Deux projets, un même rejet
La mobilisation se poursuit en Belgique contre un texte « cousin » du projet El Khomri. Après la manifestation de Bruxelles, la grève nationale du 24 juin a été une réussite.
La Belgique tournait au ralenti, vendredi 24 juin. L'appel à la grève lancé par la FGTB (Fédération générale du travail de Belgique) auquel s'était jointe la CNE (Centrale nationale des employés) a été particulièrement suivi dans l'ensemble du pays.
De nombreux services publics, administrations et transports en commun étaient à l'arrêt. Nombre d'hôpitaux fonctionnaient en service minimum. Le courrier et les colis étaient peu distribués et la RTBF (Radio télévision belge francophone) avait singulièrement réduit ses programmes. Le privé n'était pas en reste, avec arrêts de travail et piquets de grève dans de nombreux secteurs industriels (sidérurgie, métallurgie, verrerie, chimie, textile) comme dans ceux de la finance et de la distribution.
Des mesures injustes et inefficaces
« Mobilisation réussie », a estimé la CNE, faisant écho au secrétaire général de la FGTB. « C'est une réussite », a déclaré Marc Goblet, pour qui « il faudra bien que le gouvernement et les employeurs comprennent la détermination des travailleurs pour entrer dans une réelle concertation ».
Cette journée de grève confirme la mobilisation sociale qui dure depuis plusieurs mois pour dénoncer les mesures « injustes » et « inefficaces » du gouvernement. Blocage des salaires, amputation du pouvoir d'achat du fait notamment de la hausse de la TVA sur l'électricité, recul progressif de l'âge de la retraite à 67 ans, chasse aux travailleurs sans emploi et aux malades, coupes claires dans les services publics et la sécurité sociale, marquent les politiques d'austérité mises en œuvre en Belgique.
Flexibilisation généralisée
Mais les similitudes avec la réalité française ne s'arrêtent pas là. Au cœur de la mobilisation, il y a désormais un projet de loi annoncé en février dernier par le ministre de l'Emploi, Kris Peeters. Ce texte destiné à entrer en vigueur au 1er janvier 2017 comporte dix mesures ouvrant la voie à une flexibilité totale du travail.
Elles passent par l'annualisation généralisée du temps de travail, l'augmentation substantielle du nombre d'heures supplémentaires à effectuer avant toute récupération, pour partie sur simple décision de l'employeur. Le temps de travail hebdomadaire moyen passerait ainsi de 38 à 40 heures dans le meilleur des cas, voire 45 heures et plus, souligne la FGTB, avec une durée de la journée de travail qui pourrait aller jusqu'à 11heures.
Le « projet Peeters » envisage aussi de reporter le début du travail de nuit de 20 à 22 heures et supprime la protection particulière dont bénéficient les jeunes et les femmes enceintes. Il instaure également un contrat à temps partiel sans indication d'horaires, dont le salarié pourrait être informé du jour au lendemain. Contrairement aux allégations du gouvernement qui défend cette réforme au nom du travail « faisable », avec ce projet « on est dans une logique de citrons pressés et puis jetés », dénonce la FGTB.
Une spirale infernale
En Belgique comme en France, c'est au nom de la lutte contre le chômage que ses promoteurs entendent imposer cette déréglementation du travail. En réalité, la multiplication « des emplois mal payés, des flexi-jobs à temps partiel ou temporaire, creuse un déficit budgétaire » que le gouvernement s'apprête à combler en réduisant encore, dans le budget 2017, les dépenses utiles.
C'est une tout autre voie que trace la FGTB en plaidant pour une réduction collective du temps de travail avec maintien des salaires et créations d'emplois décents, une augmentation du taux horaire et des allocations sociales, un développement de services publics de qualité accessibles à tous et une fiscalité juste.
Le « front syndical commun » annonce deux nouveaux rendez-vous
Comme son homologue français, le premier ministre belge, le libéral Charles Michel, refuse encore de changer de cap. Là-bas comme ici, le dialogue social confine pour l'instant au dialogue de sourds. « Le droit de grève n'est pas absolu », a notamment déclaré Charles Michel vendredi, après le blocage de l'aéroport de Bierset, près de Liège. Le matin même, le président de la FGTB anversoise, Bruno Verlaeckt, avait été interpellé lors du démantèlement d'un piquet de grève par la police, pour n'être libéré qu'en début d'après-midi.
Mais en Belgique, comme en France, les travailleurs sont décidés à poursuivre et amplifier la mobilisation pour le retrait du « projet Peeters ». Le « Front syndical commun », à l'initiative de la manifestation qui a réuni 80 000 personnes dans les rues de Bruxelles le 24 mai dernier, a déjà annoncé deux nouveaux rendez-vous : le 29 septembre pour une manifestation nationale et le 7 octobre pour une grève générale.