Rapport sur la participation : l’employeur paie l’expert
Le régime obligatoire de participation des salariés aux résultats de l'entreprise (art. L. 3322-1 et s. C. trav.) impose à l'employeur la présentation au comité social et économique (ou à la commission spécialisée éventuellement créée par ce comité) d'un rapport annuel indiquant notamment les éléments qui ont servi de base au calcul de la réserve spéciale de participation. Ce rapport doit être présenté dans les six mois qui suivent la clôture de chaque exercice. Il comporte notamment les éléments servant de base au calcul du montant de la réserve spéciale de participation des salariés pour l’exercice écoulé ainsi que des indications précises sur la gestion et l’utilisation des sommes affectées à cette réserve (art. D. 3323-13 et s. C. trav.).
Quant à l'article D. 3323-14, il prévoit que le comité peut se faire assister par un expert-comptable.
Un article du Code du travail qui renvoie à un autre… qui n'existe plus !
Les ordonnances Macron qui ont fusionné les instances représentatives et créée le comité social et économique, certains textes réglementaires ont été adaptés pour répondre aux exigences du nouveau cadre. Ainsi, le décret du 29 décembre 2017 a modifié l'article D. 3323-14 du Code du travail. Celui-ci a bien réaffirmé le principe d'assistance par l'expert-comptable mais il renvoie, pour ce qui est de la prise en charge financière de celle-ci, à l'ancien article L. 2325-35 du même code aujourd'hui abrogé. Or cet article prévoyait la prise en charge de cette expertise par l'employeur, ce qu'avait confirmé la Cour de cassation sous la législation des comités d'entreprise (Cass. soc. 28 janv. 2009, n° 07-18.284).
Aujourd'hui c'est l'article L. 2315-80 du Code du travail qui traite du financement des expertises auxquelles le comité peut avoir recours. Certaines expertises sont prises en charge à 100 % par l'employeur selon l'objet de la consultation du comité.
L'expertise est prise en charge à 100 % par l'employeur lors de la consultation sur la situation économique et financière ; sur la politique sociale, l'emploi et les conditions de travail ; en cas de grand licenciement économique ; en cas de risque grave identifié et actuel.
Dans les autres cas (consultation sur les orientations stratégiques, certaines consultations ponctuelles), les expertises sont désormais soumises au principe du co-financement (80 % pris en charge par l'employeur et 20 % par le comité) . Par ailleurs, le comité demeure libre de faire appel à un expert de son choix pour l'aider dans ses travaux (art. L. 2315-81 C. trav.).
Un oubli fâcheux du législateur dans lequel s'engouffre le patronat
Pour ce qui nous concerne, nous pensons qu'il ne fait aucun doute que l'article en réalité visé par le renvoi figurant à l'article D. 3323-14 est le nouvel article L. 2315-80 du Code du travail relatif au financement des expertises. Mais face à cet oubli du législateur, l'on pouvait s'interroger si l'expert-comptable devait toujours être rémunéré à 100 % par l'employeur ou si cette expertise était soumise au principe du cofinancement (80 % pris en charge par l'employeur et 20 % par le comité).
Dans une récente affaire, s'engouffrant dans la brèche ainsi ouverte par cet oubli fâcheux, un employeur soutenait même qu'il appartenait au comité d'assumer totalement la charge de cette expertise sur le fondement de l'article L. 2315-81 qui permet au CSE de faire appel à l'expert de son choix rémunéré par le comité pour l'assister dans ses travaux.
L'employeur doit rémunérer l'expert à 100 %
La chambre sociale de la Cour de cassation, déjugeant les juges du fond qui avaient donné raison à l'employeur, a jugé que l'expertise doit être prise en charge à 100 % par l'employeur. Pour justifier légalement son analyse, elle s'appuie sur le fait que le rapport sur la réserve spéciale de participation devant être présenté dans les six mois qui suivent la clôture de chaque exercice, il présente un caractère récurrent et participe donc de l'expertise sur la consultation récurrente sur la situation économique et financière de l’entreprise prévue à l’article L. 2315-88 du Code du travail.
Même si ce raccrochage est un peu artificiel en raison du caractère autonome de la présentation du rapport qui doit faire l'objet d'une réunion distincte ou d'une mention particulière à l'ordre du jour, il a le mérite d'éviter de faire peser sur le comité la charge de cette expertise qui relève donc de l’article L. 2315-80, 1°, et non de l'article L. 2315-81.