Entretien professionnel : premières sanctions pour les employeurs défaillants
Depuis la loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, modifiée par la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, chaque salarié doit bénéficier :
- tous les deux ans, d'un entretien professionnel consacré à ses perspectives d'évolution professionnelle ;
- tous les six ans, d'un entretien professionnel qui fait un état des lieux récapitulatif de son parcours professionnel.
En raison de la crise sanitaire, les délais pour mener ces entretiens ont été plusieurs fois reportés, ainsi que l'application des sanctions prévues en cas de défaillance de l'employeur (voir notre article « Les entretiens professionnels à nouveau reportés »).
Désormais, les entretiens doivent être menés selon la périodicité prévue par la loi et les premières sanctions s'appliquent. Un décret du 30 décembre 2021 est venu préciser leurs modalités d'application.
L'entretien professionnel est obligatoire
L'entretien professionnel est obligatoire pour tous les salariés ayant deux ans d’ancienneté quelle que soit la taille de l’entreprise (art. L. 6315-1 du C. trav.). Il est réalisé à l'initiative de l'employeur et doit faire l'objet d'un compte rendu écrit dont une copie est remise au salarié.
Tous les deux ans
Tous les deux ans, l'entretien professionnel est consacré aux perspectives d’évolution du salarié, notamment en termes de qualifications et d'emploi. Il permet de l'informer sur la validation des acquis de l’expérience (VAE) et le compte personnel de formation (CPF).
Attention ! Cet entretien ne porte pas sur l’évaluation du travail du salarié. L'entretien professionnel ne doit pas être confondu avec l'entretien d'évaluation.
Tous les six ans
Tous les six ans, l'entretien professionnel doit permettre de faire un état des lieux récapitulatif du parcours professionnel du salarié. Cet état des lieux permet de vérifier si le salarié a bénéficié au cours des six dernières années :
- d'entretiens professionnels tous les deux ans ;
- d'au moins une action de formation ;
- de l'acquisition d'éléments de certification par la formation ou par une validation des acquis de son expérience (VAE) ;
- d'une progression salariale ou professionnelle.
La durée de six ans, au terme de laquelle l'entretien professionnel « état des lieux » est obligatoire, s’apprécie par référence à l’ancienneté du salarié dans l’entreprise.
En l'absence d'entretien professionnel, l'employeur doit abonder le compte personnel de formation du salarié
Dans les entreprises d'au moins 50 salariés, si le salarié n'a pas bénéficié, au cours des six dernières années, des entretiens professionnels biennaux ainsi que d'au moins une formation « non obligatoire », l'employeur doit abonder le compte personnel de formation (CPF) du salarié de 3 000 euros.
Qu'est-ce qu'une formation « non obligatoire » ?
C'est une formation qui n'est pas obligatoire ! Une formation est considérée comme obligatoire lorsqu'elle conditionne l’exercice d’une activité ou d’une fonction, en application de dispositions légales et règlementaires ou d’une convention internationale (art. L. 6321-2 du C. trav.). Cette définition des formations obligatoires est donc très restrictive et recouvre, par exemple, des formations à la sécurité ou pour l'obtention de permis spécifiques quand elles sont imposées par des textes légaux ou réglementaires. Toutes les autres formations sont considérées comme « non obligatoires ». Ainsi, selon le ministère du Travail, une formation inscrite au plan de développement des compétences de l'entreprise, est considérée comme « non obligatoire », quand bien même elle est imposée par l'employeur, du moment qu'elle ne résulte pas d'une obligation légale ou réglementaire (ministère du Travail, « Questions-réponses sur l'entretien professionnel », mise à jour juin 2021).
À qui l'employeur doit-il verser les 3 000 euros ?
L'employeur doit verser les 3 000 euros à la Caisse des dépôts et consignations (CDC) qui alimentera le compte personnel de formation (CPF) du salarié concerné (art. L. 6323-13 et R. 6323-3 du C. trav.). Le salarié doit être informé de ce versement.
Premières sanctions pour défaut d'entretien professionnel
Après plusieurs délais accordés aux employeurs en raison de la crise sanitaire, ils doivent désormais verser l'abondement correctif du CPF s'ils ne se sont pas acquittés de leurs obligations en matière d'entretien professionnel.
Concernant les entretiens professionnels « état des lieux » qui devaient être réalisés en 2020 et 2021
Les employeurs qui n'ont pas réalisé les entretiens professionnels tous les deux ans et qui n'ont pas proposé au moins une formation « non obligatoire » au cours des six dernières années doivent verser l'abondement correctif de 3 000 euros sur le compte personnel de formation des salariés concernés avant le 31 mars 2022.
Concernant les entretiens professionnels « état des lieux » qui doivent être réalisés depuis le 1er janvier 2022
Les employeurs qui n'ont pas satisfait à leurs obligations devront verser l'abondement correctif sur le compte personnel de formation des salariés au plus tard le dernier jour du trimestre civil qui suit la date à laquelle l'entretien professionnel « état des lieux » a eu lieu ou aurait dû avoir lieu.
Que faire si l'employeur n'assume pas ses obligations à l'égard de l'entretien professionnel ?
Si vous avez plus de six ans d'ancienneté et si vous n'avez pas bénéficié de l'entretien professionnel « état des lieux » et d'au moins une formation « non obligatoire », votre employeur doit abonder votre compte personnel de formation de 3 000 euros. S'il ne s'est pas acquitté de cette obligation, vous pouvez :
- saisir les représentants du personnel dans l'entreprise pour qu'ils portent le sujet au comité social et économique (CSE). La commission de la formation du CSE, si elle existe, pourra utilement s'emparer du problème ;
- saisir l'inspection du travail et/ou les agents régionaux de contrôle de la formation professionnelle des Dreets (directions régionales de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités) qui sont en charge de contrôler l'application de ces mesures. Si l’entreprise n’a pas opéré le versement prévu ou a opéré un versement insuffisant, ils pourront la mettre en demeure de payer ( L. 6323-13 du C. trav.). À défaut de payer, l’entreprise devra verser au Trésor public le double de l’insuffisance constatée ;
- engager une action en justice pour faute de l'employeur dans le cadre de l'exécution du contrat de travail. Cependant, pour l'heure, aucune action n'ayant encore été engagée, on ne peut présager de l'appréciation des juges sur le sujet.