Le Code du travail réécrit !
Voilà un peu plus d'un an, la NVO s'était fait l'écho des travaux d'universitaires spécialisés en droit social qui s'étaient attelés à la réécriture quasi-complète d'un autre Code du travail dans une optique bien différente de celle proposée alors par le projet de loi « travail » (lire ici). Sous l'égide d'Emmanuel Dockès, professeur à l'université Paris-Ouest Nanterre, le groupe de recherche pour un autre Code du travail (GR-PACT) a terminé ces travaux et vient de publier le 22 mars sa proposition de Code du travail. Ce travail est le résultat de nombreuses consultations, menées auprès de divers acteurs du droit du travail, dont les organisations syndicales de salariés qui, pour certaines d'entre elles dont la CGT, ont accompagné le projet du début à la fin). Il démontre que la pente suivie depuis trente ans, qui a consisté à accorder plus de souplesse aux entreprises a en réalité complexifié davantage le code actuel, qui est devenu illisible et difficilement praticable. Le nouveau code proposé ne compte que 1390 articles et environ 370 000 caractères. Il ne représente guère plus de volume que la seule loi « travail » du 8 août 2016.
Une réécriture progressiste
Le code ainsi réécrit est un texte plus court et plus clair mais aussi plus respectueux des salariés. Cette simplification s'est faite sans forcément conserver les règles actuelles dont certaines sont plus ou moins régressives. Le projet propose ainsi de profondes réformes, dans tous les domaines du droit du travail comme par exemple :
- l'extension du salariat à tous les travailleurs en situation de faiblesse et donc économiquement dépendants ;
- le retour au principe de faveur en redonnant à la loi sa primauté dans la définition de droits égaux pour tous ; dérogations à la loi par accord collectif admis exceptionnellement sous condition de contreparties claires et définies par la loi ;
- les CDD deviennent des CDI dotés d'une clause de durée initiale avec possibilité de licencier après entretien préalable et droit au reclassement lorsque la tâche stipulée ou le remplacement effectué cesse ;
- la généralisation de la nullité des licenciements injustifiés avec possibilité pour le juge de réduire la sanction, sous certaines conditions, dans les très petites entreprises ;
- la protection du temps libre qui est mis à l'abri du pouvoir de direction de l'employeur (réduction des temps d'astreinte, ouverture d'un droit au refus des changements intempestifs d'horaires, délais de prévenance pour toute modification importante de l'emploi du temps, etc.) ;
- une nouvelle définition de l'établissement distinct, indépendante de l'organisation du pouvoir économique et centrée sur la seule collectivité de travail permettant de rapprocher les institutions représentatives des lieux où, en pratique, les salariés se rencontrent et s'organisent ;
- l'audition au moins une fois par an de l'actionnaire dominant dans les entreprises et groupes à structure complexe ;
- le CHSCT est rebaptisé comité de la santé au travail, il est élu directement par les salariés et se voit octroyer, dans certains cas, un droit de veto ;
- un ordre juridictionnel social est créé, compétent pour tous les litiges du travail.
Des propositions concrètes qui montrent qu'il y a des alternatives possibles et crédibles dans un contexte où le mouvement de régression et de complexification du droit du travail pourrait bien perdurer après les élections. C'est en outre ce travail qui fera désormais référence si le prochain gouvernement, quel qu'il soit, entend poursuivre dans la voie tracée par la loi « travail » d'une réécriture du Code du travail selon le modèle régressif visant à privilégier les accords d'entreprise.