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DISCRIMINATIONS
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Le droit à la preuve justifie l’accès aux bulletins de paie des collègues

Publié le 30 juin 2021
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Avoir accès aux bulletins de paie des collègues s'avère le plus souvent nécessaire pour préparer un procès en discrimination. Le juge peut ordonner à l'employeur de communiquer ces pièces au salarié, sans que leur caractère confidentiel puisse être invoqué.

Même coefficient pendant des années, pas ou peu d'augmentations de salaire, carrière bloquée… Les victimes de discrimination sont, le plus souvent, placardisées. Agir en justice pour faire cesser une discrimination et obtenir réparation nécessite de disposer d'informations sur ses collègues, parfois considérées comme confidentielles. Comment avoir accès aux contrats de travail, avenants, bulletins de salaire, fiches d'évaluation ?

Construction d'un panel de salariés et obtention d'informations

C'est la première étape pour constituer un dossier en discrimination : il faut lister les salariés embauchés à la même époque que le salarié discriminé, dans des conditions similaires. L'objectif est de construire un panel de « comparants », et, une fois la population du panel identifiée, d'obtenir des informations sur le déroulé des carrières. Ces « salariés-comparants » ont-ils changé d'échelon, de coefficient, de qualification ? Ont-ils perçu des augmentations de salaire ? Dans l'affirmative, à quelles dates ont eu lieu ces changements ? La plupart des réponses se trouvent dans les avenants aux contrats de travail, conclus au cours de la carrière, mais aussi et surtout sur les bulletins de salaire. Or, même accompagné des représentants du personnel, le salarié demandeur de ces informations va se heurter au refus de l'employeur de communiquer ces pièces, en raison de leur caractère supposé « confidentiel ».

Utiliser la procédure du référé probatoire

Le juge des référés peut ordonner des mesures d'instruction, « avant tout procès », « lorsqu'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir la preuve des faits dont pourrait dépendre la solution du litige ». Appelée « référé probatoire », cette procédure est prévue par l'article 145 du Code de procédure civile.

Encore trop peu utilisé, le référé probatoire a fait la preuve de son efficacité dans les procès en discrimination. Une affaire récente impliquant la société ST Microelectronics en constitue un parfait exemple. Pour effectuer des comparaisons de carrière avec ses homologues masculins, une salariée embauchée en qualité de technicienne demande communication de documents concernant 10 hommes, salariés au sein de la société, embauchés à la même époque et dans les mêmes conditions. La Cour d'appel la déboute au motif que le bulletin de paie, en particulier, comprend des données personnelles telles que l’âge, le salaire, l’adresse personnelle, la domiciliation bancaire, l’existence d’arrêts de travail pour maladie ou encore de saisies sur rémunération. Dans ces conditions, toujours selon la Cour d'appel, l’autorisation des salariés concernés est une condition préalable à la production de ces pièces. Argument non recevable selon la Cour de cassation : les juges auraient dû rechercher si la communication des fiches de paie demandée par la salariée était nécessaire à l’exercice de son droit à la preuve (Cass. soc. 16 mars 2021, n° 1921063).

Des précédents jurisprudentiels

À savoirLe droit à un procès équitable, qui inclut le droit à la preuve, est garanti par l’article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales. Il revient au juge de protéger ces droits fondamentaux en prononçant des mesures d'instruction pour établir la preuve de certains faits, sur le fondement de l'article 145 du Code de procédure civile. En matière de discriminations, des documents propres à établir une différence de traitement entre un salarié discriminé et ses collègues peuvent ainsi être obtenus.

En 2012, également dans une affaire de discrimination sexiste, la société Radio France a été contrainte de communiquer, sous astreinte, les contrats de travail, avenants, bulletins de paie de certains salariés de l’entreprise, le montant des primes distribuées à ces mêmes personnes, ainsi que les tableaux d’avancement et de promotion. À cette occasion, les juges ont affirmé que le respect de la vie personnelle des salariés et le secret des affaires ne constituaient pas un obstacle à l’application du référé probatoire « dès lors que les mesures demandées procèdent d’un motif légitime et sont nécessaires à la protection des droits de la partie qui les a sollicitées » (Cass. soc. 19 déc. 2012, n° 10-20526).

Autre affaire emblématique, au sein de la société Renault Trucks cette fois. Plus de 30  salariés titulaires d'un mandat syndical CGT ont obtenu des informations permettant l'évaluation de leur situation au regard de celle des autres salariés placés dans une situation comparable. Une précision importante donnée par la Cour de cassation dans cette affaire : en présence d'une demande d'investigation portant sur plusieurs milliers de documents, il appartient au juge de déterminer le périmètre des pièces à communiquer au regard de ce qui est indispensable à la protection du droit de la preuve (Cass. soc. 16 déc. 2020, n° 19-17637).

Pour en savoir plus RPDS numéro spécial « La lutte contre les discriminations », à paraître prochainement. Voir notre boutique ici

 

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