Expertise : quand la BDESE ne suffit pas
Dans le cadre de la consultation récurrente sur la politique sociale de l'entreprise, les conditions de travail et l'emploi, des informations ne figurant pas dans la BDESE peuvent être réclamées par l'expert s'il les estime nécessaire à l'exercice de sa mission.
Sauf accord fixant une périodicité différente, le comité social et économique (CSE) est consulté chaque année, notamment sur la politique sociale de l'entreprise, les conditions de travail et l'emploi (art. L. 2312-22 C. trav.). Les informations nécessaires pour cette consultation doivent être mises à disposition du comité dans la base de données économiques, sociales et environnementales (BDESE).
à l'occasion de cette consultation, le CSE peut décider de recourir à un expert-comptable (art. L. 2315-91 C. trav.).
L'expert-comptable du comité dispose de larges pouvoirs d'investigation (voir RPDS 2022, n° 926, p. 205) puisqu'en application de l'article L. 2315-83 du Code du travail, l'employeur doit lui fournir les informations nécessaires à l'exercice de sa mission. Pour autant, peut-il exiger d'avoir accès à des informations qui ne figurent pas dans la BDESE ? Telle est la question à laquelle était confrontée la Cour de cassation dans une récente affaire.
Une demande d'informations complémentaires
A défaut d'accord, l'article L. 2312-26 du Code du travail fixe la liste générale des informations nécessaires pour la consultation sur la politique sociale, l'emploi et les conditions de travail. Ces informations sont ensuite précisées, pour chaque sous-thème, par les articles R. 2312-8 (entreprises de moins de 300 salariés) et R. 2312-9 (entreprises d'au moins 300 salariés) qui complètent ou explicitent les dispositions législatives supplétives.
Dans une entreprise, l'employeur entendait cantonner les informations de l'expert à celles devant être mises à disposition du CSE dans la BDESE en lien avec la consultation concernée.
Mais l'expert réclamait des données complémentaires sur 20 % de la population exclue des informations fournies par l'employeur, en matière de promotion, de qualification et d'égalité professionnelle entre hommes et femmes, et ce sur la totalité du périmètre social. Selon l'expert, l'agglomération des données produites par la société dans la BDESE était susceptible de fausser l'analyse, notamment en gommant les écarts de salaire, qui pouvaient s'avérer importants dans ces catégories professionnelles, ainsi que les changements annuels de ces populations de cadres.
Des informations nécessaires à l'exercice de la mission de l'expert
Les juges ont donné raison à l'expert. Bien que les informations demandées n'aient pas à figurer dans la BDESE, elles pouvaient être exigées par l'expert, car elles apportaient un supplément non négligeable d'informations. La Cour de cassation applique le principe selon lequel l'expert est seul juge des informations nécessaires à l'exercice de sa mission d'expertise. Il importe peu que les informations demandées ne soient pas au nombre de celles devant figurer dans la base de données économiques et sociales en application des articles L. 2312-36, R. 2312-9 et R. 2312-20 du Code du travail (Cass. soc. 18 mai 2022, n°20-21444, société Casino services).
En conclusion, refusant de s'enfermer dans un cloisonnement artificiel des expertises et en s'appuyant sur l'article L. 2315-83 du Code du travail applicable à toutes les expertises, l'arrêt rendu par la Cour de cassation entend ne pas limiter l'accès de l'expert-comptable à certaines informations dans le cadre de l'expertise « consultation politique sociale ». Sauf pour l'employeur de démontrer que les demandes de l'expert sont abusives. Mais ce dernier ne commet pas d'abus dès lors que les informations demandées sont en lien avec l'objet de sa mission, ce qui était bien le cas en l'espèce.
En savoir plus : Sur la base de données économiques, sociales et environnementales, voir RPDS 2022, n° 931, p. 351.