Coronavirus : quand et comment exercer son droit de retrait ?
Salariés du Musée du Louvre, chauffeurs de bus, postiers… des travailleurs fortement exposés à un risque de contamination ont exercé leur droit de retrait dans la période récente.
Et les évènements leur ont donné raison. Les établissements accueillant du public, sauf les commerces alimentaires, ont fermé leurs portes. Et dans la plupart des cas, les employeurs ont été contraints de prendre des mesures plus protectrices.
Danger grave et imminent de contamination
À savoirLe danger peut aussi être lié à l'état de santé du travailleur. Ainsi, un salarié vulnérable au coronavirus peut plus facilement mettre en œuvre son droit de retrait lorsque les circonstances sont incertaines.
Par exemple : les femmes enceintes, les personnes âgées de plus de 60 ans, celles connaissant des difficultés respiratoires, celles atteintes d'une pathologie grave, etc.
Lorsqu'il constate qu'un danger grave et imminent met en péril sa vie ou sa santé, le salarié est en droit de quitter son poste de travail. Ce que l'on appelle le « droit de retrait » (art. L. 4131-1 C. trav.).
- Le danger est grave lorsqu'il porte atteinte à la santé et peut avoir pour conséquence une maladie pouvant entraîner la mort. Or le coronavirus peut provoquer un syndrome de détresse respiratoire aigu pouvant entraîner le décès.
- Le danger est imminent lorsqu'il est susceptible de se réaliser dans un bref délai. Or on sait que la transmission du virus est très rapide, voire instantanée, puisqu'il suffit de se trouver à proximité d'une personne qui tousse, qui éternue, ou tout simplement, qui parle en postillonnant…
Un autre vecteur de transmission est le contact des mains avec des surfaces contaminées (billets et pièces de monnaie par exemple), lorsque les mains sont ensuite portées au visage. Or la plupart des surfaces peuvent rester contaminées plusieurs heures.
Dans le cadre de la crise sanitaire actuelle, il y a danger de contamination lorsque l'employeur ne prend pas les mesures de protection nécessaires alors que les salariés sont en contact entre eux ou avec des tiers sur le lieu de travail.
Une appréciation au cas par cas
À savoirSi l'employeur considère qu'il y a abus dans l'exercice du droit de retrait, alors c'est à lui, en principe, de saisir le juge.
Mais en pratique, nombre d'entre eux ne payent pas la rémunération due. Les salariés se trouvent alors contraints de saisir les prud'hommes pour obtenir un rappel de salaires.
Ni l'employeur, ni le gouvernement, ni un syndicat ne peuvent affirmer le caractère fondé — ou non — de l'exercice du droit de retrait. Seul le juge, une fois la période de confinement terminée, pourra en décider.
Une situation générale de pandémie ne justifie pas, à elle seule, l'exercice du droit de retrait dans toutes les entreprises. Chaque situation est particulière et, en cas de litige, c'est le juge qui apprécie la gravité et l'imminence du danger au regard des circonstances.
Selon la loi, le salarié doit avoir un « motif raisonnable » de craindre pour sa santé ou sa vie pour pouvoir se retirer de son poste de travail (art. L. 4131-1 C. trav.).
Le fait que l'employeur ne mette pas en œuvre les recommandations du gouvernement justifie, a minima selon nous, l'exercice du droit de retrait. Il peut s’agir de l’absence de protection mise en place en cas d'accueil du public, de l’absence d'affichage des gestes barrières, de l’absence de nettoyage adéquat des locaux, etc.
Une procédure simple et rapide
Chaque salarié doit, avant d'exercer son droit de retrait, informer l'employeur du danger constaté (art. L. 4131-1 C. trav). Aucun formalisme n’est imposé, mais un écrit (mail ou SMS, vu l'urgence) est fortement conseillé. Le droit de retrait s'exerce individuellement, mais il est bien plus efficace et protecteur lorsqu'il est mis en œuvre collectivement. Le syndicat doit y veiller et coordonner le déclenchement :
- information de l'employeur par l'ensemble des salariés concernés de manière simultanée ;
- harmonisation des motifs de recours au droit de retrait pour ceux qui occupent des postes identiques.
- Aucune sanction, aucune retenue sur salaire ne peut être décidée à l'encontre d'un salarié ayant exercé son droit de retrait (art. L. 4131-3 C. trav.). À condition, bien sûr, d'être « dans les clous ». À l'inverse, en l'absence de danger grave et imminent, l'employeur peut procéder à une retenue sur salaire.
- Le droit de retrait doit être exercé sans « créer pour autrui une nouvelle situation de danger grave et imminent » (article L. 4132-1 C. trav.).