Recours à l’expertise libre par le CSE : 2 mois sinon rien.
Quel délai de consultation pour quelle expertise ?
Depuis 2013, les avis du comité social et économique (CSE) doivent être rendus dans des délais précis. Ainsi, défaut d'accord collectif, le CSE ne dispose en principe que d'un mois avant que son avis soit réputé rendu et négatif comme le prévoit désormais les articles L.2312-16 et R.2312-6 du Code du travail. Ce délai commence à courir à compter de la transmission par l'employeur des informations nécessaires à la consultation ou de leur mise à disposition dans la base de données économique sociale et environnementale (Art. R.2312-5 C. trav.).
Par ailleurs, pour mener à bien sa mission de consultation, le CSE peut choisir de se faire accompagner par un expert. Ce dernier peut lui permettre de rendre un avis plus éclairé sur le sujet qui lui est soumis. On distingue deux types d'expertise auxquels le CSE peut faire appel : l'expertise « légale » et l'expertise « libre ». L'expert dit légal est un expert-comptable ou un expert habilité qui intervient à la demande du CSE dans des cas spécifiquement prévus aux articles L.2315-78 et L.2315-80 du Code du travail. Ces expertises dites légales sont rémunérées partiellement ou totalement par l'employeur. Le CSE peut aussi faire intervenir à une expertise libre via l'article L.2315-81 du Code du travail. Cet expert peut être sollicité librement par le CSE pour la préparation de ses travaux, mais il est, à la différence de l'expert légal, entièrement rémunéré par le comité. Or, l'intervention d'un expert a pour effet de prolonger le délai de consultation à deux mois comme le prévoit l'article R.2312-6 du Code du travail. En effet, un mois s'avère déjà court pour rendre un avis éclairé. Si ce délai était maintenu lorsqu'un expert intervient, il priverait la consultation de tout effet utile. Il s'agit pour l'expert d'apporter un éclairage et pour le CSE d'en prendre connaissance et de formuler son avis. Deux mois, au lieu d'un, ne sont donc pas de trop. Néanmoins, le caractère libre de l'expertise neutralise-t-il la prolongation du délai ? La Cour d'appel de Versailles se prononce sur ce point le 11 mai 2023 (Appel Versailles, 11 mai 2023, N°23/00226).
Deux mois, y compris lorsque l'expertise est libre !
Dans cette affaire, le CSE du Centre Technique des Industries de la Fonderie (CTIF) est consulté le 15 septembre 2022 sur un projet de fusion avec un autre centre technique. Il décide alors de recourir à un expert pour l'accompagner dans sa consultation. Cet expert est un expert libre puisqu'il est sollicité et rémunéré exclusivement par le CSE. Le 9 novembre suivant, estimant qu'il n'a pas reçu une information complète de la part de l'employeur, le CSE décide de l'assigner devant le tribunal judiciaire afin d'obtenir les éléments manquants. L'employeur remet alors en cause la recevabilité de cette demande qui serait, selon lui, trop tardive : le délai de deux mois ne s'appliquerait pas à l'expertise libre. La Cour d'appel de Versailles tranche en faveur du CSE et confirme le jugement du tribunal judiciaire (TJ Nanterre, 21 décembre 2022, N° 22/02726) sur ce point : « […] l'article R. 2312-6 du code du travail ne restreint par la prolongation du délai de consultation aux hypothèses d'expertise légale en excluant l'expertise libre». Le juge précise ici que le délai de deux mois s'impose à l'employeur. Il n'y a donc pas lieu d'appliquer un délai de consultation différent : le caractère libre de l'expertise ne le prive pas de la prolongation qui lui est due. La demande du CSE du CTIF était donc recevable puisque le délai de deux mois n'avait pas expiré, au jour de l'assignation.
Ainsi, le CSE qui fait appel à un expert, y compris en application de l'article L.2315-81 du Code du travail, c'est-à-dire à ses seuls frais, dispose bien de deux mois et non d'un seul pour rendre son avis.