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Loi « Passe vaccinal » : quelles conséquences sur la relation de travail ?

Publié le 7 février 2022
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La loi du 22 janvier 2022 contraint les salariés travaillant dans des établissements recevant du public, ainsi que le personnel soignant ou ceux travaillant avec des personnes vulnérables, à présenter un passe vaccinal valide. De quoi s'agit-il ? Quelles différences avec le passe sanitaire ? NVO Droits décrypte les incidences du texte sur les relations de travail.

La loi du 22 janvier 2022 mettant en place le passe vaccinal et son décret d'application s'applique depuis le 24 janvier 2021 à toute personne d'au moins seize ans, après validation de l'essentiel de ses dispositions par le Conseil constitutionnel. Parmi celles-ci figurent notamment l’obligation d'un passe vaccinal pour certains salariés, le personnel soignant et ceux travaillant avec des personnes vulnérables.

Comme pour le passe sanitaire, le fait de ne pas répondre aux conditions posées par la loi peut avoir des conséquences sur le contrat de travail ou le statut des intéressés.

NVO Droits répond aux principales interrogations que suscite ce texte qui élargit le pouvoir disciplinaire de l'employeur et autorise la discrimination sur la base de l'état de santé des salariés.

Quels travailleurs sont concernés par le passe vaccinal ?

Depuis le 24 janvier 2021, la détention d'un passe vaccinal concerne les salariés, les bénévoles, les agents publics et autres personnes travaillant dans des établissements, lieux, services et évènements dont l'accès des participants, visiteurs, spectateurs, clients ou passagers est conditionné à la présentation du passe sanitaire.

Il s'agit notamment des salles de spectacle, cinémas, établissements sportifs couverts, musées, bibliothèques, restaurants (sauf restaurants collectifs d'entreprise), bars, cafés, établissements de santé (sauf situation d'urgence ou réalisation d'un dépistage de la Covid-19), transports publics interrégionaux (sauf cas d'urgence), magasins et centres commerciaux d'au moins 20 000 mètres carrés sur décision du préfet de département (décret n° 2022-51 du 22 janv. 2022, JO du 23 et décret n° 2021-699 du 1er juin 2021, modifié).

Toutefois, le même décret du 22 janvier précise que l'obligation de passe vaccinal pour les salariés est limitée aux activités qui se déroulent dans les espaces et aux heures accessibles au public et ne concerne pas les activités de livraison et les intervention d'urgence. À notre avis, le préparateur de commandes dans l'arrière-boutique d'un magasin n'a donc pas d'obligation particulière.

Les travailleurs concernés doivent présenter un justificatif de statut vaccinal complet qui inclut la dose de rappel pour les personnels de 18 ans et plus. Il est aussi possible de présenter :

  • soit un certificat de rétablissement pour les personnes qui ont été infectées par la Covid-19 (durée de validité de six mois) ;
  • soit un certificat de contre-indication à la vaccination contre la Covid-19.

Les personnes jusqu'à présent non vaccinées recevant une première dose de vaccin jusqu'au 15 février 2022 inclus sont considérées comme ayant un passe vaccinal valide pendant les quatre semaines qui suivent, si elles justifient d'un test ou examen de dépistage négatif de moins de 24 heures.

Les professionnels intervenant dans les lieux ou événements soumis à passe vaccinal (et par conséquent les salariés) peuvent présenter à leur employeur leur justificatif de statut vaccinal (sous une forme ne permettant d'identifier que sa nature) et l'information selon laquelle le schéma vaccinal est complet. Dans ce cas, l'employeur est autorisé à conserver, jusqu'au terme de la période d'application du dispositif du passe, le résultat de la vérification opérée et à délivrer, le cas échéant, un titre spécifique permettant une vérification simplifiée.

En tout état de cause, et comme pour le passe sanitaire, l'employeur devra habiliter nommément les personnes autorisées à contrôler le passe vaccinal pour son compte et tenir un registre détaillant leurs nom, date d'habilitation et jours de contrôles effectués.

Que se passe t-il en cas de passe invalide ?

Si le salarié concerné ne présente pas les justificatifs, certificats ou résultats qu'impose la loi, deux cas de figure peuvent se présenter :

  • Le salarié peut choisir d'utiliser, avec l’accord de son employeur, des jours de repos conventionnels ou des jours de congés payés.
  • Si le salarié n'utilise pas des jours de repos conventionnels ou des jours de congés payés, l'employeur lui notifie, par tout moyen, le jour même, la suspension de son contrat de travail (ou de ses fonctions pour un agent public titulaire). Cette suspension s’accompagne de l’interruption du versement de la rémunération.
Le salarié est ainsi placé devant un faux choix : soit consommer immédiatement des jours non choisis de congés, et donc renoncer à un repos futur acquis par son travail, soit renoncer temporairement à son salaire, étant entendu qu'il ne s'agit pas en l'espèce d'un arrêt de travail indemnisé par l'Assurance maladie.

Si la suspension du contrat de travail se prolonge au-delà d’une durée équivalente à trois jours travaillés, l'employeur doit convoquer le salarié à un entretien afin d’examiner avec lui les moyens de régulariser sa situation. Parmi ceux-ci figurent les possibilités d’affectations, le cas échéant temporaires, au sein de l’entreprise, sur d'autres postes non soumis à l'obligation de passe sanitaire.

Cette possibilité doit appeler les salariés et leurs représentants à la plus grande vigilance. En effet, certains employeurs indélicats pourraient en profiter pour procéder à des mutations qui n'auraient rien de temporaires et qui ne correspondraient pas forcément aux compétences et qualifications de la personne concernée. Ce qui constituerait une sanction déguisée, voir discriminatoire car fondée sur l'état de santé.

