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Le juge et la clause de non-concurrence : annulation ou modification ?

Publié le 28 novembre 2016
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Contrat de travail. Seul le salarié peut demander l'annulation en justice d'une clause de non-concurrence. Toutefois, s'ils estiment une clause excessive, les juges disposent, dans certains cas, d'un pouvoir modérateur.
Le salarié qui a respecté une clause de non-concurrence illicite a droit à des dommages-intérêts

Dans un premier temps, les clauses de non-concurrence ont concerné des salariés occupant une place importante dans la hiérarchie. Peu à peu l'appétit patronal a abouti à l'imposition de ces clauses à des emplois subalternes. De plus en plus fréquentes, elles génèrent, aujourd'hui une importante jurisprudence.
Bien que les litiges, les concernant, se situent après la cessation du contrat de travail, ils portent sur un élément de ce contrat. C'est donc le conseil de prud'hommes qui doit être saisi, par le salarié qui souhaite faire annuler la clause. Ce dernier peut également demander au juge de restreindre l'application d'une clause de non-concurrence qu'il estime trop excessive dans le temps ou dans l'espace au regard de son activité. Et, le juge des référés du conseil des prud'hommes est compétent pour déclarer inopposable au salarié une clause de non-concurrence dépourvue de contrepartie financière.
Pour être valables, les clauses de non-concurrence ne doivent pas aboutir à interdire le droit au travail des salariés. Des points fondamentaux doivent apparaître dans la rédaction d'une clause de non-concurrence car le salarié ne doit pas être soumis à une impossibilité absolue d'exercer une activité professionnelle conforme à ses aptitudes, connaissances et formation professionnelle. De ce fait, des conditions, cumulatives (Cass. soc. 10 juill. 2002, n° 99-43334 à n° 99-43336), doivent être respectées. Ainsi les clauses de non-concurrence ne sont licites que si elles :
=> sont indispensables à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise ;
=> sont limitées dans le temps ;
=> sont limitées dans l'espace ;
=> tiennent compte des spécificités de l'emploi du salarié concerné ;
=> comportent l'obligation pour l'employeur de verser au salarié une contrepartie financière.

Annulation de la clause 
de non-concurrence par le juge
Une clause de non-concurrence est nulle lorsqu'elle ne respecte pas les conditions de licéité précédemment citées ou lorsqu'elle empêche le salarié d'exercer son activité professionnelle conformément à sa formation et son activité professionnelle. Seul le salarié est habilité à demander l'annulation de la clause en justice. L'employeur ne peut pas invoquer la nullité d'une clause de non-concurrence, notamment pour éviter les conséquences pécuniaires de celle-ci, soit le paiement de l'indemnité compensatrice prévue par le contrat ou la convention collective (Cass. soc. 24 fév. 1982, n° 80-40283, SA Poclain). De même, l'employeur n'est pas recevable à demander la nullité d'une clause qui ne comporte pas de contrepartie financière, seul le salarié est habilité à se prévaloir de celle-ci (Cass soc. 25 janv 2006, n° 04-43646, Sté Hygeco).
Les juges peuvent ainsi déclarer l'illicéité de la clause et donc l'annuler. Lorsqu'un contentieux est ouvert, les juges effectuent un contrôle de proportionnalité au regard des droits du salarié. Lorsqu'une clause est annulée, celle-ci est déclarée comme n'ayant jamais existé. Le salarié est alors délié de son obligation de non-concurrence. Il perd également son droit à la contrepartie financière, mais l'employeur ne peut pas réclamer au salarié le remboursement de la contrepartie déjà versée jusqu'au moment de l'annulation. Toutefois, il est nécessaire que le salarié ait respecté la clause de non-concurrence durant toute la période précédent la décision d'annulation pour prétendre au versement de la contrepartie financière (
Cass. soc. 28 oct. 1997, n° 94-43792, Sté General Electric).

Indemnisation du salarié
En plus de l'action en nullité, le salarié peut effectuer une demande de dommages-intérêts. La stipulation dans le contrat de travail d'une clause de non-concurrence nulle cause nécessairement un préjudice au salarié et peut importe que le salarié ait ou non respecté la clause de non-concurrence, la seule présence de cette clause dans son contrat de travail implique son dédommagement par son employeur (
Cass soc. 12 janv 2011, n° 08-45280, Sté Group 4 Sécuricor). Il n'a pas à en prouver l'existence pour obtenir réparation (Cass soc. 11 janv 2006, n° 03-46933, Sté Prisme). Le montant des dommages-intérêts est souverainement évalué par les juges de fond. Le salarié qui a respecté une clause de non-concurrence illicite a droit à des dommages-intérêts pour la période pendant laquelle il a respecté la clause (Cass soc. 15 mars 2006, n° 03-45031, Sté Ahi Europe). Cependant si le salarié exerce l'activité interdite par la clause après la rupture du contrat, il ne peut justifier d'aucun préjudice et ne peut donc prétendre à aucun dommages-intérêts (Cass soc. 12 oct. 2005, n° 03-46752, Sté La Fiduciare d'Amor).

