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Réglementation du travail : le prêt de main-d’œuvre
à but non lucratif

Publié le 28 novembre 2016
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Le prêt de main-d'œuvre à but non lucratif entre deux entreprises est autorisé si l'entreprise prêteuse n'en tire pas de bénéfice. Une récente loi encadre et sécurise cette pratique tout en prévoyant 
de nouvelles garanties pour les salariés. Mais des zones d'ombres demeurent. Explications.

Le prêt de main-d'œuvre est une opération par laquelle une entreprise (appelée entreprise prêteuse) met un de ses salariés à la disposition d'une autre entreprise (appelée entreprise utilisatrice) à laquelle elle transmet son pouvoir de direction. Le prêt de main-d'œuvre à but lucratif est interdit (sauf exceptions : travail temporaire, portage salarial, entreprises de travail à temps partagé, agences de mannequinat, associations ou sociétés sportives, associations d'employeurs, etc.).
Le fait de procéder à une opération de prêt illicite de main-d'œuvre est puni d'un emprisonnement de deux ans et d'une amende de 30 000 euros (Art. L. 8243-1 du code du travail). Le prêt de main-d'œuvre à but non lucratif est autorisé et encadré depuis la loi du 28 juillet 2011.

But non lucratif : frontière 
entre licite et illicite
L'employeur peut être amené à mettre ses salariés à la disposition d'une autre entreprise pour effectuer une tâche. Ce prêt est qualifié de licite dans la mesure où il est à but non lucratif. Cette manœuvre temporaire permet, en principe, d'éviter les licenciements économiques ou le chômage partiel, notamment lors d'une baisse d'activité. Ainsi, une opération de prêt de main-d'œuvre peut être facturée sans pour autant que soit caractérisée la poursuite d'un but lucratif. La loi limite le but non lucratif à la stricte facturation des salaires versés au salarié, des charges sociales afférentes et des frais professionnels remboursés à l'intéressé au titre de la mise à disposition (Art. L. 8241-1 du code du travail). On ne peut reprocher à l'entreprise prêteuse la recherche d'un but lucratif lorsqu'elle facture uniquement les salaires et les charges sociales afférentes. Effectivement, elle ne réalise aucun profit. Mais n'étant pas obligée de payer l'intégralité des frais engagés (comme, par exemple, les frais de gestion du personnel), l'entreprise utilisatrice bénéficie d'un avantage financier puisqu'elle est dispensée de débourser le montant des sommes qu'elle aurait dû engager si elle avait embauché elle-même les salariés mis à sa disposition. Cependant, le caractère non lucratif de l'opération de prêt de main-d'œuvre est examiné exclusivement au regard de l'activité de l'entreprise prêteuse (voir à la fin de cet article).

Condition de mise à disposition
Une convention de mise à disposition entre l'entreprise prêteuse et l'entreprise utilisatrice est obligatoire (Art. L. 8241-2 alinéa 2 du code du travail). Celle-ci doit comporter la durée de la convention, l'identité et la qualification du salarié concerné ainsi que le montant du salaire et des charges sociales qui seront refacturés. La durée de la convention est déterminée mais le terme peut rester imprécis (durée du chantier, de la mission…).
Une convention type peut être rédigée mais elle doit nécessairement rester nominative afin d'empêcher tout accord applicable à un groupe de salariés. La rédaction d'un avenant au contrat de travail est impérative qu'il y ait une modification du contrat ou non. Le travail confié dans l'entreprise utilisatrice, les horaires et le lieu d'exécution du travail, ainsi que les caractéristiques particulières doivent obligatoirement y être indiqués (Art. L. 8241-2 alinéa 3 du code du travail). Cet avenant nécessite donc l'accord du salarié qui ne pourra être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire pour avoir refusé une proposition de mise à disposition (Art. L. 8241-2 alinéa 6 du code du travail). L'accord entre l'entreprise prêteuse et le salarié peut donner lieu à une période probatoire, assimilable à une période d'essai. Durant cette période, il peut être mis fin au prêt de main-d'œuvre, sans motif, à la demande de l'une ou l'autre des parties et le salarié retrouve son poste au sein de l'entreprise prêteuse.
Lorsque le prêt entraîne une modification d'un élément essentiel du contrat de travail du salarié, cette période probatoire est obligatoire (Art. L. 8241-2 alinéa 12 du Code du travail).

Consultation des délégués
La mise en place de conventions de mise à disposition ne peut intervenir qu'après le respect de procédures de consultation, tant du côté de l'entreprise prêteuse que de l'entreprise utilisatrice.
Le comité d'entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel de l'entreprise prêteuse sont consultés préalablement à la mise en œuvre d'un prêt de main-d'œuvre et sont informés des différentes conventions signées (Art. L. 8241-2 alinéa 9 du code du travail). Le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de l'entreprise prêteuse est informé lorsque le poste occupé dans l'entreprise utilisatrice par le salarié mis à disposition figure dans la liste de ceux qui présentent des risques particuliers pour la santé et la sécurité des travailleurs (Art. L. 8241-2 alinéa 10 du code du travail).
Le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ou à défaut, les délégués du personnel de l'entreprise utilisatrice sont informés et consultés préalablement à l'accueil de salariés mis à disposition dans celle-ci (Art. L. 8241-2 alinéa 11 du code du travail).

