Élections au CSE : de nouvelles conditions pour être électeur et éligible
La loi dite Marché du travail, promulguée le 21 décembre 2022, prévoit, outre la régression des droits des chômeurs, de nouvelles modalités pour les élections professionnelles (Loi n° 2022-1598 du 21 décembre 2022 portant mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi). Applicables aux élections dont le premier tour a lieu à compter du 31 octobre 2022, ces mesures modifient les conditions d'électorat et d'éligibilité au comité social et économique (CSE).
L'électorat du CSE modifié au profit de l'employeur
Dorénavant, l'ensemble des salariés sont électeurs du comité social et économique (CSE), y compris ceux assimilés à l'employeur (Art. L. 2314-18 C. trav.). Seules trois conditions sont exigées : avoir 16 ans, une ancienneté de 3 mois dans l'entreprise et ne faire l'objet d'aucune interdiction, déchéance ou incapacité relative aux droits civiques.
Adieu la jurisprudence qui privait de leur droit électoral les salariés disposant d'une délégation écrite particulière d'autorité ou représentant l'employeur devant les institutions représentatives du personnel (Cass. soc. 12 juill. 2006, n° 05-60300). Bienvenue aux cadres dirigeants et assimilés, qui pourront ainsi peser par leur vote pour modeler une représentation du personnel favorable à l'employeur !
Le Conseil a jugé non conforme à la Constitution l'article L. 2314-18 du Code du travail tel qu'interprété par la jurisprudence de la Cour de cassation. Il estime qu'en privant les salariés assimilés à l'employeur de toute possibilité de participer en qualité d’électeur à l'élection du CSE, au seul motif qu'ils disposent d'une délégation ou d'un pouvoir de représentation, il est porté une atteinte manifestement disproportionnée au principe de participation des travailleurs (8e al. Préambule de la Constitution de 1946).
Le Conseil a abrogé l'article L. 2314-18 à compter du 31 octobre 2022, afin de laisser le temps au législateur de prévoir de nouvelles dispositions pour l'électorat du CSE.
L'éligibilité au CSE : sécurisée ou fragilisée ?
Alors que la décision du Conseil constitutionnel ne visait que les conditions d'électorat, la loi Marché du travail modifie également les conditions d'éligibilité au CSE.
Sous prétexte de la sécuriser, elle codifie la jurisprudence qui interdisait aux mêmes salariés assimilés à l'employeur de se présenter aux élections. Cependant, au passage, elle modifie sensiblement la portée de cette interdiction. En effet, désormais, ne peuvent être candidats au CSE, outre les membres de la famille de l'employeur, les « salariés qui disposent d'une délégation écrite particulière d'autorité leur permettant d'être assimilés au chef d'entreprise ou qui le représentent effectivement devant le comité social et économique » (Art. L. 2314-19 C. trav.). Les conditions d'âge (18 ans) et d'ancienneté (un an) restent identiques.
De façon imperceptible, cette nouvelle rédaction de l'article L. 2314-19 du Code du travail risque de limiter le champ de l'interdiction de se présenter aux élections du CSE pour les salariés assimilés à l'employeur. En effet, il ne s'agit plus de représenter l'employeur devant les « instances représentatives du personnel », mais seulement devant le « CSE ». Le juge pourrait ainsi être davantage contraint par cette règle stricte alors que jusqu'à présent il en appréciait librement les conditions. Par exemple, il avait étendu récemment la notion de représentation effective de l'employeur devant les représentants du personnel aux représentants de proximité (Cass. soc. 31 mars 2021, n° 19-25233, comm. RPDS 2021, n° 915, somm. 063).
Doit-on craindre que les cadres représentant l'employeur devant les délégués syndicaux ou encore les représentants de proximité n'auraient plus l'interdiction d'être candidats au CSE ? Un mélange des genres dangereux, qui ne pourrait qu'affaiblir la représentation des salariés. Espérons que la Cour de cassation reste ferme sur ses principes édictés de longue date en matière d'élections professionnelles. On ne peut être à la fois juge et partie.