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COMITE SOCIAL ET ECONOMIQUE
COMITE SOCIAL ET ECONOMIQUE

Établissements distincts : des confirmations et des précisions

Publié le 30 septembre 2021
Modifié le 18 octobre 2021
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Dans deux arrêts de juin 2021, la Cour de cassation précise qu'il appartient au tribunal judiciaire de rechercher si les directeurs des établissements, dont le caractère distinct est revendiqué, ont effectivement une autonomie de décision suffisante en ce qui concerne la gestion du personnel et l'exécution du service devant permettre l'exercice effectif des prérogatives du CSE. Les explications de NVO Droits.

Dans les entreprises à établissements multiples, des CSE d'établissement doivent être constitués (art. L. 2313-1 du C. trav.) si l'entreprise a un effectif global d'au moins 50 salariés et si au moins deux établissements présentent un caractère « distinct ». Selon l'article L. 2313-2 du Code du travail, c'est un accord d'entreprise majoritaire, sans possibilité de référendum, qui détermine le nombre et le périmètre des établissements distincts. En l'absence d'accord, l'employeur est autorisé à fixer unilatéralement le nombre et le périmètre des établissements distincts (art. L. 2313-4 du C. trav.). Pour ce faire, l'employeur peut se référer à un seul critère, à savoir l'autonomie de gestion du responsable de l'établissement, notamment en matière de gestion du personnel (art. L. 2313-4 précité). Sa décision peut être contestée devant l'administration (aujourd'hui la Dreets, qui a remplacé la Direccte) et la décision de cette dernière peut faire l'objet d'un recours devant le tribunal judiciaire.

Il n'existe pas de degré fixé par la loi à l'autonomie de gestion. Cette notion est donc relative et doit être analysée par les juges en prenant en compte le contenu des délégations de pouvoirs consenties aux chefs d'établissement, mais aussi les conditions concrètes dans lesquelles s'exercent leurs prérogatives et, notamment, comment elles s'articulent avec les structures décisionnelles de l'entreprise. Deux arrêts de la Cour de cassation de juin 2021 confirment à la fois des décisions antérieures et apportent de nouvelles précisions permettant à l'administration et au juge de caractériser, ou non, un établissement distinct.

Des confirmations

Dans les deux affaires, la décision unilatérale de l'employeur avait été déférée par les syndicats à l'administration qui les avait annulées. Dans le premier cas, l'employeur avait opté pour un CSE unique, mais l'administration a fixé à 3 le nombre d'établissements distincts. Dans le second cas, l'employeur proposait 7 établissements distincts, mais l'autorité administrative a estimé qu'un CSE unique était suffisant. Le tribunal judiciaire, saisi dans les deux cas par l'employeur, a dans le premier cas confirmé la décision administrative fixant à 3 le nombre d'établissements distincts non souhaités par l'employeur, mais il l'a annulée dans le second cas, validant ainsi la décision initiale de l'employeur de 7 établissements distincts.

La Cour de cassation, amenée à se prononcer, confirme tout d'abord dans les deux arrêts que constitue un établissement distinct celui qui présente, notamment en raison de l'étendue des délégations de compétence dont dispose son responsable, une autonomie suffisante en ce qui concerne la gestion du personnel et l'exécution du service (Cass. soc. 19 déc. 2018, n° 18-23655, SNCF, RPDS 2019, n° 887, somm. 020, comm.LM.). Elle avait ensuite précisé que ce n'est pas parce qu'un chef d'établissement exécute et fait exécuter au sein de son établissement les décisions économiques et sociales arrêtées au niveau central par l'entreprise, que cela doit exclure l'autonomie de ce chef d'établissement dans la mise en œuvre de ces décisions (Cass. soc. 11 déc. 2019, no 19-17298, RDT févr. 2020, p. 133, note F. Signoretto ; Dr. ouv. 2 020 702, note L. Milet ; Cass. soc, 22 janv. 2020, no 19-12011). Une telle analyse est un peu plus conforme aux dispositions légales et surtout à la réalité de l'organisation des entreprises. Elle est reprise par ces deux nouveaux arrêts qui affirment que « La centralisation de fonctions support ou l'existence de procédures de gestion définies au niveau du siège ne sont pas de nature à exclure en elles-mêmes l'autonomie de gestion des responsables d'établissement ».

