L’élu suppléant peut-il être représentant syndical au CSE ?
Selon l’article L. 2314-2 du Code du travail, chaque organisation syndicale représentative dans l’entreprise ou établissement peut désigner un représentant syndical au comité social et économique. L'ancien article L. 2324-2 en dispose de même pour les comités d'entreprise en cours de mandat. Il assiste aux séances avec voix consultative. Il est choisi parmi les membres du personnel de l’entreprise et doit remplir les conditions d’éligibilité au comité social et économique ou au comité d'entreprise.
Sous la législation des comités d'entreprise, le cumul du mandat de membre élu du comité d’entreprise et de celui de représentant syndical auprès de ce dernier avait été jugé incompatible. Cette interdiction de cumul est fondée sur la différence des pouvoirs octroyés par la loi à chacune de ces deux fonctions. Le représentant syndical au comité d’entreprise est cantonné à une simple voix consultative l’autorisant à intervenir en séance du comité alors que l'élu, même suppléant, peut être amené à voter lorsque le titulaire est absent. Qui plus est les élus suppléants du comité participaient aux séances même si les titulaires étaient présents, ce qui renforçait l'idée selon laquelle ce ne pouvait être le même salarié qui soit à la fois élu suppléant et représentant syndical.
Les ordonnances ont-elles changé la donne ?
La question est cependant renouvelée depuis l'ordonnance du 22 septembre 2017 ratifiée par la loi du 9 mars 2018. En effet, désormais les élus suppléants au comité social et économique (CSE) n'assistent aux réunions du comité que lorsque le titulaire est absent (art. L. 2314-1 du C. trav.), sauf accord plus favorable. S'appuyant sur cette exclusion, un syndicat d'entreprise avait désigné comme représentant syndical au CSE un élu suppléant. Il estimait que le cumul des deux fonctions était compatible car le fait de ne pas pouvoir siéger en présence du titulaire lui permettait de siéger alternativement comme suppléant et représentante syndicale selon les besoins. Le remplacement du titulaire pouvant intervenir de manière aléatoire, cela permettait, selon le syndicat, d'écarter la justification du principe du non cumul entre les deux fonctions.
Incompatibilité confirmée
Appelé à se prononcer sur la demande de l'employeur d'annulation de la désignation, le tribunal d'instance a estimé que l'instauration du comité social économique se substituant au comité d’entreprise, aux délégués du personnel et au comité d’hygiène et de sécurité n’a pas substantiellement modifié la distinction entre les deux fonctions d'élu suppléant et de représentant syndical au comité. Cette incompatibilité qui repose sur les compétences d’attribution de chacune des fonctions et sur la distinction entre voix délibérative et voix consultative conserve sa pleine justification dans la mesure où, par exemple, les suppléants peuvent être désignés comme membres des différentes commissions telles que la commission économique ou la commission santé sécurité et conditions de travail.
Selon les juges, l’interdiction du cumul entre les deux mandats doit donc être retenue dans la nouvelle organisation propre au CSE. Ils ont en conséquence ordonné à la salariée désignée d’opter dans le délai de 15 jours à compter du prononcé de décision du tribunal entre son mandat d’élue suppléante du CSE de l’établissement et son mandat de représentante syndicale auprès de ce même comité. Dans l’hypothèse où la salariée n’opterait pas à l’issue de ce délai, le mandat de représentante syndicale serait caduc (Tribunal d’instance de Lorient, 20 nov. 2018, n° 2018/1077, Sté Carrefour Hypermarchés c/ syndicat CFDT Services du Morbihan).
À noter : Il est vrai qu'admettre la possibilité de cumul aboutirait dans le cas où le suppléant serait appelé à siéger en l'absence de titulaire à priver le syndicat désignataire de son représentant syndical, car la même personne ne peut avoir la fois voix délibérative et voix consultative. Mais bien entendu l'accord de mise en place et de fonctionnement du CSE peut, selon nous, en décider autrement.
Le comité social et économique sous domination de l'accord d'entreprise