Modification de la clause 
par le juge
Le juge possède le pouvoir de restreindre l'application d'une clause de non-concurrence en en limitant l'effet dans le temps ou dans l'espace lorsque cette clause ne permet pas au salarié d'exercer une activité conforme à sa formation et à son expérience professionnelle. Il peut également agir sur les modalités de la clause, tels que les activités comprises dans l'obligation de non-concurrence, la nature des produits […]. Le juge peut déclarer valable une clause de non-concurrence tout en modifiant les conditions d'application afin d'en limiter les effets.
Dans une affaire jugée le 18 septembre 2002, un salarié chargé de mission avait été engagé par une société d'assurance-vie et il était lié par une clause lui interdisant, pendant deux années à compter de la cessation de ses fonctions, dans le département de la Vendée et dans les départements limitrophes, de représenter les sociétés d'assurance-vie de capitalisation ou d'épargne, de présenter au public, directement ou indirectement, des opérations d'assurance, de capitalisation ou d'épargne et de collaborer avec des courtiers ou agents généraux d'assurance. Cependant, cette clause constituait, en raison de la spécificité de l'activité professionnelle du salarié, une entrave à sa liberté de travailler. Son champ d'application pouvait donc être réduit par les juges à l'interdiction faite au salarié de démarcher les clients de son ancienne société (
Cass. soc. 18 sept. 2002, n° 00-42904, Sté Gan-Vie).
De même, la Cour de cassation a admis la possibilité de réduire l'étendue géographique d'une clause de non-concurrence qui s'appliquait initialement à la France entière, à 26 départements (
Cass. soc. 25 mars 1998, n° 95-41543, Nordson France).
Ainsi, la clause qui semble excessive et qui devrait être réduite par les juges demeure valable. Il en résulte que le salarié reste au moins tenu d'observer l'interdiction dans un plus petit périmètre.
Par exemple, des juges avaient approuvé la validité d'une clause d'une durée de deux ans sur la France entière, tout en admettant que l'étendue dans l'espace de la clause était excessive et devait par la suite être réduite. Toutefois, le salarié s'était fait réengager aussitôt dans une entreprise concurrente, dans la même ville où il avait exercé ses précédentes activités (
Cass. soc. 1er déc. 1982, n° 80-41357, SA Transports de l'Ouest Européen). Dans la mesure où la clause était valable, le salarié n'aurait pas dû, au moins dans ce secteur, reprendre un emploi concurrent. La Cour de cassation a donc considéré que le salarié avait violé l'obligation de non-concurrence.
Lorsque la clause de non-concurrence ne respecte pas les termes de la convention collective, le juge peut imposer le respect de ces règles aux parties. La clause n'est pas annulée mais elle est mise en conformité avec la convention collective, elle ne sera valable que dans les limites fixées par la convention collective (
Cass. soc. 22 octobre 2008, n° 07-42035, Sté Abrival).

Pas de pouvoir modérateur pour la contrepartie financière
Ce pouvoir modérateur ne joue pas à l'égard de la contrepartie financière. L'indemnité compensatrice de non-concurrence est la contrepartie d'une obligation. Elle n'a donc pas le caractère d'une peine au sens de l'
article 1152 du Code civil et ne peut donc ni être réduite ni être augmentée par les juges. Récemment la Cour de cassation est venue rappeler qu'une contrepartie financière dérisoire équivaut à une absence de contrepartie rendant la clause nulle que le juge ne peut pas changer pour sauver la clause (Cass soc. 16 mai 2012, n° 11-10760, Sté TSAF).

Pas de modification par le juge en cas de nullité
Dans un arrêt du 12 octobre 2011 (
Cass soc. 12 oct 2011, n° 09-43155, Dr Ouvrier janvier 2012, n° 762), la formule « la Cour d'appel […] ne pouvait réduire le champ d'application de la clause de non-concurrence dès lors que seule sa nullité était invoquée par le salarié » peut laisser penser à la fin du pouvoir de réfaction du juge en la matière. Dans cette affaire, les juges ont décidé de prononcer la nullité de l'interdiction contractuelle et de ne pas lui substituer la stipulation conventionnelle moins contraignante.
En effet, dès lors que le salarié demande la nullité d'une clause de non-concurrence jugée abusive dans le temps et/ou l'espace, les juges ne peuvent en réduire le champ d'application et seule la nullité, ou non, de la clause peut être prononcée. Ainsi, si cette doctrine est reprise par la jurisprudence ultérieurement, elle pourrait marquer la fin des « validations-sanctions » des clauses de non-concurrence.


Pour en savoir plus

Un dossier complet de la RPDS
Le
numéro 816 de la Revue pratique de droit social (RPDS) daté d'avril 2013 consacre un grand dossier de 16 pages aux clauses de non-concurrence. Ces clauses tendent à restreindre le droit à la liberté du travail comme nous le montrons dans l'article ci-contre. Ce dossier traite successivement de l'existence de la clause de non-concurrence (formation de la clause, champ d'application, renonciation à la clause) des conditions de licéité (protection des intérêts de l'entreprise, limitation dans le temps, limitation dans l'espace, respect des spécificités de l'emploi du salarié, contrepartie financière), des pouvoirs du juge et de la violation de l'obligation de non-concurrence par le salarié
La version numérique feuilletable de ce dossier est disponible aussi sur notre
site www.nvo.fr, rubrique « Droits », pour les abonnés au supplément Internet de la RPDS.
Pour les lecteurs non abonnés à la RPDS, ce numéro peut être commandé à NSA 
La Vie Ouvrière, BP 88, 27190 Conches-en-Ouche. Prix du numéro : 7,50 euros 
(  forfait de 3 euros par envoi). Abonnement : 79 euros par an (supplément Internet incluant le guide Droit du travail  : 29 euros) à NVO, BP 160, 77 315 Marne-la-Vallée Cedex 2. Commandes et abonnement en ligne sur notre
site Internet www.nvo.fr

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