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CONTRAT À DURÉE DÉTERMINÉE
CONTRAT À DURÉE DÉTERMINÉE

Interview de Laëtitia Gomez, secrétaire générale de la CGT Intérim

Publié le 8 septembre 2022
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À l’occasion du numéro spécial de la RPDS consacré aux droits des intérimaires, Laëtitia Gomez, secrétaire générale de la CGT-Intérim, répond à nos questions.

Quelles sont les difficultés spécifiques de l'action syndicale pour les salariés intérimaires ?

LG : L'exercice des mandats peut s'avérer compliqué pour les salariés intérimaires, car, dans de nombreuses entreprises de travail temporaire, ils n'ont plus de mission. Elles rechignent à leur en proposer, arguant la désorganisation induite par la prise d'heures de délégation. Les salariés doivent vivre sur leurs heures de délégation prises hors mission, ce qui amène nos organisations à devoir intervenir. La précarité de la relation de travail fait obstacle à l'action syndicale, seule une minorité ose s'engager. Les élus de CSE et les mandatés doivent couvrir des périmètres géographiques très larges comptant parfois jusqu'à 50 000 salariés, avec qui il est difficile de tisser des liens syndicaux. Ceux-ci travaillent dans les entreprises utilisatrices et non dans les boîtes d'intérim.

C'est pour cela que nous devons travailler conjointement avec les structures CGT des entreprises utilisatrices.

Les problématiques des intérimaires sont souvent mises au second plan par manque de connaissances de la part des représentants du personnel, sans compter que les intérimaires sont parfois perçus comme une menace pour l'emploi. Mais on progresse pour qu'ils soient intégrés dans les collectifs de travail et de nombreux syndicats aujourd'hui s'impliquent pour que les salariés intérimaires puissent être embauchés en CDI. Nous avons mis en place un module de formation dans les unions départementales pour expliquer les problématiques de l'intérim aux syndiqués des entreprises utilisatrices. Faire connaître le droit d'alerte sociale, expliquer la nécessité d'intégrer les intérimaires dans les négociations collectives ou encore les stratégies syndicales pour mener les actions en requalification. L'action en substitution, notamment, reste un levier judiciaire trop peu utilisé.

L'égalité de traitement est-elle respectée pour les intérimaires ?

LG : L'inégalité de traitement que subissent ces salariés est un sujet fort. Concernant la rémunération, le problème est qu'on est sur du déclaratif de l'entreprise utilisatrice à l'entreprise de travail temporaire, notamment sur les primes. Et les représentants du personnel de l'agence d'intérim n'ont pas connaissance de ces éléments, qui sont donc difficiles à contrôler et faire respecter.

Mais, quand on mène une action sur le sujet, on gagne souvent, car la loi est claire.

Nous pouvons faire reculer les entreprises, soit par la voie amiable en utilisant les réclamations, soit par la lutte avec des occupations d'agences, efficaces car les boîtes d'intérim craignent pour leur réputation, ou enfin par la voie judiciaire. L'inspecteur du travail peut aussi être un bon relais.

Et pour la santé et la sécurité ?

LG : Les intérimaires sont beaucoup plus exposés aux risques d'accident du travail. Ils arrivent sur des postes potentiellement dangereux sans formation suffisante, leurs équipements de protection sont de mauvaise qualité, à l'image des chaussures de sécurité à 9 euros HT fournies par les boîtes d'intérim, et les visites médicales obligatoires sont rarement à jour. Les entreprises utilisatrices pratiquent l'externalisation du risque, le reportant sur les salariés intérimaires, qui, en cas d'accident, paieront le prix fort. Au moment de la consolidation, n'étant plus salariés, ils n'auront pas de visites de pré-reprise, (soumises à l'emploi), et tombent dans un cercle vicieux qui freine leur reclassement. Nous avions négocié un bel outil au niveau de la branche, le contrat d'alternance reconversion (CAR), mais il est très peu utilisé.

Pourquoi la CGT n'a-t-elle pas signé les accords sur le CDII ?

LG : La seule avancée du contrat à durée indéterminée intérimaire (CDII) est la garantie du Smic mensuel. Sinon, ce n'est pas un véritable CDI, le salarié reste considéré comme un intérimaire subissant les aléas des missions et une astreinte permanente, mais pas forcément rémunérée. Ses conditions de travail sont même souvent pires, parce qu'il ne peut pas refuser les missions et qu'il effectue donc souvent les plus dangereuses ou lointaines, etc. Il ne touche pas les indemnités de fin de mission – que l'entreprise utilisatrice doit quand même verser à l'entreprise de travail temporaire. Ces sommes sont censées servir à la formation des salariés et à leur évolution, mais en réalité seules les formations obligatoires de base, type Caces, sont financées. Aucune négociation
sur les salaires ou sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) n'est mise en place.

C'est pourquoi nous n'avons pas signé les accords de branche sur le CDII que nous considérons comme un CDI de « corvéabilité ».

Et l'accord sur l'activité partielle de longue durée (APLD) ?

LG : Cet accord est un véritable scandale. Comment accepter que des entreprises qui mettent leurs propres salariés en activité partielle, car ils n'ont pas assez de travail pour les occuper, fassent appel à des salariés intérimaires pour accroissement temporaire d'activité et les place aussi en activité partielle, le tout financé par l'État ? Une énième preuve que l'intérim est un aspirateur de fonds publics et que Prism'emploi, le syndicat patronal, a ses entrées au ministère du Travail, qui, au passage, grâce à ce dispositif, sort les salariés intérimaires des chiffres du chômage des catégories B et C. Déjà qu'ils ont été les premières victimes de la réforme de l'assurance chômage en étant pénalisés quand ils sont en intermissions… comme si c'était leur choix !

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