L’astreinte n’implique pas d’être à la merci de l’employeur !
L'astreinte fait toujours l'objet de nombreuses interrogations. Est-ce que rester dans un lieu déterminé par l'employeur à attendre un appel est une astreinte ? Est-ce que rester chez soi et tenir des permanences téléphoniques nuit et jour est une astreinte ? Ou encore est-ce que l'obligation faite au salarié d'agir sans délai suite à un appel de son employeur est une astreinte (Cass. soc. 26 oct. 2022, n° 21-14.178) ?
Autant de questions auxquelles la Cour de cassation a dû répondre en posant d'abord la définition de l'astreinte. Elle vient de préciser cette notion sous l'effet de la jurisprudence européenne au point qu'on peut se demander si l'astreinte « à la française » a encore un avenir.
Qu'est-ce qu'une astreinte ?
L'astreinte est une période pendant laquelle le salarié, sans être sur son lieu de travail et sans être à la disposition permanente et immédiate de l'employeur, doit être en mesure d'intervenir pour accomplir un travail au service de l'entreprise (art. L. 3121-9 C. trav.).
Seul le temps passé à une éventuelle intervention est considérée comme un temps de travail effectif et payé comme tel. Le reste de la période couverte par l'astreinte ne fait l’objet que d’une contrepartie financière ou en repos.
Cette définition diffère donc de celle du « travail effectif », à savoir un temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles (art. L. 3121-1 C. trav.).
En combinant ces deux articles, la Cour de cassation s'est déjà prononcée sur la qualification d'une astreinte. En effet, « si le salarié se tient à la disposition de l'employeur, sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles, il n'est pas en astreinte, mais en situation de travail effectif » (Cass. soc. 2 juill. 2014, n° 13-11.940 ; Cass. soc. 2 mars 2016, n° 14-14.919).
Les modalités de l'astreinte : quel chemin tracé par la juridiction européenne ?
Le sujet est lancé par la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) en mars 2021. Elle juge qu'un salarié sous astreinte, devant être joignable par téléphone pour intervenir dans ses tâches en seulement une heure, doit être considéré comme ayant exercé un travail effectif au regard de la nature des contraintes qui lui étaient imposées. Le salarié doit être payé comme ayant exécuté un travail effectif (CJUE, 9 mars 2021, aff. C. 344 / 19).
Plus récemment, la CJUE met en place une approche globale des contraintes imposées au travailleur. Elle recherche si, pendant la période d'astreinte, les contraintes n'ont pas affecté objectivement et de manière significative la faculté pour le salarié de gérer librement le temps au cours duquel il n'est pas sollicité professionnellement (CJUE, 11 nov. 2021, aff. C. 214 / 20).
L'intensité de l'astreinte doit être évaluée selon la juridiction française
La Cour de cassation a dû se conformer aux décisions de la CJUE dans une affaire récente (Cass. soc. 26 oct. 2022, n° 21-14.178). Un salarié, dépanneur sur les autoroutes devait lors de ses astreintes pouvoir intervenir et dépanner des automobilistes dans un délai de 30 mn. C'est au regard de ce délai très court que la Cour de cassation infirme la décision de la cour d'appel qui avait refusé de requalifier le temps d'astreinte en travail effectif. La Cour de cassation pose comme règle que le juge doit vérifier concrètement si la contrainte imposée au salarié est telle qu'elle affecte objectivement et significativement sa faculté de gérer librement son temps et de vaquer librement à ses occupations personnelles. Si l'intensité de la contrainte est trop forte, alors le temps d'astreinte est du temps de travail effectif et doit être payé comme tel.
En effet, selon les textes en vigueur et la position de la CJUE, en période d'astreinte, le salarié n'a pas à être à la merci permanente de son employeur !