Inaptitude définitive : consultation des élus du personnel ou pas ?
Les délégués du personnel (ou les élus au CSE) doivent être consultés sur les propositions que doit faire l'employeur au salarié inapte. Ce principe est souvent remis en cause en cas d'inaptitude définitive. Une position ferme et précise de la Cour de cassation est attendue au regard des nouvelles dispositions légales.
Attention : La fusion des institutions représentatives du personnel réalisée par l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, a pour conséquence la mise en place progressive et au plus tard le 1er janvier 2020 d'une instance unique : le comité social et économique. Celui-ci exerce les attributions des délégués du personnel, du comité d'entreprise et du CHSCT. Pour les entreprises conservant temporairement des instances séparée, ces dernières gardent leurs prérogatives jusqu'à la fin du mandat.
Les délégués du personnel consultés sur le reclassement…
Les délégués du personnel, ou le comité social et économique dans les entreprises l'ayant déjà mis en place, doivent être consultés sur les possibilités de reclassement d'un salarié inapte.
Mais quel intérêt y a-t-il à consulter les élus du personnel si le médecin du travail précise dans l'avis d'inaptitude que le salarié ne peut plus travailler, et donc qu'il est inapte à tout poste dans l'entreprise ?
La Cour de cassation a eu à se prononcer à plusieurs reprises sur la nécessité de consulter les IRP si le reclassement s'avère impossible, le salarié étant inapte à tout poste. La position de la Cour de cassation ne faisait pas l'unanimité, cette dernière jugeait de manière récurrente que l'employeur devait malgré tout rechercher les possibilités de reclassement dans l'entreprise ou le groupe (Cass. soc. 11 juin 2008, no 06-45537). La philosophie de la Cour de cassation n'était pas tant de vérifier la nature des propositions faites par l'employeur au salarié inapte, mais plutôt de s'assurer de l'existence de cette recherche dont la consultation en était garante.
… sauf sur un avis médical d'inaptitude définitive
Le temps passe et la Cour de cassation a infléchi sa position, dans une décision à notre connaissance isolée. Ainsi, elle a considéré que la consultation pourrait ne pas avoir lieu si le médecin déclarait le salarié inapte à tout poste (Cass. soc. 5 oct. 2016, no 15-16782). L'argumentaire à l'appui de sa décision : la consultation a pour objet de donner un avis sur les postes de reclassement, or, en cas d'inaptitude totale, l'objet de la consultation disparait.
En parallèle, les choses changent aussi légalement. En aout 2016, l'employeur est dispensé par la loi de rechercher un reclassement dès lors que le médecin énonce dans l'avis d'inaptitude que le maintien du salarié à tout poste est impossible (Loi 2016-1088 du 8 août 2016). S'en suit un décret précisant que le médecin du travail peut formuler dans l'avis d'inaptitude définitif que : « tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi » (D. 2016-1908 du 27 déc. 2016).
C'est dans ce contexte que la Cour d'appel de Riom a rendu sa décision du 3 avril (CA Riom, 3 avr. 2018, no 16/011261). Elle s'aligne et décide que la consultation du comité social et économique (CSE) n'est pas fondée s'il est impossible de reclasser le salarié inapte. Dommage ! Cette décision ne fait l'objet d'aucun recours en cassation à ce jour…
Une position de la Cour de cassation attendue
Ce qui est certain, c'est que la Cour de cassation est amenée à se prononcer encore aujourd'hui sur des litiges dont les faits sont antérieurs au 1er janvier 2017 et que sa position reste favorable à la consultation du CSE quoiqu'il arrive. Tel est le cas implicitement dans sa décision du 3 mai 2018 (Cass. soc. 3 mai 2018, no 14-20214) dans laquelle elle se montre favorable à la consultation des élus même si le médecin du travail se prononce sur une inaptitude définitive.
Une position de la Cour de cassation est donc attendue sur la base des nouvelles dispositions.
Le défaut de consultation : quelle sanction ? Si l'employeur ne consulte pas les membres du CSE, ce dernier doit reverser au salarié inapte (inaptitude professionnelle) une indemnité qui ne peut être inférieure aux 6 derniers mois de salaires au titre des articles L.1226-10, L.1226-15 et L.1235-3-1 du Code du travail.
Si le salarié est inapte pour des raisons non professionnelles, il est indemnisé en fonction du préjudice qu'il a subi. À charge pour lui d'établir ce préjudice devant les tribunaux (CA Riom, 3 avr. 2018, no 16/011261).
Avant les ordonnances dites « Macron », le montant de cette indemnité était fixé à 12 mois de salaires (ord. no 2017-1387 du 22 septembre 2017 et loi no 2018-217 du 29 mars 2018), comme en atteste une décision récente de la Cour de cassation (Cass. soc. 23 mai 2017, no 16-10580).