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COMITE SOCIAL ET ECONOMIQUE
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Orpea, fossoyeur des élections

Publié le 24 octobre 2022
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Un tribunal a annulé les élections au comité social et économique du groupe Orpéa pour manquement de l'employeur à son obligation de neutralité. Celui-ci a favorisé un syndicat au détriment des autres.

L'enquête de Victor Castanet, Les Fossoyeurs (éditions Fayard), a mis au jour les pratiques honteuses d'Orpea. Le leader mondial des Ehpad privés a également été pris la main dans le sac pour influence sur les élections au comité social et économique (CSE). Le tribunal de proximité de Puteaux vient en effet d'annuler les élections au sein de l'entreprise, à la demande de la CGT, de la CFDT et de FO. Ces syndicats estimaient qu'elles étaient entachées de fraude et que l'employeur avait favorisé le syndicat maison Arc-en-ciel, ce dernier ayant 69 % des élus (soit 24 des 35 membres du CSE), contre 14 % à la CGT,11 % à l'UNSA, et 6 % à la CFDT. Le juge leur a donné raison en estimant que l'employeur n'avait pas respecté son obligation de neutralité.

Qu'est-ce que l'obligation de neutralité ?

Tout au long du processus des élections, le chef d'entreprise doit rester neutre. Il ne peut en aucun cas participer à la campagne électorale ni inciter les salariés à voter pour tel ou tel candidat, ou à ne pas voter. Une telle attitude constitue une atteinte directement contraire à un principe général du droit électoral justifiant l'annulation des élections (Cass. soc. 10 mai 2012, n° 11-14178). C'est au demandeur d'apporter la preuve que l'employeur a violé son obligation de neutralité (Cass. soc. 18 mai 2022, n° 20-21529).

En outre, l'employeur doit respecter le principe d'égalité de traitement entre les organisations syndicales quant aux moyens alloués pour la campagne électorale. Par exemple, l'utilisation par un syndicat de la messagerie du CSE pour diffuser un message de propagande le premier jour du scrutin constitue un détournement à des fins syndicales d'un moyen de communication mis à la disposition des représentants du personnel, l'absence de réaction de l'employeur n'ayant pas permis un égal accès aux moyens de propagande entre les syndicats (Cass. soc. 27 mai 2020, no 19-15105).

L'inobservation de ce devoir de neutralité peut entraîner, outre l'éventuelle annulation des élections, des poursuites pénales pour entrave à la libre désignation des représentants du personnel ou pour pression en faveur ou à l'encontre d'une organisation syndicale (art. L. 2141-5 du Code du travail).

Le syndicat maison favorisé

Dans l'affaire Orpea, le tribunal a donné raison aux syndicats en jugeant que l'employeur avait bien manqué à son obligation de neutralité. Ceux-ci avaient produits devant le tribunal un certain nombre de pièces, et notamment des extraits de l'ouvrage de Victor Castanet. Le journaliste y relate les propos de la juriste des ressources humaines (RH) d'Orpea, qui a expliqué que c'était le service des relations collectives de l'entreprise et/ou les RH qui :

– organisaient les déplacements des membres du syndicat Arc-en-ciel en achetant les billets de train ;

– fournissaient à ce syndicat des informations confidentielles qui étaient ensuite présentées par le syndicat comme un acquis syndical auprès des salariés ;

– téléphonaient à des directeurs d'Ehpad afin de favoriser le maintien des contrats à durée déterminée des salariés votant pour le syndicat maison ;

– retiraient les professions de foi des syndicats « indésirables » des enveloppes envoyées aux électeurs ;

– adressaient volontairement à des adresses erronées le matériel de vote à des salariés soupçonnés de ne pas vouloir voter pour le syndicat maison, etc.

Selon le juge, ces éléments étaient par ailleurs corroborés par les témoignages d'anciens directeurs d'Ehpad. Une directrice expliquait avoir eu pour consigne de recevoir « favorablement » les visites du syndicat Arc-en-ciel, en acceptant leurs flyers mais pas ceux des autres syndicats, « l'objectif étant de faire passer Arc-en-ciel » aux élections (TP Puteaux [TJ Nanterre], 12 sept. 2022, n°11-22-000274, Fédération CGT Action sociale c/Orpea).

De nouvelles élections mais pas de remise en cause des désignations intervenues

Orpea est donc contraint d'organiser de nouvelles élections. Pour autant, le juge a refusé d'annuler les désignations des représentants syndicaux intervenues à la suite des élections aujourd'hui annulées. En effet, l'annulation des élections est sans incidence sur la régularité des désignations de salariés, en qualité de délégué syndical et de représentant syndical au comité (Cass. soc. 11 mai 2016, no 15-60171). Mais leurs mandats prendront fin lors des nouvelles élections renouvelant le CSE dont il faut espérer qu'elles se déroulent dans la transparence et le respect de l'équité, ce qui visiblement va être assez inédit pour Orpea.

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