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HARCÈLEMENT
HARCÈLEMENT

Le travail à la maison n’empêche pas les harceleurs d’agir !

Publié le 6 septembre 2019
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Une salariée qui exécute son travail chez elle peut agir en justice, notamment au pénal, et faire condamner son employeur pour les actes de harcèlement moral qu'il lui a fait subir.

Selon l'article 222-33-2 du Code pénal, « Le fait de harceler autrui par des propos ou comportements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel, est puni de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 € d’amende ». Une salariée qui exécute son travail chez elle peut donc, comme tout salarié, poursuivre au pénal l'auteur d'un harcèlement moral (en l'occurrence l'employeur) et le faire condamner pour les actes de harcèlement moral qu'il lui a fait subir.

Les faits tels que ceux dont nous allons vous faire part sont malheureusement courants au sein d'entreprises peu soucieuses de respecter les droits des salariés et notamment des femmes. Nvodroits vous l'explique à travers une décision de la chambre criminelle de la Cour de cassation (Cass. crim. 19 fév. 2019, n° 18-83268).

Des faits inacceptables

Une salariée, embauchée en qualité de déléguée commerciale, dépose une plainte contre son supérieur hiérarchique qui avait l'habitude de la « poursuivre de ses assiduités », de dire à l'ensemble du personnel qu'il disposait d'un droit de cuissage, d'avoir tenté à plusieurs fois de l'embrasser et pris une photo de son décolleté à son insu lorsqu'il venait chez elle. Après sa plainte, l'affaire se poursuit devant le tribunal correctionnel. Le fait pour elle d'exercer son activité à son domicile, donc hors de l'entreprise, rendait plus difficile la preuve des agissements en question.

La position des différentes juridictions

En première instance, le tribunal correctionnel condamne l'auteur pour les faits de harcèlement cités ci-dessus. Mécontent, il saisit la cour d'appel. Le raisonnement de cette dernière  laisse pantois.

Tout en reconnaissant que l'employeur pouvait avoir eu un comportement inadapté, elle décide de le relaxer. En effet, sans avouer avoir commis ces faits directement envers la salariée, il n'avait pas formellement nié avoir tenu les propos dénoncés. De plus, d'autres victimes expliquaient que le prévenu cessait les avances lorsque des refus lui étaient fermement opposés.

La Cour de cassation s'oppose à cette décision visiblement prise à la hâte. Dans de telles circonstances, la cour d'appel devait rechercher au regard des faits si l'employeur n'avait pas outrepassé les limites de son pouvoir de direction et si tel était le cas, caractériser les actes de harcèlement moral. Elle aurait également due s'interroger sur la situation d'isolement de la salariée dans l'exécution de son travail. La décision prise de télétravailler venait visiblement de l'employeur et ce en contradiction avec la fiche de poste de la salariée. Cette dernière n'ayant alors aucun contact avec les autres salariés.  C'est sans doute ce qui a emporté la qualification de harcèlement moral retenue par les juges, alors que, compte tenu de la nature des faits évoqués tout au long du procès, ceux-ci se rattachaient principalement à du harcèlement sexuel.

Des solutions peu convaincantes pour enrayer le harcèlement

Certains pourront pointer les efforts menés par le gouvernement pour lutter de manière répressive (Loi n° 2018-703, 3 août 2018) ou préventive (Loi n° 2018-771, 5 sept 2018 ; Art. L. 1153-5-1 du C. trav.) contre ce genre d'agissements, notamment  en obligeant les entreprises à mettre en place un référent harcèlement sexuel. Mais ce dispositif est bien insuffisant. Il concerne seulement le harcèlement sexuel et les entreprises comptant au moins  250 salariés. Quid du harcèlement moral, surtout comme dans notre affaire, les frontières entre les deux définitions du harcèlement restent floues ?  Et quid des entreprises de moins de 250 salariés dans lesquelles on ne peut admettre que des agissements identiques soient inexistants ?

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