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DISCRIMINATIONS
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Discrimination : Air France coiffé sur le poteau

Publié le 23 janvier 2023
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Un employeur peut-il interdire aux hommes une coiffure qu'il autorise aux femmes ? Non, vient de répondre la Cour de cassation dans une affaire avec un steward d'Air France qui ne manque pas de piquant.

L'arrêt, promis à la plus large publication par la Cour de cassation, retient l'attention à plusieurs titres (Cass. soc. 23 nov. 2022, n°21-14.060, Air France) :

  • Tout d'abord, une fois n'est pas coutume, il traite d'une discrimination subie par les hommes.
  • Ensuite, il aborde une dimension peu traitée jusqu'alors : la discrimination capillaire.
  • Enfin, il élude un problème pourtant bien réel : la discrimination en raison de l'apparence physique liée à l'origine.

Refus d'embarquement pour des tresses africaines

Dans cette affaire, un steward d'Air France se voit refuser l'accès à l'embarquement parce qu'il est coiffé de tresses africaines nouées en chignon. Son employeur, Air France, considère qu'une telle coiffure n'est pas autorisée par le manuel des règles de port de l'uniforme du personnel navigant masculin qui stipule que « les cheveux doivent être coiffés de façon extrêmement nette. Limitées en volume, les coiffures doivent garder un aspect naturel et homogène. La longueur est limitée dans la nuque au niveau du bord supérieur du col de la chemise. Décoloration et/ou coloration apparente non autorisée. La longueur des pattes ne dépassant pas la partie médiane de l'oreille. Accessoires divers : non autorisés ».

Le salarié se trouve contraint de porter une perruque masquant sa coiffure pour pouvoir exercer ses fonctions. Mais au bout de deux ans, il reprend sa liberté capillaire. Cela entraîne sa mise à pied et, in fine, son licenciement pour inaptitude après une longue procédure. Après avoir perdu aux prud'hommes, puis en cour d'appel, il obtient gain de cause en Cour de cassation qui juge que cette différence de traitement constitue une discrimination en raison de l'apparence physique en lien avec le sexe.

Une discrimination liée au sexe

La Cour combine dans son raisonnement l'atteinte aux libertés individuelles (art. L. 1121-1 C. trav.) et le principe de non-discrimination (art. L. 1132-1 C. trav.). Elle contrôle si la différence de traitement faite entre les hommes et les femmes au sujet de leurs coiffures était justifiée par la nature de la tâche à accomplir, répondait à une exigence professionnelle véritable et déterminante et était proportionnée au but recherché.

Le premier argument d'Air France, retenu par la cour d'appel, est que le port de l'uniforme, comprenant l'interdiction faite aux hommes d'une coiffure pourtant autorisée aux femmes, se justifiait par la nécessité de permettre l'identification du personnel et de préserver une certaine image de marque immédiatement reconnaissable. Mais, pour la Cour de cassation, cela ne permet ni d'expliquer en quoi ces restrictions sont réservées aux hommes, ni comment elles permettent d'identifier le personnel.

À noterLa Cour précise au passage que la manière de se coiffer n'est ni une partie de l'uniforme ni son prolongement (contrairement à un chapeau dont le port pourrait être imposé).

Le second argument visait à démontrer que « l'existence de cette différence d'apparence, admise à une période donnée entre hommes et femmes en termes d'habillement, de coiffure, de chaussures et de maquillage, qui reprend les codes en usage, ne peut être qualifiée de discrimination ». La Cour de cassation apporte un démenti cinglant à cette assertion et refuse que la perception sociale de l’apparence physique des genres masculin et féminin puisse constituer une exigence professionnelle véritable et déterminante justifiant une différence de traitement. Une telle exigence doit être objectivement liée à l'activité professionnelle et ne peut pas se fonder sur des considérations subjectives telles que les exigences de la clientèle ou « la perception sociale » (CJUE, 14 mars 2017, C-188/15). Autrement dit, les employeurs ne peuvent pas s'appuyer sur des préjugés pour justifier des pratiques discriminatoires.

Mais pas de discrimination liée à l'origine

On regretta que la Cour n'ait pas suivi le salarié sur l'autre pendant de l'affaire : la discrimination en raison de l'apparence physique liée à l'origine, estimant que ce qui était reproché au salarié était sa coiffure, « ce qui est sans rapport avec la nature de ses cheveux », une affirmation selon nous très discutable. La lutte contre la discrimination capillaire continue !

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