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Maladies professionnelles
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La réparation du préjudice d’anxiété élargie

Publié le 20 septembre 2019
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La Cour de cassation ouvre la voie de la réparation du préjudice d'anxiété aux salariés justifiant d'une exposition à une « substance nocive ou toxique » générant un risque élevé de développer une pathologie grave. Elle n'est plus réservée aux salariés ayant été exposés à l'amiante.

Une situation d'inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante ». Telle est la définition du préjudice d'anxiété retenu par la chambre sociale de la Cour de cassation mais dont elle avait strictement limité la reconnaissance.

Les salariés concernés devaient en effet avoir été exposés à l'amiante dans des entreprises figurant sur la liste officielle des établissements ouvrant droit à la préretraite amiante (dite Acaata) (Cass. soc. 3 mars 2015, n° 13.26175). En dehors de cette hypothèse, point de salut, ce qui réduisait drastiquement le nombre de bénéficiaires potentiels à l'indemnisation de ce préjudice.

5 avril 2019 : préjudice d'anxiété pour toutes les victimes de l'amiante

Le 5 avril 2019, la Cour de cassation avait mis fin à une discrimination intolérable entre les victimes de ce risque professionnel selon qu'elles étaient susceptibles de bénéficier ou non d'une préretraite amiante (Cass. ass. plén. 5 avril 2019, nº 18-17442). Depuis lors tout salarié qui justifie d'une exposition à l'amiante, générant un risque élevé de développer une pathologie grave, peut réclamer l'indemnisation de son préjudice d'anxiété sur le fondement du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité. Cela laissait augurer une possible indemnisation de l'anxiété de personnes ayant été exposées à d'autres dangers.

11 septembre 2019 : Préjudice d'anxiété pour toutes les victimes de substances nocives ou toxiques

C'est chose faite avec plusieurs arrêts rendus le 11 septembre 2019 par la Cour de cassation. Dans l'une de ces affaires, elle ouvre la voie de la réparation aux salariés justifiant d'une exposition à une « substance nocive ou toxique » générant un risque élevé de développer une pathologie grave, c'est-à-dire à des agents autres que l'amiante (Cass. soc. 11 sept. 2019, nº 17-24879).

Elle déjuge ainsi la cour d'appel de Metz qui avait débouté en juillet 2017 plus de 700 mineurs des Charbonnages de France (ex-Houillères du bassin de Lorraine). Ceux-ci, exposés à des substances cancérogènes, faisaient notamment valoir une exposition à la poussière de silice et aux hydrocarbures polycycliques, dont ils étaient mal protégés, la lecture de l'arrêt de la Cour de cassation étant édifiante à cet égard.

La voie est ainsi ouverte à une indemnisation du préjudice d'anxiété pour les salariés qui sont ou ont été exposés par exemple à des rayonnements ionisants, à du plomb, des hydrocarbures, des poussières de bois, du benzène, etc. Il faut évidemment s'en réjouir pour les victimes et leurs ayants droit. Mais elles vont être confrontées à la difficulté de prouver le préjudice subi.

Les victimes  doivent prouver le préjudice subi

En effet, même si la Cour de cassation élargit le nombre de personnes susceptibles d'être indemnisées au titre du préjudice d'anxiété, il ne suffit pas d'invoquer le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité pour obtenir réparation. Depuis quelques années, la chambre sociale de la Cour de cassation s'est montrée moins exigeante à l'égard des employeurs justifiant avoir pris toutes les mesures prévues par le Code du travail pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs (Cass. soc. 25 nov. 2015, no 14-24444, Sté Air France).

Autrefois entendue comme une obligation de résultat, l'obligation de sécurité du chef d'entreprise est devenue une obligation de moyens renforcée, ce qui signifie que le manquement à l'obligation ne peut être déduit de la seule exposition à l'amiante ou à une autre substance nocive ou toxique.

En conséquence, les victimes et leurs ayants-droit doivent justifier d'une exposition à l'amiante ou à d'autres substances nocives ou toxiques, d'un risque élevé de développer une pathologie grave et d'un préjudice d'anxiété personnellement subi résultant d'une telle exposition. De plus ils devront prouver le défaut de prévention de l'employeur découlant des principes généraux de prévention visés aux articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du Code du travail. Inversement, celui-ci pourra s'exonérer en démontrant avoir pris toutes les mesures de prévention et de protection qui s'imposaient à lui.

Pour un mécanisme plus simple d'indemnisationÀ la situation d'anxiété face au risque de déclaration d'une maladie liée à l'exposition à des produits toxiques, s'ajoute l'inquiétude de perdre un procès. Un fonds d'indemnisation des victimes ayant été exposées à ce type de produits, comme il en existe un pour les victimes de l'amiante, serait sans doute une solution plus simple de nature à faciliter l'indemnisation des victimes.

Celles-ci devraient juste avoir à démontrer qu'elles ont été exposées au risque, le fonds récupérant les sommes versées auprès des employeur éventuellement fautifs.