Autre confirmation : il appartient à l'administration et au juge, saisis d'un recours dirigé contre la décision unilatérale de l'employeur, de rechercher les indices de l'autonomie de gestion des chefs d'établissement. Ils doivent pour ce faire s'appuyer sur les documents relatifs à l'organisation interne de l'entreprise que fournit l'employeur, et sur les documents remis par les organisations syndicales (déjà en ce sens Cass. soc. 22 janv. 2020, n° 19-12011). Mais pas seulement comme le soulignent les deux nouveaux arrêts.

De nouvelles précisions

Parmi les nouvelles précisions apportées par la Cour de cassation figure l'idée selon laquelle l'administration et les juges ne doivent pas en rester à la surface des choses et se contenter des éléments produits par les parties. Ils doivent rechercher effectivement les indices de l'autonomie de gestion, laquelle, si elle n'implique pas une indépendance totale de l'établissement par rapport à la structure centrale d'entreprise, doit cependant être suffisante pour constater une déconcentration réelle du pouvoir de gestion du personnel et d'exécution du service au niveau des établissements dont le caractère distinct est revendiqué.

Visiblement, dans les deux arrêts commentés, les juges du fond ne s'étaient pas livrés à un examen très minutieux des circonstances de fait. La Cour de cassation leur reproche ce manque de curiosité et de s'être limités à une vérification formelle du contrôle effectué par l'administration et de la motivation de sa décision. Le second arrêt est éclairant à cet égard puisque les juges du fond s'étaient limités à l'examen de délégations de pouvoirs très générales et imprécises ainsi que d'actes très ponctuels de gestion du personnel sans rechercher effectivement si les responsables des établissements concernés pouvaient de manière autonome embaucher, sanctionner et licencier des salariés (Cass. soc. 9 juin 2021, n° 19-23745, M. et autres c/assoc. Areram). Quant au premier arrêt, la Cour reproche au tribunal judiciaire de s'être contenté de relever que la décision de l'administration a été manifestement rendue après une étude sérieuse des éléments fournis par les parties (Cass. soc. 9 juin 2021, n° 19-23153, GE Medical Systems c/syndicat CFE-CGC métallurgie Île-de-France).

Autre précision : la reconnaissance d'établissements distincts pour la mise en place des CSE doit être de nature à permettre l'exercice effectif des prérogatives de l'institution représentative. C'est la première fois que la Cour de cassation l'affirme. Mais c'est une nouveauté qui n'en est pas vraiment une. En effet, sous la législation des comités d'entreprise, le Conseil d'État considérait déjà que le chef d'établissement devait disposer d'une autonomie de gestion suffisante, notamment en matière économique, d'organisation du travail et de gestion du personnel, pour informer et consulter le comité sur la gestion de l'établissement et engager, avec la délégation du personnel et les représentants syndicaux, un dialogue utile au sein du comité. L'idée centrale, reprise aujourd'hui par la Cour de cassation pour les CSE, étant que les juges devaient s'attacher à vérifier que les principales missions et le fonctionnement normal de comités d'établissement pouvaient être assurés à leur niveau (Cons. Et. 12 juin 1995, n° 110044 ; Cons. Et. 27 mars 1996, n° 155791 et 155804).

À noter : ces deux arrêts relancent le débat sur un nécessaire assouplissement des critères de reconnaissance des établissements distincts. On peut en effet se demander si l'exigence d'une autonomie suffisante de gestion en matière d'exécution du service est encore pertinente, dans la mesure où aujourd'hui les prérogatives des CSE d'établissement sont très limitées sur le plan économique (sauf accord plus favorable) et recentrées sur les questions relatives à la politique sociale et aux conditions de travail.
En savoir plus : M. Cohen et L. Milet, « Le droit des CSE et des CG », 16e éd., LGDJ 2021, n° 182 et suiv.
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