéder au découpage de l'entreprise par décision unilatérale (art. L.2313-3 C. trav.). Ainsi une telle décision de l'employeur peut identifier des établissements distincts sans envisager la mise en place de représentants de proximité. En effet, selon l'article L.2313-7 Code du travail, l'instauration des représentants de proximité est liée à l'existence d'un accord d'entreprise déterminant le périmètre et le nombre d'établissements distincts dans l'entreprise. Si ce découpage est effectué par décision unilatérale de l'employeur, et non par un accord d'entreprise, un CSE d'établissement peut-il alors mettre en place des représentants de proximité ? La chambre sociale de la Cour de cassation s'est prononcée sur cette question le 1er juin 2023 (Cass.soc.1er juin 2023, n°22-13.303).
La Cour de cassation ferme la porte de l'accord d'établissement …
… mais rouvre, dans certains cas, celle de l'accord d'entreprise
Néanmoins, l'existence de représentants de proximité étant fortement compromise, l'arrêt de la Cour de cassation prévoit qu'un « accord d’entreprise conclu dans les conditions prévues au premier alinéa de l’article L. 2232-12 de ce Code peut prévoir, pour l’ensemble de l’entreprise, la mise en place de représentants de proximité rattachés aux différents comités sociaux et économiques d’établissement ». Un accord d'entreprise peut donc, dans ce cas de figure précis, mettre en place des RP sans porter sur la détermination des établissements distincts. Les périmètres des RP ainsi institués peuvent alors être calqués sur ceux des établissements distincts déterminés par la décision unilatérale de l'employeur, mais pas nécessairement. Les RP peuvent aussi être mis en place sur des périmètres différents de ceux des CSE d'établissements, plus pertinents pour la décentralisation de la représentation du personnel.
Voir aussi L. Milet, « Représentants de proximité : si proches, si loin… », RPDS 2023, n°939, p.219.