L’obligation de sécurité ne se délègue pas
Vous vous souvenez sûrement de cet accident tragique ayant entraîné la mort de dix personnes en 2015, lors du tournage pour TF1 de l'émission de téléréalité « Dropped ». Des sportifs de haut niveau, comme la navigatrice Florence Arthaud, la nageuse Camille Muffat et le boxeur Alexis Vastine, devaient être lâchés en pleine nature en Argentine. Mais le jeu d'aventures ne verra finalement jamais le jour après le crash mortel de deux hélicoptères transportant des candidats et des salariés de l'équipe de production.
Neuf ans plus tard, les familles des victimes attendent toujours un procès pour homicide involontaire. En revanche, la société Adventure Line Productions (ALP), connue entre autres pour « Koh Lanta » ou « Fort Boyard », a déjà été condamnée plusieurs fois au civil pour faute inexcusable.
Une faute inexcusable
L'employeur est tenu à une obligation légale de sécurité et de protection de la santé physique et mentale des travailleurs (art. L. 4121-1 et L. 4121-2 C. trav.). Si un salarié est victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, l'employeur peut être condamné pour faute inexcusable s'il avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver (Cass. civ. 2e 8 oct. 2020, n° 18-25.021 et 18-26.677). La reconnaissance d'une faute inexcusable permet aux victimes, ou à leurs ayant droits en cas de décès, de bénéficier d'une indemnisation majorée et d'une meilleure réparation de leurs préjudices.
Dans l'affaire « Dropped », la société ALP pensait pouvoir échapper à la faute inexcusable au motif que, étant professionnelle de l'audiovisuel et non de l'aviation, elle avait délégué la sécurité du tournage, et particulièrement des vols en hélicoptère, à une société spécialisée. Elle ne pouvait donc être tenue pour responsable de l'accident.
L'opération « blanchiment » n'a pas convaincu les juges. Ces derniers relèvent que si les hélicoptères ont volé en formation rapprochée, et donc dangereuse, c'est bien suite à un scénario défini par l'employeur. Et surtout, quand bien même des sociétés tierces sont intervenues pour assurer la sécurité, elles demeuraient sous la supervision, la direction et le contrôle de l'employeur. Celui-ci reste donc bien comptable de son obligation de sécurité et doit assumer ses responsabilités envers ses salariés.