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LOIS, DECRETS ET ORDONNANCES
LOIS, DECRETS ET ORDONNANCES

Faciliter les licenciements, freiner leurs contestations 

Publié le 23 août 2017
Modifié le 6 septembre 2017
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Le projet de loi d'habilitation progresse dans sa quête de régression sociale par ordonnances. L'employeur n'aurait plus à motiver la lettre de licenciement. Le salarié aurait moins de temps pour contester son licenciement. Il est certain que les droits de la défense en sortiront bafoués !

Licencier, c'est simple !

Actuellement, selon l'article L. 1232-6 du Code du travail, la lettre de licenciement doit faire apparaitre clairement les faits reprochés au salarié. Si tel n'est pas le cas, le licenciement est alors considéré sans cause réelle et sérieuse. C'est ce principe, à nos yeux fondamental, que remet en question le projet de loi d'habilitation par le biais des ordonnances à venir.

Une étude d'impact de ce projet de loi laisse entendre que pour licencier un salarié, l'employeur n'a plus besoin de motiver la lettre de licenciement. Le salarié sera alors licencié sans savoir pourquoi. Il est envisagé que le licenciement s'opèrerait par le biais d'un modèle type de document Cerfa sur lequel l'employeur n'aurait qu'à cocher la nature du licenciement : pour motif personnel, pour motif économique.

À l'origine de cette démarche, le souci de sécuriser la procédure de licenciement pour les employeurs et leur permettre d'éviter des erreurs quant à la formulation des griefs dans la lettre de licenciement. Depuis longtemps, la jurisprudence considère en effet que le défaut d'énonciation des motifs ou d'imprécision de ceux-ci dans la lettre de licenciement équivaut à une absence de motif qui rend le licenciement sans cause réelle et sérieuse (Cass. soc. 29 nov. 1990, n° 88-44308). C'est cette jurisprudence qui serait remise en cause.

Qu'en sera-t-il si l'employeur coche la mauvaise case du formulaire Cerfa ? Considèrera-t-on qu'il fraude comme c'est souvent le cas, ou qu’il s'agit d'une simple erreur de procédure sans incidence sur le licenciement ? À n'en pas douter, l'esprit de la loi tend à la seconde solution !

En parallèle, en cas de procès, la loi d'habilitation semble aussi vouloir fixer un cadre au juge afin que celui-ci apprécie dans un sens bien précis la cause réelle et sérieuse du licenciement. Nous ne voyons pas comment cette mesure pourrait être appliquée. Un gouvernement ne peut pas imposer au juge sa vision sans enfreindre la séparation des pouvoirs.

Contester un licenciement, c'est complexe

Si un salarié estime son licenciement injustifié, il peut saisir le conseil des prud'hommes. Il a deux ans pour le faire. Ce délai, déjà très court pour constituer un dossier aux prud'hommes, risque d'être à nouveau réduit. C'est en effet ce que projette la loi d'habilitation dans sa quête d'empêcher les salariés d'accéder à la justice prud'homale. Le projet entend notamment harmoniser les délais de recours contentieux. Le pire est alors à craindre, à savoir que le délai pour contester le licenciement soit rabaissé à douze mois comme pour les licenciements économiques.

Des droits bafoués, c'est certain !

L'absence de motivation de la lettre de licenciement porte atteinte aux droits de la défense du salarié. Le salarié ne connaitra pas le motif de son licenciement avant de saisir le conseil de prud'hommes. Dans ces conditions, comment pourra–t–il préparer son dossier, établir un exposé des motifs de sa demande, rédiger la requête de saisine et réclamer les indemnités adéquates… ? De son côté, l'employeur, disposera du temps suffisant pour inventer des reproches fallacieux de licenciement le jour où il sera convoqué devant le conseil.

Réduire les délais pour saisir le conseil porte atteinte aux droits d'accès à la justice. Le salarié qui mettra du temps à constituer son dossier sera rattrapé par la prescription. Tout en l'annonçant, le projet de loi d'habilitation ne dévoile rien de ces nouveaux délais.