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SANTÉ ET SÉCURITÉ AU TRAVAIL
SANTÉ ET SÉCURITÉ AU TRAVAIL

Usage du droit de retrait (1) du salarié : attention à la retenue sur salaire !

Publié le 20 juin 2024
Modifié le 24 juin 2024
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Lorsque les conditions de l'exercice du droit de retrait ne sont pas réunies, le salarié s'expose à une retenue sur salaire, sans que l'employeur soit tenu de saisir préalablement le juge du bien-fondé de l'exercice de ce droit. Explication avec NVO Droits !

 

L'exercice par le salarié de son droit de retrait est très encadré. Le travailleur doit alerter l'employeur de la situation pour laquelle il a un motif raisonnable de penser qu'elle présente un danger grave et imminent pour sa vie et sa santé (Art. L. 4131-1-1C. trav.). En contrepartie, aucune sanction, aucune retenue de salaire ne peut être prise à l’encontre du travailleur ou d’un groupe de travailleurs qui se sont retirés d’une situation de travail dont ils avaient un motif raisonnable de penser qu’elle présentait un danger grave et imminent pour la vie ou pour la santé de chacun d’eux (Art. L. 4131-3 C. trav).

Ces deux articles sont au cœur d'un débat porté à deux reprises devant la Cour de cassation. Nous traitons ici la première affaire dans laquelle des salariés avaient usé de leur droit de retrait, et s'étaient vu retirer du salaire en conséquence. Selon les salariés, l'employeur aurait dû saisir en amont le juge pour vérifier le bien-fondé de l'exercice de ce droit de retrait (Cass. soc. 22 mai 2024, n°22-19.849).

 

Une retenue sur salaire au bon vouloir de l'employeur

Au vu des textes en vigueur, l'employeur a toute latitude pour considérer qu'un droit de retrait n'est pas justifié et décider de manière unilatérale de la retenue salariale. En l'espèce, les faits de l'affaire n'étaient pas banals, puisqu'une partie de l'équipage navigant d'une compagnie aérienne avait exercé son droit de retrait considérant que le « débarquement » demandé paraissait dangereux.

L'arrêt ne fait aucune autre précision sur les conditions de travail des salariés. En tout état de cause, l'employeur n'estimait pas, de son côté, que le retrait du personnel navigant était justifié et avait procédé à une retenue sur les salaires.

La Cour de cassation lui donne raison, en posant comme principe que si les conditions ne sont pas réunies pour l'exercice du droit de retrait, le salarié s'expose à cette retenue.

La solution n'est pas surprenante au regard de la jurisprudence antérieure qui, de longue date, admet ces retenues sur salaire pour usage injustifié de droit de retrait (Cass. soc. 17 oct. 1989, n° 86-43272), comme dans cette affaire où la salariée avait quitté son poste pour cause de courants d'air. A contrario, dès lors que le retrait du salarié est régulier, ce dernier ne doit pas subir de retenue sur salaire. Au cas où, par la suite, il ferait l'objet d'un licenciement, celui-ci sera nul (Cass. soc. 28 janv. 2009, n° 07-44.556).

L'employeur n'est pas tenu de saisir le juge au préalable

L'intérêt de cette décision tient à la question qui est posée pour la première fois à la Cour de cassation : celle de savoir si, avant la retenue du salaire, l'employeur doit saisir la justice pour s'assurer du mauvais usage du droit de retrait par le salarié.

La chambre sociale s'aligne ici sur la position de la chambre criminelle (Cass. crim. 25 nov. 2008, n° 07-87.650) qui retient que l'employeur n'est pas tenu de saisir la justice en amont. La chambre sociale précise que, ni l'article L. 4131-1-1, ni l'article L. 4131-3 du Code du travail n'envisage l'obligation pour l'employeur de saisir les juges sur le bien fondé de l'exercice du droit de retrait avant la mise en œuvre d'une retenue sur les salaires. Cette appréciation est entre les mains de l'employeur.

Une retenue sur salaire injustifiée : que faire ?

Le salarié dispose bien d'un « véritable » droit au retrait de son poste s'il estime être en danger. En contrepartie, l'employeur peut procéder à une retenue sur son salaire, s'il considère ce retrait illégitime. À l'encontre de cette décision, le salarié peut agir en justice pour demander à ce qu'il soit statué sur les circonstances de l'exercice de son droit de retrait et, par là-même, sur l'opportunité de la retenue (Cass. soc. 23 avr. 2003, n° 01-44.806). Éventuellement, il peut aussi engager une action en référé devant le conseil de prud'hommes pour obtenir du juge une ordonnance de provision sur salaire.

Bien que la décision s'inscrive dans un cadre légal bien déterminé, elle appelle à une réflexion sur les pratiques de certains employeurs tentés de procéder à des retenues sur salaire alors même que le danger auquel les salariés sont exposés est bien réel.

Par ailleurs, il nous semble que le salarié est freiné dans l'exercice de son droit, par le simple fait qu'unilatéralement l'employeur puisse procéder à de telles retenues, sans contrôle, si ce n'est qu'a posteriori, par le biais d'actions en justice parfois complexes à mener.

 

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