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NÉGOCIATION COLLECTIVE
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L’accord d’entreprise, support de la régression des droits

Publié le 3 août 2017
Modifié le 16 août 2017
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La loi d'habilitation des ordonnances entend reconfigurer les rapports entre accords d'entreprise et accords de branche dans le sens déjà entamé par la loi travail : les accords d'entreprises pourront déroger aux conventions collectives et aux accords de branches, provoquant une réduction de la quasi-totalité des droits et acquis et de la prédominance du Code du travail.

La loi qui habilite le gouvernement à légiférer par voie d'ordonnances confirme l'évolution du droit du travail dans un sens régressif. Certaines orientations vont même amplifier les dispositions de la loi travail du 8 août 2016. Jusqu'à cette dernière, sauf exceptions, le Code du travail fixait les règles générales pour tous les salariés. En principe, un accord de branche ne pouvait que les améliorer et un accord d'entreprise ne pouvait contenir que des dispositions plus favorables que l'accord de branche. C'est ce que l'on appelle le principe de faveur même si ce dernier a été petit à petit remis en cause depuis plusieurs années par la possibilité reconnue aux accords d'entreprise de déroger en moins favorables aux dispositions de l'accord de branche dans certains domaines (temps de travail essentiellement). Mais il fallait que la loi l'autorise et que l'accord de branche ne l'interdise pas.

Depuis la loi travail, les accords d'entreprise sont privilégiés comme mode normal de fixation du droit du travail. La mise en œuvre de ce nouveau modèle, dit de renversement de la hiérarchie des normes, ne concernait depuis le 1er janvier 2017 que les dispositions relatives à la durée du travail aux congés.

La loi d'habilitation ainsi que les éléments divulgués par la ministre du travail à la suite du premier cycle de rencontres bilatérales avec les organisations syndicales et patronales montrent que le gouvernement veut aller plus loin et plus vite dans cette direction.

Une articulation pour revoir les droits à la baisse

Le projet de loi habilite le Gouvernement à clarifier et sécuriser notamment l'articulation entre l'accord d'entreprise et l'accord de branche.

Les domaines de négociation seraient répartis en trois blocs :

– un premier bloc serait constitué des domaines dans lesquels les accords de branche priment de manière impérative sur les accords d'entreprise ;

– un second bloc serait constitué des domaines pour lesquels l'accord ou la convention de branche pourrait décider de faire primer ses dispositions sur les accords d'entreprise ; une clause pourrait donc verrouiller des dispositions de l'accord de branche mais cela n'est en rien une obligation et n'aurait rien de systématique ;

– un troisième bloc serait constitué des domaines non listés dans les deux précédents blocs où l'accord d'entreprise serait toujours prioritaire dès lors qu'il respecte le minimum légal.

Le contenu de ces différents blocs devrait être celui indiqué dans le tableau ci-dessous. Il n'est pas difficile de se rendre compte à leur lecture que dans la majorité des domaines ce sera l'accord d'entreprise qui aura le dernier mot avec les reculs sociaux que cela risque d'engendrer, le niveau de protection dépendant du rapport des forces en présence dans l'entreprise. Or les acquis les plus importants du monde du travail ont leur source la plupart du temps dans les conventions collectives nationales (CCN) ou les conventions de branche.

Exemple : Les indemnités de départ à la retraite sont fixées actuellement par le Code du travail à deux mois. La CCN de la chimie accorde jusqu'à 7,5 mois et la CCN de la plasturgie 8 mois. Demain un accord d'entreprise pourrait très bien décider de ramener ces indemnités à 5 ou 3 mois, voir au minimum légal ! Ce serait pourtant cet accord d'entreprise qui s'appliquerait malgré la CCN plus favorable que la loi !

Quant au renforcement annoncé du rôle des branches dans leur fonction de régulation économique et sociale, c'est pour mieux confier la possibilité aux acteurs sociaux de négocier les conditions et les cas de recours aux CDD et au travail temporaire alors que jusqu'à présent cela a toujours relevé uniquement de la loi. Dans quel sens croyez-vous que le patronat souhaitera négocier ?

Cerise sur le gâteau : Le Gouvernement serait également habilité à définir les critères et conditions selon lesquels l'accord de branche peut prévoir que certaines de ses stipulations, dans des domaines limitativement énumérés, sont adaptées ou ne sont pas appliquées dans les petites entreprises couvertes par lui pour tenir compte de leurs contraintes particulières. Autrement dit, la loi d'une profession ne serait pas applicable à toutes les entreprises de son champ

Blocs de négociation

Domaines de négociation

Bloc 1 

L’accord de branche ou l'accord professionnel ou interprofessionnel prime de manière

impérative sur l’accord d’entreprise (pas de dérogation possible en moins favorable)

Minima conventionnels (1)

Classifications (1)

Mutualisation des financements paritaires :

– Fonds de financement du paritarisme

Fonds de la formation professionnelle (1)

Fonds de prévoyance, complémentaire santé (1) et compléments d'indemnité journalière.

Gestion et qualité de l'emploi :

Durée minimale du temps partiel et compléments d’heures (1) ;

– Nouvelle régulation des contrats courts (CDD et CTT) (en l’absence d’accord de branche, la loi actuelle s’appliquerait dans l’entreprise) ;

– Conditions de recours au CDI de chantier (en l’absence d’accord de branche, la loi actuelle s’appliquerait dans l’entreprise).

Égalité professionnelle entre les femmes et les hommes (1).

Bloc 2

L’accord de branche ou l'accord professionnel ou interprofessionnel peut décider expressément de s'opposer à toute adaptation par convention ou accord d'entreprise (clauses dite de verrouillage).

Prévention des risques professionnels et de la pénibilité (2) ;

Handicap ;

Conditions et les moyens d'exercice d'un mandat syndical, reconnaissance des compétences acquises et évolutions de carrière.

Bloc 3

Lorsqu'il existe à la fois un accord d'entreprise majoritaire et un accord de branche sur la même thématique, c'est l'accord d'entreprise qui prime (même si les dispositions de l'accord d'entreprise sont moins favorables).

Domaines non listés dans les deux précédents blocs.

Lorsqu'il n'existe pas d'accord d'entreprise, c'est l'accord de branche qui s'applique.

(1) Domaines de la négociation de branche qui déjà aujourd'hui s'imposent aux accords d'entreprise.

(2) Il s'agit là d'une nouvelle fragilisation de la pénibilité ; si l'accord de branche ne verrouille pas cette thématique, l'accord d'entreprise pourra y déroger en moins favorable. Avant l'accord de branche était impératif.

Prochain article : Accord d'entreprise et contrat de travail, mauvaise articulation