Des délégués syndicaux neutralisés
La loi d'habilitation des ordonnances permet au gouvernement d'imposer la fusion du comité d’entreprise, du CHSCT et des délégués du personnel en une instance unique de représentation.
Un comité social et économique serait mis en place sur le périmètre du comité d'entreprise, c'est-à-dire dans les entreprises d'au moins 50 salariés. Il regrouperait les délégués du personnel, les élus du comité d'entreprise, les élus du CHSCT.
Rappelons que la loi d'habilitation entend accentuer la démarche initiée par la loi travail du 8 août 2016. L'accord d'entreprise fixera l'essentiel des règles de la relation entre le salarié et l'employeur même si les dispositions de cet accord sont moins favorables que l'accord de branche sous réserve de quelques domaines où ce dernier primera (voir notre article ici). Pour faciliter la négociation et la conclusion d'accords régressifs, le patronat a donc besoin de syndicats compréhensifs de ses choix de gestion. D'où l'idée de permettre à un accord de branche ou un accord d'entreprise majoritaire d'intégrer à l'instance fusionnée les délégués syndicaux, ce qui autoriserait l'instance à négocier et gênerait par là même l'action syndicale.
Aujourd'hui : négociation avec les élus en l'absence de délégués syndicaux
Sauf exceptions expressément prévues par le Code du travail, seuls les délégués syndicaux sont habilités par la loi à négocier et à conclure des accords collectifs de travail. Dans les entreprises de moins de 50 salariés, en l'absence de délégué syndical, un délégué du personnel peut être désigné délégué syndical pour négocier.
S'il n'y a pas, dans l'entreprise ou l'établissement, de délégués syndicaux ou de délégué du personnel désigné comme délégué syndical, la négociation est possible avec les représentants élus du personnel au comité d'entreprise, à la délégation unique du personnel ou à l'instance regroupée. À défaut, la négociation a lieu avec les délégués du personnel (art. L. 2232-21 et suiv. du Code du travail).
La négociation avec les élus du personnel n'est donc envisagée qu'en l'absence de délégués syndicaux à des conditions bien précises.
Demain : Négociation avec l'instance fusionnée même s'il existe des délégués syndicaux
Dans les entreprises de 300 salariés et plus, il serait possible de fusionner l'instance regroupant les prérogatives des trois institutions (DP, CE et CHSCT) avec les délégués syndicaux, ce qui autoriserait l'instance à négocier alors même qu'il existe des délégués syndicaux dans l'entreprise !
Cette possibilité serait conditionnée à la conclusion d'un accord de branche ou d'entreprise majoritaire. Une condition supplémentaire serait envisagée : celle que tous les sièges aient été pourvus au premier tour des élections professionnelles, garantissant ainsi la présence syndicale dans l'entreprise.
La possibilité d'inclure les délégués syndicaux dans l'instance fusionnée au sein des entreprises de 50 à 300 salariés serait également à l'étude.
La possibilité pour l'instance de négocier serait soumise à ce que le gouvernement appelle des contreparties :
– par accord d'entreprise ou de branche l'employeur serait contraint d'obtenir l'avis conforme de l'instance fusionnée (droit de veto) pour certains thèmes (tels que la formation, l'utilisation des aides publiques comme le CICE, la rémunération des dirigeants) ;
– la représentation des salariés ou de leurs représentants dans les conseils d'administration ou de surveillance des entreprises serait améliorée.
L'amélioration des prérogatives de l'instance fusionnée et de la représentation des salariés au sein des organes dirigeants des entreprises serait donc subordonnée à la disparition des délégués syndicaux en tant qu'institution autonome. C'est un chantage inacceptable.
Et le fait d’autoriser l'instance à négocier, alors même qu'il existe des délégués syndicaux dans l'entreprise, aura pour effet de contraindre les syndicats dans leur action. En effet, ce n'est plus avec une ou des organisations syndicales que l'employeur négociera d'égal à égal mais avec de simples membres de l'instance fusionnée, ce qui nuira à la légitimité des accords.