Les régimes d’astreinte et de forfaits jours épinglés par le CEDS
Le CEDS est saisi par des réclamations collectives. La procédure d'examen de recevabilité et du bien-fondé de ces dernières instaure un échange contradictoire entre l'État et le ou les auteurs de la réclamation.
Les décisions du CEDS n'ont pas d'effet contraignant. L'auteur de la réclamation ne peut exiger que la décision soit exécutée en droit interne.
Depuis plusieurs années, la CGT se bat contre les règles relatives aux astreintes et aux forfaits jours, et déjà plusieurs décisions du Comité européen des droits sociaux (CEDS) lui ont donné raison. La dernière en date porte sur les astreintes et les forfaits jours dans leur version issue de la loi no 2016-1088 du 8 août 2016, dite loi El Khomri (voir le communiqué de presse de l'UGICT).
Les astreintes ne devraient pas être totalement assimilées à du repos
Seules les périodes d'intervention du salarié, ainsi que le temps de trajet pour arriver sur le lieu de travail, sont considérées comme du temps de travail effectif. Le reste est du temps de repos. Lorsque le salarié n'est pas intervenu, l'intégralité du temps d'astreinte est considérée comme du temps de repos.Les astreintes sont des périodes pendant lesquelles le salarié, sans être sur son lieu de travail et sans être à disposition permanente et immédiate de l'employeur, doit être en mesure d'intervenir pour accomplir un travail au sein de l'entreprise. Le salarié qui y est soumis doit recevoir une compensation sous forme financière ou sous forme de repos (Art. L. 3121-9 C. trav.).
Or, comme le souligne le CEDS, même si la réalisation d'une prestation pour l'employeur reste éventuelle, une astreinte empêche incontestablement le salarié de se consacrer à des activités relevant de son libre choix.
Selon le CEDS, il y a violation de l'article 2§1 de la Charte (qui garantit une durée raisonnable du travail journalier et hebdomadaire), du fait que l'astreinte peut être assimilée à une période de repos dans son intégralité.
D'autre part, le Comité, rappelant l'une de ses décisions de 2009 et l'absence d'évolution de la loi française depuis, considère qu'il y a violation de l'article 2§5 (jour de repos hebdomadaire coïncidant avec le jour de repos traditionnel) car les périodes d'astreinte peuvent avoir lieu le dimanche.
Les forfaits jours ne garantissent ni une durée du travail raisonnable ni une rémunération équitable
Pour rappel, les forfaits jours organisent un décompte sur l'année de la durée du travail en jours ou demi-journées, sans référence au nombre d'heures travaillées. La rémunération est forfaitaire et exclut le paiement d'heures supplémentaires.
Les salariés en forfait jours peuvent travailler jusqu'à 218 jours, sachant qu'ils peuvent aussi renoncer à un certain nombre de jours de repos. Ils ne sont pas soumis à la durée légale hebdomadaire de 35 heures, ni à la durée quotidienne maximale de 10 heures, ni aux durées hebdomadaires maximales (48 heures par semaine, et 44 heures en moyenne par période de 12 semaines).
Le CEDS relève que le seuil théorique de 78 heures par semaine peut être atteint, même si, en pratique, la durée de travail moyenne serait de 46h30.
Les garde-fous établis par la loi pour préserver la santé et la sécurité des salariés sont faibles. L'obligation légale de l'employeur de contrôler la charge de travail instaurée par la loi El Khomri (Art. L. 3121-60, L. 3121-64 et L. 3121-65 C. trav.) s'avère insuffisante.
Ainsi, le CEDS juge que le régime des forfaits jours viole également l'article 2§1 de la Charte du fait de l'absence de limitation légale de la durée hebdomadaire maximale autorisée, de l'absence de moyens adéquats garantissant une durée raisonnable du travail, et du fait de la période de référence d'un an.
Il n'est pas conforme non plus à l'article 4§2 (droit à une rémunération équitable et paiement majoré des heures supplémentaires), car les salariés liés par une convention de forfaits jours ne peuvent pas prétendre au paiement d'heures supplémentaires.
« Les conventions de forfait », RPDS no 887.
« La durée du travail », RPDS no 902.