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SALAIRES ET AVANTAGESÉgalité de traitement
SALAIRES ET AVANTAGESÉgalité de traitement

L'accord collectif, intouchable ?

Publié le 13 janvier 2017
Modifié le 2 mai 2017
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Les différences de traitement entre salariés sont présumées légitimes lorsqu’elles sont prévues par un accord collectif. Peu importe le niveau de négociation : la branche, l’entreprise, voire même l’établissement.

L'employeur n’a pas à justifier les différences de traitement entre salariés lorsqu’elles sont issues d’un accord collectif. Dans un arrêt du 3 novembre, la Cour de cassation étend ce principe aux accords d’établissement instituant des avantages au seul profit des salariés qui y sont rattachés (Cass. soc. 3 novembre 2016, n° 15-18444, Sté Danone produits frais France).

Augmentation salariale chez Danone, mais…

Les faits ayant donné lieu à cet arrêt sont assez classiques. Dans le cadre d'une restructuration, la société Danone décide de regrouper deux de ses usines de Seine-Maritime en un établissement unique. Un accord prévoyant une augmentation salariale sur trois ans et le versement d'une prime spécifique est signé au sein de ce nouvel établissement. Mais seuls les salariés de ce dernier en sont bénéficiaires.

Estimant qu’il y a là une différence de traitement entre les salariés selon leur appartenance à tel ou tel établissement, le syndicat CGT Danone saisit le tribunal de grande instance. L’objectif ? Faire appliquer le nouveau barème de rémunération aux salariés d’une autre usine située dans le Calvados. À l’appui de sa demande, le syndicat invoque la jurisprudence selon laquelle il ne peut y avoir de différence de traitement entre les salariés  d'établissements différents d’une même entreprise exerçant un travail égal ou de valeur égale que si elle repose sur des raisons objectives. À charge pour le juge d’en contrôler concrètement la réalité et la pertinence (Cass. soc. 21 janvier 2009, n° 07-43452, Sté nationale de radiodiffusion Radio France ).

… Réservée aux salariés d'un seul établissement

Le syndicat est débouté de sa demande. La Cour de cassation étend la présomption de justification des inégalités de traitement entre salariés lorsque ces inégalités sont issues d’accords collectifs. Jusqu’ici circonscrite aux accords de branche ou d’entreprise, cette jurisprudence est désormais applicable aux accords d’établissements. Ainsi, un simple accord d'établissement peut instituer un régime plus favorable uniquement pour les salariés de ce dernier, sans que ceux des autres établissements puissent en demander l’application par voie judiciaire.

Bien sûr, il est toujours possible de saisir le juge, comme l’a fait le syndicat CGT Danone.  Mais il faut surmonter un obstacle de taille : démontrer que les inégalités issues de l’accord sont étrangères à toute considération de nature professionnelle. Or, cette preuve est quasiment impossible à apporter… car toute mesure négociée dans le cadre d’un accord collectif a théoriquement une raison d’être d’ordre professionnel. Une difficulté qui, concrètement, bloque toute action en justice.

Des accords collectifs « irréprochables »

Les accords collectifs seraient-ils désormais inattaquables ? Pourquoi accorder un tel pouvoir aux organisations syndicales signataires ? Dans le sillage de la loi de 2008, qui place les élections professionnelles au cœur de la représentativité syndicale, les juges considèrent les syndicats nécessairement légitimes dans leur rôle de négociateurs. Autrement dit, les textes conventionnels deviennent en quelque sorte intouchables du fait de la légitimité (supposée) des syndicats.

Le risque, aujourd’hui, est de voir les juges s’orienter vers une présomption de légalité pour toute disposition conventionnelle, quelle que soit la nature du litige : égalité de traitement, mais pas seulement. Ce qui est sûr, pour le moment, c’est que seules les différences de traitement issues d’usages ou décisions unilatérales patronales restent soumises, en cas de litige, à une nécessaire justification de l'employeur.