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RUPTURE DU CONTRATRupture conventionnelleContentieux (juge prud’homal, juge administratif
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La preuve obtenue de manière déloyale est désormais admise par le juge

Publié le 4 avril 2024
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Alors qu'elle considérait de façon constante que la preuve obtenue de façon déloyale était irrecevable, la Cour de cassation a opéré un revirement de jurisprudence, s'alignant sur la position de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) et admettant, sous conditions, la prise en compte d'une telle preuve.

En 2011, l'Assemblée plénière de la Cour de cassation a considéré que la preuve recueillie de manière déloyale (au moyen de manœuvres, stratagèmes et à l'insu de la personne à laquelle elle est opposée) était irrecevable (Cass. ass. plén. 7. janv. 2011, n°09-14.316 ; n°09-14.667).

Depuis, cette solution était appliquée de façon constante par la Haute juridiction.

Le 22 décembre 2023, à l'occasion de deux décisions jugées le même jour, la Cour a opéré un revirement de jurisprudence.

Un enregistrement clandestin admis comme mode de preuve

Dans les deux affaires jugées par l'Assemblée plénière, des salariés avaient été licenciés pour faute grave et leurs employeurs respectifs, déboutés en appel au motif de l'irrecevabilité des preuves qu'ils fournissaient.

Dans la première affaire (n°20-20.648), l'employeur produisait, à l'appui de ses arguments, un enregistrement audio du salarié licencié obtenu à l'insu de ce dernier.

La Cour de cassation a admis la recevabilité de cet enregistrement clandestin comme mode de preuve.

Pour justifier sa décision, la Haute juridiction a rappelé et repris la position de la CEDH, qui ne retient pas, par principe, l'irrecevabilité de la preuve déloyale.

Les juges européens estiment en effet que, si le droit à la preuve garanti par l'article 6§1 de la Convention européenne des droits de l'homme entre en conflit avec d'autres droits et libertés (tels que le droit au respect de la vie privée), c'est au juge qu'il appartient d'effectuer un contrôle de proportionnalité en mettant en balance les différents droits et intérêts en présence.

Ils ajoutent que « l'égalité des armes » implique l'obligation d'offrir à chaque partie une possibilité raisonnable de présenter sa cause sans que l'une ne soit désavantagée par rapport à l'autre (CEDH, 13 mai 2008, N.N. et T.A. c. Belgique, n° 65087/01).

La Cour de cassation a ainsi admis la preuve de l'employeur, estimant que le droit à la preuve pouvait « justifier la production d'éléments portant atteinte à d'autres droits à condition que cette production soit indispensable à son exercice et que l'atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi », et considérant que, en l'espèce, aucun autre moyen ne lui permettait de prouver la faute commise par le salarié.

Attention au respect de la vie privée !

Dans la seconde affaire, en revanche (21-11.330), bien que les faits soient, à première vue, similaires, les juges de cassation ont rejeté la preuve fournie par l'employeur.

Celui-ci fournissait, pour appuyer ses arguments, une conversation privée du salarié licencié qui avait été découverte, en son absence, sur la session laissée ouverte de son compte Facebook depuis son ordinateur professionnel.

La différence entre les deux situations résidait dans le fait que, dans ce cas, la preuve était directement issue de la vie privée du salarié.

Les juges ont rappelé qu'un « motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut justifier, en principe, un licenciement disciplinaire, sauf s'il constitue un manquement de l'intéressé à une obligation de son contrat de travail », ce qui n'était, en l'occurrence, pas le cas.

De ce fait, ils ont jugé le licenciement du salarié sans cause réelle et sérieuse.

La preuve déloyale admise sous conditions

En conclusion, désormais, la preuve obtenue de façon déloyale et portant atteinte à la vie personnelle ne sera plus d'office écartée des débats par le juge.

Cependant, parce que le droit au respect de la vie privée est un droit fondamental (garanti par l'article 8 de la CEDH), les conditions de recevabilité de la preuve y portant atteinte sont très exigeantes.

Le juge devra s'assurer du caractère proportionné de l'atteinte portée à la vie personnelle au regard du but poursuivi. Il devra aussi vérifier que celui qui fournit la preuve litigieuse n'avait pas d'autre moyen plus respectueux de la vie personnelle de la partie adverse pour atteindre le même résultat.

Par ailleurs, un fait de la vie personnelle du salarié ne peut pas constituer une faute dans la relation de travail (Cass. soc. 23 juin 2009, n°07-45.256), à moins que ce fait ne caractérise un manquement aux obligations découlant du contrat de travail (Cass. soc. 23 juin 2021, n°19-21.651) ou qu'il ne crée un trouble caractérisé au sein de l'entreprise (Cass. soc. 13 avr. 2023, n°22-10.476).

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