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DURÉE DU TRAVAIL
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Les temps de pause sont-ils du temps de travail ?

Publié le 15 novembre 2021
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Lorsqu'un salarié, durant son temps de pause, est soumis à certaines contraintes, le juge peut considérer qu'il s'agit d'un temps de travail. Zoom sur un arrêt récent de la Cour de justice de l'Union Européenne.

Vingt minutes lorsque le temps de travail atteint six heures (art. L. 3121-16 du C. trav.). Le minimum légal prévu pour les temps de pause est plutôt minimaliste. Fort heureusement, les temps de « repos » accordés aux salariés sont généralement plus fréquents et résultent pour la plupart d'usages ou d'accords d'entreprise. Ces temps doivent-ils être rémunérés ? Tout dépend de la situation du travailleur pendant sa pause.

Salarié demeurant (ou pas) à la disposition de l'employeur

  • Hypothèse la plus simple, le salarié bénéficie d'une vraie pause, sans obligation de se rendre disponible pour une éventuelle intervention → la loi n'en prévoit pas la rémunération, mais l'employeur peut y être contraint en application d'un accord collectif, d'un usage, ou d'un engagement unilatéral.
  • Deuxième cas de figure, le salarié reste à la disposition de l'employeur durant sa pause et doit se conformer à ses directives, sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles → ce temps pause est qualifié, en droit français, de « temps de travail effectif » ( L. 3121-1 du C. trav.). En droit européen, on parle simplement de « temps de travail ».

La jurisprudence française incertaine

En droit français, la qualification des temps de pause donne lieu à des jurisprudences disparates. En résulte un préjudice pour les travailleurs qui ne savent pas toujours si ces temps doivent être payés ou non. Deux exemples de décisions discordantes.

  • Les pauses durant lesquelles les salariés doivent demeurer dans les locaux de l'entreprise et peuvent être appelés à tout moment pour effectuer des interventions de sécurité, immédiates et fréquentes, sont du temps de travail effectif ( soc. 20 février 2013, n° 11-26401) ;
  • Les pauses durant lesquelles les salariés doivent conserver leur téléphone mobile professionnel dans tous leurs déplacements, afin d'être joignables à tout moment pour pouvoir communiquer des informations urgentes au transporteur pour qu'il effectue les livraisons, ne sont pas du temps de travail effectif ( soc. 2 juin 2021, n° 19-15468).

Le droit européen plus protecteur

Récemment, la Cour de justice de l'union européenne (CJUE) a dû examiner le cas d'un pompier tchèque qui bénéficiait de deux pauses quotidiennes de 30 minutes chacune, prises sur le lieu de travail. Equipé d'un récepteur, ce salarié disposait d'un délai de 2 minutes pour interrompre sa pause et partir en intervention. Problème, seul le temps d'intervention était décompté comme du temps de travail. Or, selon le salarié, l'intégralité des temps de « pause » devrait être rémunéré compte tenu des contraintes imposées. La CJUE devait donc trancher cette question : la période de pause au cours de laquelle un salarié reste à la disposition de l'employeur pour pouvoir intervenir rapidement doit-elle être qualifiée de temps de travail ? La réponse est affirmative (arrêt du 9 septembre 2021, affaire C‑107/19).

Le critère déterminant, aux yeux des juges européens, est l'obligation faite au travailleur d'être physiquement présent sur le lieu déterminé par l'employeur et de s'y tenir à la disposition de ce dernier pour pouvoir immédiatement fournir ses services en cas de besoin.

Dans le cas du pompier tchèque, le délai imposé pour se remettre au travail était limité à 2 minutes, ce qui le plaçait en situation d'alerte permanente. Impossible, dans ces conditions, de gérer librement ce temps de pause, de vaquer à ses occupations personnelles et de planifier une quelconque activité de détente, même de courte durée. Ce temps de pause était donc, en réalité, du temps de travail.

Dans ce même arrêt, la CJUE apporte deux précisions importantes.

  • L'absence de toute activité pendant une pause ne signifie pas qu'il s'agit systématiquement d'un temps de repos. Le rôle du juge consiste à évaluer si les contraintes posées autour de ce temps d'inactivité ont un impact objectif et significatif sur les possibilités, pour le travailleur, de se consacrer à ses intérêts personnels et sociaux. En cas d'impossibilité, la période doit être qualifiée de temps de travail dans son intégralité.
  • L'évaluation du degré de contraintes pesant sur le salarié s'applique également aux temps d'astreinte ; peu importe que ces derniers soient effectués sur le lieu de travail ou en dehors, ils peuvent, de la même manière, être requalifiés en temps de travail.

Quid de la rémunération ?

Lorsque la CJUE requalifie un temps de repos en temps de travail, cela ne signifie pas que le salarié acquiert un droit automatique à rémunération. Les juges européens le rappellent dans cet arrêt du 9 septembre, ils ne font qu'appliquer la directive européenne n° 2003/88/CE du 4 novembre 2003 relative au temps de travail, texte qui ne traite pas des questions de rémunération.

Ses temps de pause étant désormais requalifiés en temps de travail, le salarié tchèque doit maintenant faire valoir son droit à rémunération auprès de la juridiction compétente de son État.

Quant aux salariés français qui souhaitent obtenir le paiement de leur temps de pause, cet arrêt de la CJUE vient utilement compléter leur dossier et peut être invoqué devant le juge prud'homal.
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