Désigner vite l’expert
Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, lorsqu'un projet de licenciement concerne au moins dix salariés ou plus dans une même période de trente jours, l'employeur est tenu de négocier ou d'élaborer unilatéralement un plan de sauvegarde de l'emploi (art. L. 1233-30 du Code du travail).
L'employeur réunit et consulte le comité d'entreprise sur :
1o l'opération projetée et ses modalités d'application ;
2o le projet de licenciement collectif : le nombre de suppressions d'emploi, les catégories professionnelles concernées, les critères d'ordre et le calendrier prévisionnel des licenciements, les mesures sociales d'accompagnement prévues par le plan de sauvegarde de l'emploi.
Le comité d'entreprise tient au moins deux réunions espacées d'au moins quinze jours.
Le comité d'entreprise doit rendre en principe deux avis : l'un sur le projet économique de l'employeur ; l'autre sur les licenciements économiques et le plan de sauveagarde de l'emploi. Mais il est seulement consulté sur le projet économique et pas sur le plan de sauvegarde de l'emploi lorsque ce dernier a fait l'objet d'un accord collectif majoritaire.
À compter de la première réunion du comité d'entreprise, le ou les avis du comité d'entreprise doivent être rendus dans les délais suivants :
1o Deux mois lorsque le nombre des licenciements est inférieur à cent ;
2o Trois mois lorsque le nombre des licenciements est au moins égal à cent et inférieur à deux cent cinquante ;
3o Quatre mois lorsque le nombre des licenciements est au moins égal à deux cent cinquante.
En l'absence d'avis du comité d'entreprise dans ces délais, celui-ci est réputé avoir été consulté.
Le comité d'entreprise peut recourir à l'assistance d'un expert-comptable payé par l'employeur (art. L. 2325-35, 5° du Code du travail). Le comité doit prendre sa décision lors de la première réunion (art. L. 1233-34 du Code du travail).
L'expert désigné par le comité d'entreprise demande à l'employeur, au plus tard dans les dix jours à compter de sa désignation, toutes les informations qu'il juge nécessaires à la réalisation de sa mission. L'employeur répond à cette demande dans les huit jours. Le cas échéant, l'expert demande à l'employeur, dans les dix jours, des informations complémentaires. L'employeur répond à cette demande dans les huit jours à compter de la date à laquelle la demande de l'expert est formulée. Enfin, l'expert doit présenter son rapport au plus tard quinze jours avant l'expiration du délai de consultation (art. L. 1233-35 du Code du travail).
Une récente affaire montre que cette désignation ne doit pas être trop tardive, compte tenu des délais très courts dans lesquels le comité doit se prononcer.
Désignation d'un expert sur le tard
À l'occasion d'une procédure de licenciements collectifs concernant soixante-dix salariés, un employeur avait élaboré par la voie d'un document unilatéral un plan de sauvegarde de l'emploi. Lors de la première réunion du comité d'entreprise sur l'opération projetée, l'expert n'avait pas été nominativement désigné, mais les élus s'étaient réservé la faculté d'y faire appel.
L'expert-comptable fut ultérieurement désigné par le comité. Il demanda alors la communication d'un certain nombre de documents à l'employeur, dans les dix jours suivant sa désignation, comme le permet la loi. L'employeur, qui doit normalement répondre à cette demande dans les huit jours, avait tardé à communiquer les documents requis, de sorte que l'expert-comptable estimait n'avoir pas disposé de suffisamment de temps pour remettre son rapport. Ce qui avait conduit le comité à ne pas pouvoir remettre ses avis, le délai de consultation étant expiré. L'administration homologua le document unilatéral de l'employeur dans la foulée.
Le comité demandait l'annulation de la décision de l'administration car l'employeur n'avait pas respecté, à l'égard de l'expert-comptable désigné par le comité d'entreprise, les obligations qui lui incombaient en vertu notamment des dispositions des articles L. 1233-35 et du Code du travail, ce qui constituait, selon lui, une irrégularité de la procédure d'information et de consultation.
Désigner sur le tard nuit
Ni la cour administrative d'appel, ni le Conseil d'État ne sont de cet avis : il ne pouvait être reproché à l'employeur de ne pas avoir respecté les délais de remise des informations à l'expert car ce dernier n'ayant pas été désigné lors de la 1re réunion du comité, il ne pouvait se prévaloir des droits qui en découlent. Par suite, même si l'expert avait demandé les documents dans les délais prévus après sa désignation sans que l'employeur respecte en retour ses propres délais, avec pour conséquence une impossibilité pour l'expert de remettre sont rapport au comité, cela n'était pas de nature à entacher d'irrégularité la procédure d'information-consulation (Cons. Ét. 23 novembre 2016, n° 388855, société Solairedirect).
Une interprétation certes excessive du Conseil d'État mais qui montre bien que le comité d'entreprise ne doit pas différer dans le temps la mise en œuvre de prérogatives qu'il tient de la loi car l'écoulement du temps joue contre lui.
À relire
M. Cohen et L. Milet, Le droit des comités d'entreprise, 12e éd., 2016 Lextenso éditions