À venir
Votre identifiant correspond à l'email que vous avez renseigné lors de l'abonnement. Vous avez besoin d'aide ? Contactez-nous au 01.49.88.68.50 ou par email en cliquant ici.
HAUT
CHÔMAGE
CHÔMAGE

Les salariés abandonnant leur poste ou refusant un CDI n’ont plus droit au chômage

Publié le 22 décembre 2022
Modifié le 2 janvier 2023
Par
La loi Marché du travail prive de leur droit à l'assurance chômage les salariés ayant abandonné leur poste et ceux en CDD ou intérim qui refuseraient deux propositions de CDI. Des mesures injustes et avant tout idéologiques.

La loi dite Marché du travail, promulguée le 21 décembre 2022, entérine la régression des droits des salariés à l'assurance chômage (Loi n° 2022-1598 du 21 décembre 2022 portant mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi ).

Outre la réduction de la durée de l'indemnisation chômage en fonction de la situation de l'emploi (pour le détail de cette mesure, consulter notre article « Les droits des chômeurs rabotés selon la conjoncture économique »), la loi prive tout bonnement et simplement des salariés de leur droit à bénéficier de l'assurance chômage. Deux situations sont visées par le législateur :

  • les abandons de poste ;
  • le refus de deux propositions de CDI pour les salariés en CDD ou en intérim.

Abandon de poste = démission = pas d'assurance chômage

Dorénavant, les salariés ayant abandonné leur poste seront présumés démissionnaires. Cette présomption de démission a pour effet de les priver de la possibilité de bénéficier de l'assurance chômage.

Concrètement, selon le nouvel article L. 1237-1-1 introduit dans le Code du travail, lorsqu'un salarié abandonne son poste, l'employeur pourra le mettre en demeure de justifier son absence et de reprendre son poste dans un délai fixé par ses soins, sous réserve de respecter un minimum fixé par un décret en attente de parution. Cette mise en demeure doit être adressée par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge. À l'expiration du délai, si le salarié n'a ni repris son poste, ni justifié son absence, il sera présumé avoir démissionné. Son contrat de travail sera donc rompu.

Le salarié pourra tenter de renverser cette présomption de démission en contestant la rupture de son contrat de travail devant le conseil de prud'hommes. L'affaire est alors directement portée devant le bureau de jugement qui devra statuer au fond dans un délai d'un mois à compter de la saisine.

Refus de 2 CDI pour les CDD et intérimaires = pas d'assurance chômage

Les demandeurs d'emploi ayant refusé à deux reprises au cours de l'année précédente une proposition de CDI alors qu'ils étaient en CDD ou en intérim ne peuvent plus bénéficier de l'assurance chômage, à l'exception de ceux ayant été employés en CDI durant la même période d'un an (art. L. 5422-1 C. trav.).

À noter Cette disposition ne s'applique pas si la dernière proposition adressée au demandeur d'emploi n'est pas conforme aux critères prévus par le projet personnalisé d'accès à l'emploi si ce projet a été élaboré avant la date du dernier refus pris en compte.

Concrètement, l'employeur devra informer Pôle emploi lorsqu'un salarié en CDD ou en intérim aura refusé, à l'échéance de son contrat ou de sa mission, une proposition de CDI pour occuper le même emploi ou un emploi similaire, assorti d'une rémunération au moins équivalente pour une durée du travail équivalente, relevant de la même classification et sans changement du lieu de travail (art. L. 1243-11-1 et L. 1251-33-1 C. trav.). La proposition devra avoir été notifiée par écrit au salarié. Un décret doit préciser les modalités d'applications de cette mesure.

Des mesures avant tout idéologiques

Ces deux dispositions ont été ajoutées à la loi Marché du travail suite à des amendements des parlementaires Les Républicains (LR) soucieux de faire la chasse aux soi-disant « profiteurs » de l'assurance chômage. Elles n'ont fait l'objet d'aucune étude d'impact qui aurait permis de qualifier et quantifier l'éventuel « problème » que poseraient les abandons de poste et les refus de CDI des salariés précaires.

En réalité, que ce soit du côté des employeurs ou des salariés, tous s'accordent à dire qu'il n'existe pas de problème sur ces situations qui restent marginales et se résolvent sans difficulté avec l'outillage juridique actuel.

En revanche, les nouvelles mesures posent de sérieux problèmes et, outre qu'ils vont réduire les droits des salariés, seront créatrices d'incertitudes juridiques, y compris pour les employeurs.

La présomption de démission créée par la loi Marché du travail revient en effet sur une jurisprudence ancienne et bien établie selon laquelle précisément la démission ne se présume pas mais ne peut que résulter d'une manifestation claire et non équivoque de la volonté du salarié de rompre le contrat de travail (Cass. soc. 24 janv. 1996, n°92-43868). Puisqu'il s'agit d'une présomption simple, elle peut être renversée si le salarié saisit les prud'hommes et démontre que son absence n'était pas volontaire, par exemple si elle résulte du comportement fautif de l'employeur. Et bien que la loi indique un délai de traitement d'un mois par les prud'hommes, tous les spécialistes s'accordent à dire que ce délai ne sera pas tenable compte tenu de l'état des juridictions. Pendant toute la période où la démission présumée pourra être remise en question, l'incertitude juridique demeurera.

Surtout, cette nouvelle qualification de rupture du contrat de travail, tout comme la possibilité de priver un salarié précaire de ses indemnités chômage au motif qu'il aurait refusé deux CDI, donne un pouvoir inédit à l'employeur : décider si la rupture du contrat de travail donnera droit ou non au chômage. Jusqu'à présent, seuls les agents de Pôle emploi étaient habilités pour le faire.

Et pour ceux qui trouvent injuste que des salariés (se comptant sur les doigts d'à peine quelques mains), ayant abandonné leur poste ou ayant refusé deux CDI alors qu'ils étaient en CDD ou en intérim, bénéficient du chômage, nous les invitons à tourner leurs regards vers les ruptures conventionnelles : 454 000 ont été homologuées en 2021 (source Dares). Un sujet autrement plus prégnant…

Suivez la NVO sur FacebookTwitterInstagram