Dans tous les cas de figure (prise de congés, suspension du contrat, mutation temporaire), la position dans laquelle se trouve le salarié doit prendre fin dès qu'il produit les justificatifs requis.

Il n'en demeure pas moins que la loi octroie aux employeurs la possibilité d'avoir accès aux données de santé de leurs salariés et de suspendre ou de modifier unilatéralement les termes du contrat de travail qui les lie sur la base de ces données.

À noterInformation et consultation du comité social et économiqueDans les entreprises et établissements d’au moins cinquante salariés, l'employeur doit informer, sans délai et par tout moyen, le comité social et économique (CSE) des mesures de contrôle qu'il met en œuvre pour satisfaire aux obligations liées au passe vaccinal. L’avis du comité social et économique peut intervenir après la mise en œuvre desdites mesures, au plus tard dans un délai d’un mois à compter de la communication par l'employeur des informations. Une nouvelle entorse au principe de la consultation préalable du CSE.

L'employeur peut-il licencier ?

Le salarié dont le contrat de travail serait rompu à la suite de la non présentation d'un passe vaccinal doit s'adresser en référé au conseil de prud'hommes en exigeant sa réintégration. Le licenciement serait en effet nul, car fondé sur une discrimination en raison de son état santé.

Si l'employeur entend se séparer d'un salarié ne pouvant présenter un passe vaccinal valide, il ne pourrait le faire que s'il dispose d'une cause réelle et sérieuse de licenciement. Ainsi, il doit justifier du fait que l'absence prolongée du salarié désorganise l'entreprise et que cela nécessite son remplacement définitif par un salarié en CDI. Il peut aussi procéder à un licenciement pour motif économique à condition de justifier d'un motif économique valable et d'une suppression ou transformation d'emploi. Il devrait également respecter l'obligation de reclassement. Par contre, un licenciement pour inaptitude médicale semble douteux dans la mesure où le salarié n'est pas malade et où la vaccination ne revêt aucun caractère obligatoire.

À noterLa loi n'envisage pas l'hypothèse des procédures de recrutement. En conséquence, selon nous, un employeur ou un cabinet de recrutement qui subordonnerait l'embauche à la présentation d'un passe vaccinal commettrait une discrimination prohibée aussi bien par le Code du travail (art. L. 1132-1) que par le Code pénal (art. 225-1 et 225-2).
Pour en savoir plus : RPDS n° 916-917, août-septembre 2021, « La lutte contre les discriminations ».

Personnel soignant ou travaillant avec des personnes vulnérables : obligation de vaccination

La vaccination contre la Covid-19 est obligatoire pour les personnes travaillant dans certains établissements (établissements de santé publics et privés, centres de santé, maisons de santé, SST, etc.) et pour certaines professions (professionnels de santé, aides à domicile des particuliers employeurs bénéficiaires de l'allocation personnalisée d'autonomie ou de la prestation de compensation du handicap, sapeurs-pompiers, etc.) (loi n° 2021-1040 du 5 août 2021, art. 12 et 13 et décret n° 2021-699 du 1er juin 2021, art. 49-1, modifié par décret n° 2021-1059 du 7 août 2021, art. 1).

Le décret du 22 janvier 2022 acte la nécessité pour ces personnels d’avoir effectué leur dose de rappel au plus tard le 30 janvier 2022 dans le cadre de leur obligation vaccinale, sauf contre-indication médicale ou présentation d'un certificat de rétablissement.

Afin de pouvoir procéder à cette vérification, les employeurs doivent demander :

  • la présentation d'un justificatif de statut vaccinal (comme évoqué ci-avant, les employeurs peuvent conserver de manière sécurisée les résultats des vérifications de satisfaction à l'obligation vaccinale jusqu'à la fin de cette obligation) ;
  • un certificat de rétablissement valide, sous format papier ou numérique ;
  • un certificat médical en cas de contre-indication à la vaccination contre la Covid-19.

Dans ces deux derniers cas, les salariés peuvent transmettre le certificat de rétablissement ou le certificat médical de contre-indication au médecin du travail compétent, qui informe l'employeur, sans délai, de la satisfaction à l'obligation vaccinale avec, le cas échéant, le terme de validité du certificat transmis.

Si l'employeur ou l’agence régionale de santé constate qu’un salarié ne peut plus exercer son activité, il l’informe sans délai des conséquences qu'emporte cette interdiction d’exercer son emploi, ainsi que des moyens de régulariser sa situation. Le salarié qui fait l’objet d’une interdiction d’exercer peut utiliser, avec l’accord de son employeur, des jours de repos conventionnels ou des jours de congés payés. À défaut, son contrat de travail est suspendu. Cette suspension s’accompagne de l’interruption du versement de la rémunération. Elle prend fin dès que le salarié remplit les conditions nécessaires à l’exercice de son activité. Elle ne peut être assimilée à une période de travail effectif pour la détermination de la durée des congés payés, ainsi que pour les droits légaux ou conventionnels acquis par le salarié au titre de son ancienneté. Pendant cette suspension, le salarié conserve le bénéfice des garanties de protection sociale complémentaire auxquelles il a souscrit.

Lorsque le contrat à durée déterminée d’un salarié est suspendu, le contrat prend fin au terme prévu si ce dernier intervient au cours de la période de suspension.

Les salariés exerçant leur activité sans respecter l'obligation de vaccination sont sanctionnés, en outre, par une amende de 135 €. Les employeurs n'ayant pas contrôlé le respect de cette obligation sont redevables d'une amende de 1 500 € ou 7 500 €, puis 9 000 € ou 45 000 € après trois verbalisations.