Peut-on faire grève par solidarité ?
La grève, droit reconnu par l'alinéa 7 du Préambule de la Constitution de 1946, n'a pas de définition légale. C'est la jurisprudence qui la caractérise comme « la cessation collective et concertée du travail en vue d'appuyer des revendications professionnelles » (Cass. soc. 2 fév. 2006, n°04-12336).
Les grèves de solidarité peuvent ainsi être considérées comme des mouvements illicites si aucune revendication professionnelle n'est portée (Cass. soc. 16 nov. 1993, n°91-41024). C'est ce que rappelle la Cour de cassation dans un arrêt récent (Cass. soc. 6 avr. 2022, n°20-21586).
Un arrêt de travail par solidarité avec un collègue n'est pas une grève
Dans cette affaire, des salariés de la société Iteremia, filiale de la SNCF spécialisée dans l'accueil des voyageurs, se mettent en grève pendant cinq jours afin de protester contre le licenciement d'un collègue pour faute grave. L'employeur les met en demeure de reprendre le travail avant de les convoquer, au 5ème jour de grève, à un entretien préalable à licenciement. Ils sont ensuite licenciés pour faute grave en raison de leur absence injustifiée. Les salariés saisissent les prud'hommes, puis la cour d'appel et enfin la Cour de cassation pour obtenir l'annulation de leur licenciement et leur réintégration. Ils sont déboutés à tous les niveaux. Pourquoi ?
Les juges estiment que leur arrêt de travail ne constitue pas une grève et qu'ils ne peuvent donc pas bénéficier de la protection contre le licenciement attachée au droit de grève (art. L. 2511-1 C. trav.).
Or, dans cette affaire, les salariés s'étaient contentés, dans la lettre transmise à l'employeur, de contester les fautes imputées à leur collègue et la décision de l'employeur de le licencier. Comme le licenciement a été prononcé pour des faits strictement personnels et que les salariés n'assortissaient pas leurs revendications d'une autre demande que son annulation, les juges en déduisent qu'en l'absence de revendication professionnelle, il ne s'agit pas d'une grève mais d'un mouvement illicite.
Sauf s'il est assorti de revendications professionnelles
Pour autant, toute grève de solidarité n'est pas nécessairement un mouvement illicite. Mais si les salariés veulent protester contre une sanction infligée à l'un des leurs, ils doivent prendre garde de légitimer leur mouvement par des revendications professionnelles collectives.
Quelques exemples de grèves de solidarité reconnues par les juges :
- Une grève suite à un licenciement économique car « la menace sur l'emploi que faisait peser ce licenciement caractérisait une revendication professionnelle de défense et de maintien de l'emploi intéressant l’ensemble du personnel» ( Cass. soc. 22 nov. 1995, n°93-44017) ;
- Une grève en solidarité avec une salariée licenciée car elle refusait de tenir un carnet de production imposé par l'employeur, carnet dont les grévistes demandaient le retrait (Cass. soc. 30 nov. 1977, n°76-40043).
- Une grève pour soutenir des salariés menacés de sanctions disciplinaires pour des faits commis lors d'une précédente grève car elle répond à un intérêt collectif et professionnel de défense du droit de grève ( Cass. soc. 2 juil. 2014, n°13-12562).