La BDESE à l’heure de l’environnement
Des indicateurs environnementaux font modestement leur entrée dans la base de données économiques, sociales et environnementales. Un point d'appui pour les élus voulant faire vivre les nouvelles compétences écologiques du CSE et inciter les entreprises à faire des efforts pour la protection de l’environnement.
La loi du 22 août 2021 dite « loi Climat » a doté le comité social et économique (CSE) d’une compétence générale en matière environnementale dans toutes les entreprises de 50 salariés et plus. Le CSE est ainsi désormais habilité à demander à l'employeur de « rendre des comptes » sur les conséquences environnementales de ses projets. Cela peut constituer un levier d'action utile à une transition écologique juste et adaptée, visant notamment à la réduction des inégalités sociales et environnementales et à la préservation de l'emploi.
Les conséquences environnementales au menu de l'information-consultation du CSE
Le CSE doit être informé et consulté sur les conséquences environnementales des mesures affectant l'organisation, la gestion et la marche générale de l'entreprise (Art. L. 2312-8, I C. trav.). Concrètement, ces conséquences devront être prises en compte lors des consultations ponctuelles du comité (par exemple lors d'une réorganisation) et à l'occasion des trois consultations récurrentes (orientations stratégiques, situation économique et financière, politique sociale). Et la mission de l'expert-comptable du comité a été également étendue auxdites conséquences à l'occasion des expertises diligentées dans le cadre des trois consultations récurrentes.
Pour ce faire, la base de données économiques et sociales (BDES) et désormais environnementales (BDESE) qui sert de support aux consultations, a été renforcée par l'adjonction obligatoire d'une nouvelle rubrique dont le contenu peut être négocié (Art. L. 2312-21 et L. 2312-19 C. trav.). En conséquence, la BDESE, qu'elle soit conventionnelle ou supplétive, doit dorénavant comporter – y compris pour les entreprises de moins de 300 salariés – un thème relatif aux « conséquences environnementales de l’activité de l’entreprise » (Art. L. 2312-21 et L. 2312-36 C. trav.).
Rappelons que, sauf accord spécifique sur le sujet, les informations devant figurer dans la BDESE (dont celles concernant les conséquences environnementales de l'activité de l'entreprise) doivent porter sur les deux années précédentes et l’année en cours et intégrer des perspectives sur les trois années suivantes (Art. L. 2312-36 C. trav.).
Des indicateurs pour mesurer l'empreinte carbone
En l'absence d'accord sur le contenu de cette nouvelle rubrique, des dispositions dites supplétives s'appliquent. Un décret no 2022-678 du 26 avril 2022 définit des indicateurs devant figurer dans la base au titre d'un 10e thème intitulé « Conséquences environnementales de l’activité de l’entreprise » (art. L. 2312-36 C. trav.). Celui-ci doit être subdivisée en 3 rubriques : « Politique générale », « Économie circulaire » et « Changement climatique ». Chacune de ces rubriques comprend une série d’informations à mettre à la disposition du CSE.
Le décret se contente de réécrire des obligations existantes pour les entreprises soumises à une déclaration de performance extra-financière, qu'elles ne respectent pas toujours, pour les étendre, avec quelques nuances, aux autres entreprises comme résumé dans le tableau ci-dessous.
Les unes comme les autres devront donc mesurer précisément leur empreinte carbone qui sera forcément différente selon leur secteur d'activité. Un bilan dont pourront s'emparer les élus pour débattre des mesures à prendre afin de limiter les impacts environnementaux de l'activité de leur entreprise. D'autant plus si les questions environnementales sont traitées dans le cadre d'une consultation où le CSE peut recourir à un expert-comptable, ce qui permettra d'éclairer les élus notamment sur les conséquences environnementales des choix économiques de l'employeur. Par ailleurs, rappelons que les informations devant figurer dans la BDESE supplétive doivent être fournies au CSE dans le cadre de ses consultations récurrentes. Rien n'empêche, dans le cadre d'une consultation ponctuelle sur un projet présenté par l'employeur, que ce dernier soit tenu de fournir au comité d’autres informations que celles figurant dans la BDESE supplétive.
En savoir plus : « Les prérogatives environnementales du CSE », RPDS 2021, no 920, p. 399.
