La police des étrangers plus forte que le droit du travail
Encore une fois, la Cour de cassation confirme une jurisprudence très contestable, selon laquelle la protection des représentants du personnel ne s'applique pas aux salariés étrangers qui n'ont pas ou plus d'autorisation de travail (Cass. soc. 17 nov. 2021, n° 20-11911). Ces salariés peuvent donc être licenciés sans l'autorisation de l'inspecteur du travail.
Licencié pour non-renouvellement d'une carte de séjour… finalement renouvelée !
Dans cette affaire, un salarié étranger disposant d'une carte de séjour de dix ans a été licencié le 22 mars 2016 alors qu'il travaillait dans l'entreprise depuis huit ans et qu'il y avait été élu délégué du personnel depuis moins d'un an.
En cause : le non-renouvellement de son titre de séjour, sa carte ayant expiré le 20 mars. Et pourtant, la préfecture lui délivra trois mois plus tard un récépissé prolongeant son titre de séjour, puis enfin une nouvelle carte de séjour de 10 ans valable du 21 mars 2016 au 20 mars 2026.
Première situation ubuesque et particulièrement injuste dans laquelle un salarié titulaire d'une carte de séjour de dix ans qui est renouvelée et qui peut donc librement séjourner et travailler en France jusqu'en 2026 perd son travail… pour non-renouvellement de sa carte de séjour !
La célérité de l'employeur à appliquer l'article L. 8251-1 du Code du travail, qui dispose que nul ne peut conserver à son service un étranger non muni du titre l’autorisant à exercer une activité salariée en France, fait fi des difficultés d'accès aux services des préfectures pour les étrangers. Pourtant, la loi prévoit que, dans le cadre de la procédure de renouvellement, l'étranger bénéficie du maintien de son droit d'exercer une activité professionnelle pendant trois mois à compter de l'expiration de son titre de séjour (art. L. 433-3 du Ceseda). Mais il doit pour cela justifier de ses démarches par la présentation d’une attestation de dépôt de sa demande de renouvellement (art. R. 433-3 du Ceseda). Or, il est de plus en plus compliqué pour les étrangers d'obtenir des rendez-vous en préfecture et de produire ces attestations.
Licencié sans autorisation de l'inspecteur du travail
Deuxième « effet Kiss Cool », le fait que ce salarié ait été représentant du personnel ne lui accorde aucune protection. Les juges du fond avaient pu écarter la demande d'indemnité pour violation du statut protecteur des représentants du personnel d'un revers de main puisque la jurisprudence en la matière est malheureusement bien établie (Cass. soc. 10 oct. 1990, n° 88-43683 ; Cass. soc. 5 nov. 2009, n° 08-40923). Selon cette dernière, le représentant du personnel qui ne dispose plus de titre l’autorisant à exercer une activité salariée en France se trouve en dehors du champ d’application des dispositions qui protègent les élus et mandatés contre le licenciement en exigeant l'autorisation préalable de l'inspecteur du travail (art. L. 2411-1 et suivants du Code du travail).
Et pourtant la protection des représentants des travailleurs, y compris contre le licenciement, est garantie par le droit international (art. 1er de la convention n° 135 de l'OIT). Peu importe à la Cour de cassation qui fait prévaloir l'interdiction de conserver à son service un étranger dépourvu d'autorisation de travail sur cette protection du droit du travail.
Deuxième situation ubuesque et particulièrement injuste dans laquelle un salarié étranger peut devenir représentant du personnel mais pas bénéficier de la protection attachée aux élus et mandatés.
À quand le respect des règles protectrices du droit du travail pour les salariés étrangers qu'ils soient ou non-titulaires de titres de travail ?