Statut du salarié mis à disposition
Pendant toute la période de prêt, le salarié continue d'appartenir au personnel de l'entreprise prêteuse. Il conserve le bénéfice de l'ensemble des dispositions conventionnelles dont il aurait bénéficié s'il avait exécuté son travail dans son entreprise. Pour les représentants du personnel, une mise à disposition ne peut affecter la protection dont ils bénéficient en vertu de leur mandat représentatif (Art. L. 8241-2 alinéa 7 du code du travail).
Durant toute la durée de la mission, l'entreprise utilisatrice est responsable des conditions d'exécution du travail notamment en ce qui concerne la durée du travail, le travail de nuit, le repos hebdomadaire et les jours de congés ainsi que la santé et la sécurité au travail (Art. L. 1251-21 du code du travail). Les obligations relatives à la médecine du travail sont également à la charge de l'entreprise utilisatrice (Art. L. 1251-22 du code du travail). Les salariés mis à disposition ont accès aux installations et éventuels moyens de transports collectifs dont bénéficient les salariés de l'entreprise utilisatrice (Art. L. 8241-2 alinéa 5 du code du travail). Ils peuvent par ailleurs s'adresser aux délégués du personnel de l'entreprise utilisatrice pour leur faire présenter leurs réclamations individuelles et collectives relatives aux conditions d'exécution du travail qui relèvent du chef d'établissement (Art. L. 2113-3 du code du travail). Ces délégués du personnel peuvent également présenter les réclamations des salariés en matière de rémunération, de condition de travail et d'accès aux installations et aux moyens de transports collectifs (Art. L. 2113-4 du code du travail).
Les salariés mis à disposition sont pris en compte dans les effectifs de l'entreprise utilisatrice (Art. L. 1111-2 du code du travail). Ils sont électeurs aux élections des délégués du personnel s'ils sont présents depuis plus de 12 mois dans l'entreprise utilisatrice et aux élections du comité d'entreprise s'ils sont présents depuis plus de 3 mois au moment de la confection des listes. Ils sont également éligibles aux élections des délégués du personnel sous condition de 24 mois de présence continue dans l'entreprise utilisatrice (Art L. 2314-18-1 et art. L. 2324-17-1 du code du travail).
Les salariés mis à disposition qui remplissent les conditions mentionnées choisissent s'ils exercent leur droit de vote et de candidature dans l'entreprise qui les emploie ou dans l'entreprise utilisatrice.

Après la mise à disposition
La période de prêt de main-d'œuvre ne doit pas affecter l'évolution de carrière ni la rémunération du salarié concerné. À la fin de sa mise à disposition, le salarié retrouve son poste de travail dans l'entreprise prêteuse (Art. L. 8241-2 alinéa 4 du code du travail). Ce n'est pas l'emploi ou un emploi équivalent mais véritablement son poste que le salarié doit retrouver. Le maintien de cette condition encourage donc les entreprises à effectuer des prêts de main-d'œuvre de petite durée.

frais de gestion : Lucratif ou non ?
Qu'en est-il des dépenses engagées par l'entreprise prêteuse pour la gestion du personnel mise à disposition ? La facturation des frais de gestion n'est pas abordée dans la législation. L'entreprise prêteuse n'y trouverait aucun enrichissement à les facturer. Malgré une jurisprudence complexe et hésitante, cette question reste en suspend : à quelle hauteur la facturation des frais de gestion entraîne-t-elle un prêt de main-d'œuvre « à but lucratif » ?
La jurisprudence a déjà été confrontée à cette problématique. Jusqu'à l'arrêt John Deere (Cass. soc. 18 mai 2011, n° 09-69175), qui a précipité l'évolution législative, était admise la seule facturation du coût salarial (salaire  charges). Mais dans sa décision du 18 mai 2011, la Cour de cassation avait constaté que la société utilisatrice, qui n'avait aucun salarié propre, ne supportait aucun frais de gestion de personnel. Elle réalisait donc une économie et un profit financier ce qui qualifiait l'opération de prêt de main-d'œuvre à but lucratif. La loi, quant à elle, ne se place que du côté de l'entreprise prêteuse et ne prohibe pas le prêt de main-d'œuvre lorsque l'entreprise utilisatrice réalise un profit. À ce titre, la Cour de cassation devra donc trancher si l'économie réalisée par l'entreprise utilisatrice constitue un but lucratif ou non.

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