Informations du dixième thème « Environnement » de la BDESE supplétive (1) | |||
Type d'entreprises | Sous-thème | Contenu des informations | Précisions |
Entreprises non soumises à la déclaration de performance extra-financière | Politique générale | Informations relatives à l’organisation de l’entreprise pour prendre en compte les questions environnementales | Le cas échéant, démarches d’évaluation ou de certifications en matière d’environnement |
Économie circulaire | Prévention et la gestion de la production de déchets | Évaluation de la quantité de déchets dangereux définis à l’article R. 541-8 du Code de l’environnement et faisant l’objet du bordereau mentionné à l’article R 541-45 du même code | |
Utilisation durable des ressources | Consommation d’eau et consommation d’énergie | ||
Changement climatique | Identification des postes d’émissions directes de gaz à effet de serre produites par les sources fixes et mobiles nécessaires aux activités de l’entreprise | Évaluation du volume de ces émissions de gaz à effet de serre lorsque l’entreprise dispose de cette information | |
Bilan des émissions de gaz à effet de serre prévu par l’article L. 229-25 du Code de l’environnement ou bilan simplifié prévu par l’article 244 de la loi no 2020-1721 du 29 déc. 2020 de finances pour 2021 pour les entreprises tenues d’établir ces différents bilans | Le bilan des émissions de gaz à effet de serre, est obligatoire pour les entreprises de plus de 500 salariés. Le bilan simplifié s’impose aux entreprises de plus de 50 salariés qui ont bénéficié des crédits ouverts pour le plan de relance de la loi de finances pour 2021. | ||
Entreprises soumises à la déclaration de performance extra-financière (DPEF) à savoir : – sociétés non cotées, avec un total du bilan supérieur à 100 millions d’euros, ou un montant net du chiffre d’affaires supérieur à 100 millions d’euros et un nombre moyen de salariés permanents au cours de l’exercice supérieur à 500 ; – sociétés cotées, avec un total du bilan supérieur à 20 millions d’euros, ou un montant net du chiffre d’affaires supérieur à 40 millions d’euros et un nombre moyen de salariés permanents au cours de l’exercice supérieur à 500 ; – sociétés établissant des comptes consolidés et dont le total des entreprises comprises dans leur périmètre excède les seuils ci-dessus.
| Informations environnementales de la DPEF sur la politique générale en matière environnementale | Organisation de la société pour prendre en compte les questions environnementales
| Le cas échéant, démarches d’évaluation ou de certification en matière d’environnement |
Moyens consacrés à la prévention des risques environnementaux et des pollutions
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Montant des provisions et garanties pour risques en matière d’environnement | Cette information ne doit pas être de nature à causer un préjudice sérieux à la société dans un litige en cours
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Mesures de prévention, de réduction ou de réparation de rejets dans l’air, l’eau et le sol affectant gravement l’environnement | |||
Prise en compte de toute forme de pollution spécifique à une activité, notamment les nuisances sonores et lumineuses | |||
Informations environnementales de la DPEF sur l'économie circulaire | Prévention et gestion des déchets | – Mesures de prévention, de recyclage, de réutilisation, d’autres formes de valorisation et d’élimination des déchets ; – Actions de lutte contre le gaspillage alimentaire | |
Utilisation durable des ressources | * Consommation d’eau et l’approvisionnement en eau en fonction des contraintes locales ; * Consommation de matières premières et les mesures prises pour améliorer l’efficacité dans leur utilisation ; * Consommation d’énergie, mesures prises pour améliorer l’efficacité énergétique et le recours aux énergies renouvelables ; * Utilisation des sols. | ||
Prévention et gestion de la production des déchets | Évaluation de la quantité de déchets dangereux définis à l’article R. 541-8 du Code de l’environnement et faisant l’objet du bordereau mentionné à l’article R 541-45 du même code | ||
Informations environnementales de la DPEF sur le changement climatique
| Postes significatifs d’émissions de gaz à effet de serre générés du fait de l’activité de la société | Notamment par l’usage des biens et services qu’elle produit | |
Mesures prises pour l’adaptation aux conséquences du changement climatique | |||
Objectifs de réduction fixés volontairement à moyen et long terme pour réduire les émissions de gaz à effet de serre | Moyens mis en œuvre à cet effet | ||
Bilan des émissions de gaz à effet de serre ou bilan simplifié | Voir « Entreprises non soumises à la déclaration de performance extra-financière » | ||
Informations environnementales de la DPEF sur les mesures prises pour préserver ou restaurer la protection de la biodiversité. | |||
(1) Lorsque les données et informations environnementales transmises dans le cadre de ce thème ne sont pas éditées au niveau de l’entreprise (par exemple au niveau du groupe ou des établissements distincts, le cas échéant) elles doivent être accompagnées d’informations supplémentaires pertinentes pour être mises en perspective à ce niveau. En conséquence, si l'employeur est détenteur d'informations au niveau du groupe ou des établissements distincts, il est tenu non seulement de les délivrer mais également de les compléter pour qu'elles soient exploitables au niveau de l'entreprise. |
Il est regrettable que ni la loi ni le décret n'aient prévu de réels moyens supplémentaires pour permettre aux membres du CSE de s'emparer des questions environnementales, voire un dispositif plus exigeant (avec par exemple l'instauration d'un avis conforme du CSE en la matière au regard des enjeux en présence).
Toutefois, des moyens dont il dispose déjà peuvent être mobilisés en vue de la protection de l'environnement et en particulier le recours à expertise et la formation économique des élus du CSE.
Cela peut supposer de (re)penser l'organisation et le fonctionnement de la représentation du personnel, avec par exemple la négociation d'une Base de Données Économiques Sociales et Environnementales adaptée, de commissions du CSE aux compétences élargies à l'environnement, de réunions dédiées en tout ou partie à l'environnement, de questions environnementales à partager entre les différents niveaux de représentation du personnel et des représentants de proximité sensibilisés à la protection de l'environnement.