Covid-19: quelles conditions pour un licenciement économique ?
Le 16 mars 2020, en pleine crise sanitaire, la ministre du Travail affirmait : « L'objectif est de ne pas licencier. » La loi d'urgence pour faire face à l'épidémie de Covid-19 a permis en effet au gouvernement de prendre « toutes mesures pour limiter les ruptures de contrat de travail et atténuer les effets de la baisse d’activité », notamment en facilitant le recours à l’activité partielle, en son article 11.
Certes, cette mesure a été mise en œuvre… Mais concernant la protection des salariés contre le licenciement, rien n'est venu. Aujourd'hui, l'activité redémarre progressivement, cependant le nombre de licenciements pour motif économique explose. Le point sur les règles fixées par le Code du travail et la jurisprudence.
Trois conditions à remplir
Le licenciement économique repose sur un motif lié à la situation de l'entreprise. Il est donc forcément extérieur à la personne du salarié. Il existe plusieurs motifs économiques fixés par la loi pour justifier des licenciements et l'épidémie de Covid-19 n'en fait pas partie. En revanche, les conséquences économiques de la crise sanitaire peuvent être invoquées.
Pour qu’un licenciement économique soit justifié, trois conditions doivent être remplies (articles L. 1233-3 et L. 1233-4 C. trav.) :
- existence d'une cause économique (difficultés économiques, réorganisation de l’entreprise pour sauvegarder sa compétitivité, cessation totale et définitive de l'activité de l'entreprise, mutations technologiques). À ce jour, elles sont au nombre de quatre, mais la loi précise que cette énumération n'est pas limitative, ce qui permet aux juges, le cas échéant, d'y ajouter d'autres motifs ;
- suppression de l'emploi ou modification du contrat de travail refusée par le salarié ;
- reclassement du salarié impossible, il n’existe pas de poste disponible ou le salarié a refusé la (ou les) proposition(s) de l'employeur.
Difficultés économiques, quels critères applicables ?
La notion de « difficultés économiques » est définie dans le Code du travail (Art. L. 1233-3 du C. trav.). On peut ainsi considérer qu’une entreprise est en difficulté économique en cas d'évolution significative d’au moins un des indicateurs suivants :
- une baisse des commandes ;
- une baisse du chiffre d’affaires ;
- des pertes d’exploitation ;
- une dégradation de la trésorerie ;
- une dégradation de l'excédent brut d'exploitation ;
- tout autre élément de nature à justifier ces difficultés.
En ce qui concerne la baisse des commandes ou du chiffre d’affaires, il existe un critère de durée, fixé selon la taille de l’entreprise (Art. L. 1233-3 du C. trav.).
Effectif de l'entreprise | Nombre de trimestres consécutifs de baisse, en comparaison avec la même période de l'année précédente |
---|---|
Moins de 11 salariés | 1 |
De 11 à 49 salariés | 2 |
De 50 à 299 salariés | 3 |
300 salariés et plus | 4 |
Dans une entreprise de 20 salariés, une baisse des commandes pendant deux trimestres consécutifs, en comparaison avec la même période de l’année précédente, peut conduire l'employeur à invoquer des difficultés économiques pour justifier un licenciement.
Conséquences sur l'emploi du salarié
Contrôle du juge
Des problèmes passagers, de courte durée, peuvent-ils constituer des « difficultés économiques » ? Une application stricte des critères légaux pourrait conduire à le penser. Mais dans tout contentieux, le juge dispose d’une marge de manœuvre. Et c’est bien à lui qu’il revient d'apprécier le caractère réel et sérieux d’un motif de licenciement. Or :
- si l'ampleur de la baisse des commandes (ou du chiffre d'affaires, des perte d'exploitation, etc.) n'est pas précisée dans la loi, on imagine mal qu’une variation minime puisse justifier un licenciement économique, dont la cause doit être « réelle » mais aussi « sérieuse » ;
- la comparaison avec la même période que l’année précédente ne signifie pas grand-chose ; la baisse du chiffre d’affaires de l’entreprise peut faire suite à une progression exceptionnelle de ce même CA sur les six mois précédents, de sorte qu’elle doit être, dans ce cas, relativisée.
Des jurisprudences à connaître
En matière de licenciements économiques, certaines règles fixées par les juges sont essentielles. Trois exemples :
- le coût élevé du travail d’un salarié ne constitue pas un motif économique de licenciement, lorsque la situation financière de l’entreprise lui permet d’en assurer la charge (Cass. soc. 16 mars 1994, n° 92-43094) ;
- la seule volonté de satisfaire l'actionnaire principal ne suffit pas à caractériser une cause économique de licenciement (Cass. soc. 6 nov. 2001, n° 99-44324) ;
- lorsque les difficultés économiques alléguées par l'employeur existaient lors de l'embauche du salarié, elles ne peuvent justifier son licenciement que si elles se sont aggravées de manière significative par la suite (Cass. soc. 7 juin 2007, n° 05-43939).