Le juge administratif doit contrôler d’abord le contenu du PSE
C'est ce que vient de juger le Conseil d'État dans une décision en apparence technique mais dont les retombées peuvent être favorables aux salariés concernés.
Dans les entreprises d'au moins 50 salariés dans lesquelles l'employeur entend procéder à dix licenciements et plus sur une même période de trente jours, le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi ainsi que les modalités de consultation du comité d'entreprise et de mise en œuvre des licenciements résultent soit d'un accord d'entreprise majoritaire (art. L. 1233-24-1 du Code du travail) ou d'un document unilatéral élaboré par l'employeur (art. L. 1233-24-4 du Code du travail). Cet accord ou ce document unilatéral doit ensuite être validé ou homologué par l'administration (Direccte).
C'est le juge administratif qui est exclusivement compétent pour connaître tous les litiges concernant la décision de validation, d'homologation, l'accord collectif, le document élaboré par l'employeur, le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi et la régularité de la procédure (art. L. 1235-7-1 du Code du travail).
Les organisations syndicales ou le comité d'entreprise ainsi que les salariés doivent présenter le recours dans un délai de deux mois à compter de la date à laquelle la décision de validation ou d'homologation a été portée à leur connaissance, par voie d'affichage ou par tout moyen (Art. L. 1233-57-4 du Code du travail).
Ce recours, en vue d'obtenir l'annulation de la décision prise par la Direccte, peut être formé pour diverses raisons. Soit parce que les élus et/ou les salariés estiment que les mesures contenues dans le PSE sont insuffisantes, soit parce que l'employeur a commis des irrégularités lors de la consultation obligatoire du comité d'entreprise et/ou du CHSCT, soit les deux en même temps.
Lorsque deux motifs d'annulation sont présentés aux juges, l'ordre de priorité dans lequel le juge va examiner les demandes a son importance. En effet, l'annulation de la décision administrative emporte des conséquences différentes selon qu'elle est prononcée pour absence ou insuffisance d'un PSE ou pour une irrégularité ou un défaut de consultation des institutions représentatives du personnel.
Le Conseil d'État vient de se prononcer dans une décision rendue le 15 mars 2017 sur l'attitude à adopter par les juges dans une telle situation.
Des enjeux différents en fonction du motif d'annulation
Hormis dans les entreprises en redressement ou liquidation judiciaire, si l'annulation de la décision administrative est due à une absence ou à une insuffisance du plan de sauvegarde de l'emploi, la procédure de licenciement est nulle (art. L. 1235-10 du Code du travail). Le juge ordonne la réintégration du salarié si celui-ci la demande, sauf dans l'hypothèse où cette réintégration est devenue impossible, notamment du fait de la fermeture de l'établissement ou du site ou de l'absence d'emploi disponible (art. L. 1235-11). Si le salarié ne demande pas la poursuite de son contrat de travail ou lorsque la réintégration est impossible, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur qui ne peut être inférieure aux salaires des douze derniers mois.
En revanche, si l'annulation est due à une autre cause que l'absence ou l'insuffisance du plan de sauvegarde de l'emploi, il n'y a pas nullité du licenciement (Art. L. 1235-16 du Code du travail). La réintégration n'est pas obligatoire et, à défaut, le salarié a droit à une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. Ce sera le cas si l'annulation est prononcée en raison d'une consultation irrégulière des institutions représentatives du personnel.
Priorité au motif d'annulation du PSE
Ces conséquences différentes suite à l'annulation de la décision de validation ou d'homologation du PSE expliquent la position prise par le Conseil d'État dans son arrêt du 15 mars 2017 : si le juge administratif est amené à se prononcer sur plusieurs motifs d'annulation dont celui sur l'insuffisance du PSE, il doit examiner ce dernier en priorité puisque c'est celui qui entraîne la sanction la plus importante et donc plus favorable pour les salariés concernés. Il en est ainsi même si d'autres motifs avancés par les demandeurs sont susceptibles également d'entraîner l'annulation de la décision administrative mais dont la sanction serait moindre.
L'arrêt précise également que dans les entreprises en redressement ou liquidation judiciaire, cet ordre de priorité ne se justifie pas. En effet, lorsque le licenciement a été prononcé dans une entreprise en redressement judiciaire ou en liquidation judiciaire, le dernier alinéa de l'article L. 1235-10 du Code du travail écarte la nullité de la procédure de licenciement économique en cas d'insuffisance ou d'absence de plan de sauvegarde de l'emploi. Dans cette hypothèse, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse. La réintégration étant exclue, le paiement de l'indemnité minimale de douze mois de salaire l'est également. En conséquence, la sanction étant identique quel que soit le motif d'annulation, l'ordre d'examen par le juge des moyens produits importe peu (Cons. Et. 15 mars 2017, n° 387728, Ministre du Travail et société Amandine Riquelme).