Lettre de convocation à l’entretien préalable
Peut-on continuer à considérer que les droits de la défense du salarié sont bien respectés lorsque l'employeur ne motive pas la lettre de convocation à l'entretien préalable pour un éventuel licenciement ? Malheureusement pour les salariés, la Cour de cassation maintient une position quelque peu archaïque en décidant que l'employeur n'a aucune obligation de mentionner dans la lettre de convocation les griefs reprochés au salarié.
Cette affaire concernait un responsable de restauration licencié pour faute grave après une mise à pied à titre conservatoire. Il saisit le conseil de prud'hommes d'Évreux pour contester le bien-fondé de son licenciement ainsi que la procédure. Ce second point porte ici toute notre attention. Le salarié fait valoir, entre autres, qu’il était dans l’ignorance des griefs formulés à son encontre avant l’entretien préalable, ce qui l’avait empêché de préparer sa défense.
Recevant l'adhésion du conseil, ce dernier décide dans un jugement fort bien motivé que lorsque la lettre de convocation à l'entretien préalable ne précise pas les faits reprochés au salarié, le licenciement peut être annulé (CPH Évreux, 26 mai 2015, n° F/1300379, RPDS 2015, n° 844, commentaire M. Carles).
Or, cette orientation audacieuse prise par les juges du Conseil de prud'hommes n'est pas suivie par la Cour de cassation dans sa décision du 6 avril 2016 (Cass. soc. 6 avril 2016, n° 14-23198, Sté d'exploitation de l'hôtel du parc de Bougival).
Cette décision est l'occasion, pour nous, de revenir sur une jurisprudence défavorable aux intérêts des salariés, et de réaffirmer le caractère fondamental des droits de la défense du salarié en cours de licenciement.
Lettre de convocation : quel contenu ?
La lettre de convocation à un entretien préalable au licenciement doit préciser la date, l'heure et le lieu de l'entretien, mais aussi, « l'objet de la convocation ». Les textes ne donnent pas plus de précision (Art.L.1232-2 et R.1232-1 du Code du travail). Ce point particulier peut être entendu de manière restrictive. La raison pour laquelle le salarié est convoqué à l'entretien préalable signifie, selon la Cour de cassation que doit être mentionné dans la convocation l'éventualité d'un licenciement sans pour autant préciser les motifs de celui-ci.
Le salarié doit également être informé qu’il peut se faire assister pour cet entretien par une personne de son choix appartenant au personnel de l’entreprise ou, en l’absence d’institutions représentatives du personnel dans l’entreprise, par un conseiller du salarié.
L'expression inégalitaire lors de l'entretien préalable
L’entretien préalable constitue une étape essentielle de la procédure de licenciement. Lors de cet entretien, l'employeur discute avec le salarié des faits qui lui sont reprochés. Il peut s’agir de fautes professionnelles, de retards, d’insuffisances, etc. C’est le moment où le salarié peut s’exprimer sur ces faits, faire valoir ses arguments, se justifier.
Ce n’est qu’à l’issue de cette discussion que l'employeur, théoriquement, décide s’il va licencier ou non le salarié. Il est donc important que ce dernier puisse préparer au mieux cet entretien, en étant informé, au préalable, des reproches qui lui sont faits.
L’entretien préalable est le seul moment ou le salarié a la possibilité de se défendre. Il doit pouvoir connaître à l’avance non seulement la sanction envisagée, mais surtout les reproches que l'employeur s’apprête à formuler à son encontre. Pour cette raison, certains juges du fond résistent et tentent d’initier un revirement de jurisprudence. Ce que nous encourageons.
Selon ces juges, les droits de la défense du salarié comportent deux exigences essentielles : d'une part, il doit recevoir communication des griefs invoqués à son encontre, et, d'autre part, ces informations doivent lui être délivrées dans un délai raisonnable afin de préparer sa défense (en tout état de cause, avant l'entretien préalable au licenciement).
Il s'agit là d'un principe fondamental dont le non-respect pourrait entraîner la nullité du licenciement. Deux textes confortent cette position :
l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, qui affirme le droit pour tout accusé d'être informé, dans le plus court délai et d'une manière détaillée, de la nature et de la cause de l'accusation portée contre lui, et de disposer du temps nécessaire à la préparation de sa défense ;
l'article 7 de la convention n° 158 de l'OIT, aux termes duquel un travailleur ne doit pas être licencié pour des motifs liés à sa conduite ou à son travail avant qu'on ne lui ait offert la possibilité de se défendre contre les allégations formulées. »