Du nouveau pour les détenus travailleurs
Avant la réforme de décembre 2021, complétée depuis par le décret du 25 avril 2022, le détenu était lié par un acte d'engagement, document au contenu très limité, établi et modifiable de façon unilatérale par l'administration pénitentiaire.
Le détenu peut aujourd'hui signer un contrat d'emploi pénitentiaire (CEP) soit avec l'administration pénitentiaire lorsqu'il travaille au service général (fonctionnement de la prison : cuisine, plonge, blanchisserie etc.), soit avec un donneur d'ordre extérieur – concessionnaire, entreprise délégataire, entreprise d'insertion par l'activité économique etc. – lorsqu'il s'agit d'une activité de production.
Avant le contrat, l'accès au travail
La procédure d'accès au travail des détenus se fait en deux temps :
- La première phase, le classement au travail, débute par une demande écrite de l'intéressé, sachant que, selon la loi, tout détenu peut prétendre à un emploi. Le chef d'établissement y fait droit ou pas après avoir consulté une commission interne et, le cas échéant, doit motiver son refus.
- S'il est « classé au travail », le détenu passe ensuite des entretiens professionnels et peut alors être affecté à un emploi. Cette affectation dépend des possibilités d'emploi et du choix des donneurs d'ordre. Toutes les prisons doivent constituer une liste d'attente d'affectation. Il faut savoir que seul un détenu sur trois travaille.
Un contrat particulier
Le contrat d'emploi pénitentiaire n'est pas un contrat de travail au sens du Code du travail, mais un contrat « sui generis » régi par le Code de procédure pénale et le tout nouveau Code pénitentiaire. Tout litige qui en découle relève des juridictions administratives.
Le CEP doit énoncer les droits et obligations du détenu, ses conditions de travail et de rémunération. Il doit aussi fixer sa durée (en principe indéterminée, même si les textes détaillent les motifs de recours aux contrats à durée déterminée) et prévoir une période d'essai, de 15 jours à 1 mois selon la durée du contrat.
Un temps de travail proche du droit commun
La durée d'un temps complet est de 35 heures par semaine. Les heures supplémentaires, contenues dans un contingent annuel de 220 heures, sont majorées (25 % pour les 8 premières, 50 % pour les suivantes).
Un contrat ne peut pas prévoir une durée hebdomadaire de moins de 10 heures. Les heures complémentaires sont majorées de 10 % à 25 %.
Une journée de travail ne peut excéder 10 heures et le détenu doit avoir un repos quotidien de 11 heures minimum et hebdomadaire de 24 heures en plus du repos quotidien. Le détenu a droit à une pause de 20 mn au bout de 6 heures et peut s'absenter de son travail pour des raisons légitimes telles que les convocations judiciaires ou administratives, le temps d'allaitement, les convocations aux examens etc.
La mise en place d'astreintes par le donneur d'ordre nécessite l'aval du chef d'établissement et l'information de l'inspection du travail.
Pas de congés payés et des jours fériés non rémunérés
Les détenus travailleurs n'ont pas de droit aux congés payés.
S'ils ont droit aux jours fériés légaux, ces derniers ne sont pas rémunérés lorsqu'ils sont chômés, 1er Mai compris. Les jours fériés travaillés sont rémunérés au « tarif » normal sauf le 1er Mai, payé double.
Une rémunération indécente
La rémunération n'a pas bougé d'un iota avec la réforme. Elle est insuffisante au regard du coût de la vie en prison, et aussi au regard de la dignité du détenu – qui n'est pas un sous-citoyen – et de l'objectif de réinsertion auquel participe une activité rémunérée.
Le détenu employé au service général, et donc payé par l'État, perçoit au minimum 33 %, 25 % ou 20 % du Smic selon la classe des fonctions attribuées. Lorsqu'il travaille à une activité de production, il perçoit au minimum 45 % du Smic. Les textes ne prévoient aucune prime obligatoire, leur attribution relève du bon vouloir des « employeurs ».
Hygiène et santé au travail
D'un point de vue général, le chef d'établissement et le donneur d'ordre sont conjointement responsables de la sécurité et de la santé physique et mentale des personnes détenues.
Les détenus bénéficient des principales règles légales en matière d'hygiène et de sécurité. L'application de ces règles est le seul domaine dans lequel l'inspection du travail peut intervenir, à l'initiative du chef d'établissement pénitentiaire. Un rapport établissant les manquements et les mesures recommandées pour y remédier est adressé au chef d'établissement, qui dispose alors de 2 mois (ou 15 jours en cas de risque grave ou imminent pour la santé ou la sécurité des travailleurs) pour indiquer, dans une réponse motivée, les mesures qu'il a prises ou qui seront prises, accompagnées d'un calendrier de réalisation. En cas de litige, le Dreets et le directeur interrégional des services pénitentiaires rentrent en jeu.
Discipline, une imbrication néfaste
Sur le plan disciplinaire, il y a une confusion entre la relation de travail et le quotidien en détention. Autrement dit, il n'y a pas de déconnexion entre le travail et la peine. Le ton est donné par l'article 719-2 du Code de procédure pénale : « le travail est accompli sous le contrôle permanent de l'administration pénitentiaire, qui assure la surveillance des personnes, la discipline et la sécurité sur les lieux de travail ». Un peu plus loin : « des motifs disciplinaires ou liés au maintien du bon ordre et de la sécurité […] peuvent conduire, à tout moment, l'administration pénitentiaire […] à suspendre l'activité de travail ou y mettre un terme ». Un mauvais comportement du détenu peut compromettre le classement au travail, et il est fait référence au droit disciplinaire applicable à la détention pour les fautes disciplinaires pouvant faire perdre au détenu son activité.
Pour en savoir plusA. Le Mire, « le statut des détenus travailleurs », RPDS n° 927 juin 2022.