Pénibilité au travail : le compte professionnel de prévention évolue
Plus de 60 % des travailleurs sont aujourd'hui confrontés à des facteurs de risques professionnels liés à leur métier ou générés par des rythmes de travail excessifs. Les conséquences sur leur santé sont durables, voire irréversibles (voir cette étude de la Dares, réalisée en 2022). Pour défendre sa réforme des retraites et le recul de l'âge légal à 64 ans, le gouvernement a affirmé prendre ce sujet à bras le corps. Annoncées en grande pompe, les mesures prises pour lutter contre la pénibilité au travail sont pourtant loin, très loin, d'être à la hauteur des enjeux (loi n° 2023-270 du 14 avril 2023). Pour l'essentiel, il s'agit de revoir à la hausse le nombre de points enregistré sur le compte professionnel de prévention (C2P). L'occasion de revenir sur ce dispositif méconnu.
Le C2P, kesaco ?
Seuls les salariés exposés à certains risques professionnels et au-delà de certains seuils ont droit au C2P. Ces risques sont les suivants (art. L. 4163-1 C. trav.) :
► les températures extrêmes ;
► le bruit ;
► le travail de nuit ;
► le travail en équipes successives alternantes ;
► le travail répétitif, caractérisé par des mouvements répétés à une fréquence élevée et sous cadence contrainte ;
► les activités exercées en milieu hyperbare.
L'article D. 4163-2 du Code du travail fixe des seuils associés à ces facteurs de pénibilité, au-delà desquels les salariés entrent dans la catégorie « à risque ». À titre d'exemple, appartiennent à cette catégorie ceux qui travaillent 900 heures par an (ou plus) à une température inférieure ou égale à 5 degrés ou au moins égale à 30 degrés. Même chose pour les salariés dont le travail est répétitif, lorsqu'ils réalisent 30 actions techniques ou plus par minute durant 900 heures par an. Pour les travailleurs de nuit, la loi portant réforme des retraites a abaissé le seuil de 120 à 100 nuits par an.
Lorsque les seuils fixés par la loi sont atteints, l'employeur doit déclarer les salariés concernés auprès de la caisse nationale de l'assurance maladie (Cnam) et de la caisse d’assurance retraite et de la santé au travail (Carsat) (art. L. 4163-1 C. trav.). Cette déclaration, annuelle, déclenche l'acquisition de points sur le C2P qui restent acquis aux travailleurs jusqu’à leur départ en retraite (art. L. 4163-5 C. trav.).
Nombre de points attribués
Le mode de calcul des points portés sur le C2P s'effectue selon la durée du contrat de travail (art. R. 4163-9 C. trav.). La loi portant réforme des retraites augmente le nombre de points, mais son impact reste limité.
► Si la durée du contrat de travail est supérieure ou égale à l’année civile
Le salarié a droit à 4 points, multiplié par le nombre de facteurs de risques auxquels il est exposé ; donc 4 points pour 1 facteur de risques, 8 points pour 2 facteurs de risques, 12 points pour 3 facteurs de risques, etc.
► Si le contrat de travail débute ou s’achève en cours d’année civile
Le salarié a droit à 1 point pour chaque période d’exposition de 3 mois, multiplié par le nombre de facteurs de risques auxquels il est exposé ; donc 2 points pour un trimestre d'exposition à 2 facteurs de risques, 3 points pour un trimestre d'exposition à 3 facteurs, etc.
► Pour les salariés nés avant le 1er juillet 1956, le nombre de points acquis est multiplié par deux (art. R. 4163-10 C. trav.).
À quoi sert ce cumul de points sur le C2P ? Quatre options sont possibles : partir à la retraite avant 64 ans, passer à temps partiel, financer une formation ou une reconversion professionnelle. À condition d'avoir un nombre de points suffisant…
En savoir plus
M. Carles, « Agir contre la pénibilité au travail », RPDS 2023, n°940-941, p. 293