Pour imposer des RTT, l’employeur doit justifier de difficultés économiques
Dans le cadre des mesures d'urgence prises pour faire face à l'épidémie de Covid-19, l'ordonnance n°2020-323 du 25 mars 2020 permet à l'employeur d'imposer aux salariés la prise de 10 jours de RTT à des dates déterminées par lui (consulter notre article expliquant cette mesure). Cette dérogation, autorisée initialement jusqu'au 31 décembre 2020, a été prolongée une première fois jusqu'au 30 juin 2021 et le gouvernement vient de déposer un projet de loi pour la prolonger à nouveau jusqu'au 31 octobre 2021.
Cette mesure, qui rogne les droits des salariés, n'est pas pour autant un chèque en blanc offert aux employeurs. Sanofi vient de l'apprendre, à ses dépens, après une décision de la cour d'appel de Paris (CA Paris, pôle 6, ch. 2, 1er avril 2021, n°20/12215).
L'entreprise doit justifier de difficultés économiques
L'ordonnance de mars 2020 prévoit explicitement que cette mesure s'applique « lorsque l’intérêt de l’entreprise le justifie eu égard aux difficultés économiques liées à la propagation du covid-19 ».
Autrement dit, pour pouvoir imposer unilatéralement aux salariés la prise de 10 jours de RTT, l'employeur ne peut pas seulement se prévaloir de la crise sanitaire. Il doit pouvoir justifier que celle-ci a engendré des difficultés économiques pour l'entreprise.
Une condition indispensable pour imposer les RTT aux salariés
La cour d'appel a jugé irrecevable la demande du syndicat d'ordonner à l'employeur de rendre aux salariés les jours de RTT imposés illégalement. Pour elle, cette demande concerne des mesures individuelles qui ne relèvent pas de la défense de l'intérêt collectif de la profession mais de la seule compétence de la juridiction prud'homale. Si l'employeur ne leur restitue par leurs jours de RTT, les salariés devront donc faire des recours individuels aux conseil des prud'hommes pour recouvrer leurs droits.
La cour d'appel de Paris vient de sanctionner Sanofi car l'entreprise ne rapportait pas la preuve de telles difficultés économiques.
Dans cette affaire, Sanofi avait imposé aux salariés ne pouvant pas télétravailler la prise de 10 jours de RTT entre le 30 mars et le 17 avril 2020. L'entreprise avait ensuite imposer 10 jours de RTT aux salariés contraints de rester à domicile pour garder un enfant ou parce qu'ils étaient vulnérables. Ceci afin d'éviter l'application du dispositif d'activité partielle prévue dans ces cas.
Saisie par la Fédération nationale des industries chimiques CGT, la cour d'appel de Paris a jugé que ces mesures constituaient un trouble manifestement illicite car :
- Sanofi ne rapportait pas la preuve des difficultés économiques liées à la propagation du Covid-19. Les mesures d'adaptation présentées par Sanofi sont jugées insuffisantes pour justifier l'application du dispositif dérogatoire en matière de jours de RTT.
- Sanofi ne pouvait pas appliquer les mesures dérogatoires en matière de jours de RTT pour les salariés gardant leurs enfants ou vulnérables. En effet, dans ces cas, l'employeur est contraint de placer les salariés en activité partielle.
Une affaire à suivre
Sanofi s'est pourvu en cassation contre cette décision. Il n'est pas exclu qu'avant même de connaître la position de la Cour de cassation, le gouvernement modifie ce point dans le cadre de son projet de loi relatif à la gestion de la sortie de crise sanitaire. En effet, les employeurs et leurs avocats crient déjà à l'insupportable insécurité juridique que générerait cette décision de justice.
Rappelons que cette mesure dérogatoire au droit du travail a été prévue pour soutenir les entreprises face aux difficultés économiques engendrées par la crise sanitaire et ce au détriment des droits des salariés.
Rappelons que Sanofi a distribué 4 milliards d'euros de dividendes à ses actionnaires en 2020, année de la crise sanitaire.
Est-ce vraiment insupportable qu'il ne puisse pas bénéficier de cette mesure dérogatoire ? L'avidité est décidément insatiable.