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COMITE SOCIAL ET ECONOMIQUE
COMITE SOCIAL ET ECONOMIQUE

Consultation sur la politique sociale : l’étendue de la mission de l’expert précisée

Publié le 19 mai 2022
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La Cour de cassation apporte d'utiles précisions sur l'étendue de la mission de l'expert-comptable du comité social et économique (CSE) dans le cadre de la consultation récurrente sur la politique sociale, les conditions de travail et l'emploi ainsi que sur les documents qu'il peut exiger de l'employeur.

Le Code du travail prévoit que « L'employeur fournit à l’expert les informations nécessaires à l’exercice de sa mission » (Art. L. 2315-83 C. trav.). Il indique également l'objet des différentes consultations. Ainsi, s'agissant de la consultation sur la politique sociale, celle-ci porte sur l’évolution de l'emploi, les qualifications, le programme pluriannuel de formation, les actions de formation envisagées par l'employeur, l’apprentissage, les conditions d’accueil en stage, les actions de prévention en matière de santé et de sécurité, les conditions de travail, les congés et l’aménagement du temps de travail, la durée du travail, l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et les modalités d’exercice du droit d’expression des salariés dans les entreprises non couvertes par un accord sur l’égalité professionnelle et la qualité de vie au travail contenant des dispositions sur ce droit (Art. L. 2312-26, I C. trav.).

S'appuyant sur le premier alinéa de cet article, un employeur refusait à l'expert-comptable du comité les documents qu'il réclamait, à savoir les déclarations annuelles des données sociales (DADS) et la déclaration sociale nominative (DSN) de l’année en cours et des quatre années précédentes afin qu'il puisse analyser l’évolution des rémunérations, la politique de recrutement et les départs.

Selon le chef d'entreprise, l’analyse de l’évolution individuelle de la rémunération dans toutes ses composantes, de même que l’étude de la politique de recrutement et des modalités de départ, en particulier les ruptures conventionnelles et les licenciements pour inaptitude, excédaient le champ de cette consultation.

L'employeur saisit le président du tribunal judiciaire en la forme des référés (devenue aujourd'hui la « procédure accélérée au fond ») pour contester l’étendue de l’expertise et demander la réduction de son coût et de sa durée, comme l'autorise l'article L. 2315-86 du Code du travail.

Sur tous ces points, le président du tribunal judiciaire donne tort à l'employeur et refuse de suspendre l'expertise.

La mission de l'expert… très étendue

La chambre sociale de la Cour de cassation valide le raisonnement du tribunal judiciaire dans un arrêt du 23 mars 2022 (n° 20-17186, AHSM c/ société Secafi). Le juge a estimé que l'employeur ne pouvait pas se contenter, pour limiter l'étendue de la mission de l'expert, d'invoquer l'article L. 2312-26, I du Code du travail. Bien que celui-ci ne mentionne pas les rémunérations, ni la politique de recrutement ou les modalités de départ de l’entreprise, il ne peut être lu indépendamment des autres articles du Code du travail relatifs aux informations que l'employeur est tenu de fournir au comité en vue de la consultation à défaut d'accord en disposant autrement. Rappelons que ces informations doivent être mises à disposition du comité dans la base de données économiques et sociales (et aujourd'hui environnementale) (BDESE).

Ainsi, l'article L. 2312-26, II, 1°, 2° et 9° indique clairement que lesdites informations doivent notamment porter sur l’évolution de l'emploi et des salaires, sur la situation comparée des femmes et des hommes dans l’entreprise, ainsi que sur les contrats précaires et ceux des stagiaires. Dans l'article L. 2312-36, 1°, 2° et 4°, ces paragraphes définissent les thèmes de la BDESE supplétive, parmi lesquels l’investissement social, qui comprend l'emploi, l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans l’entreprise et l’ensemble des éléments de la rémunération des salariés et dirigeants. Enfin, l’article R. 2312-9, 1°-A, 2° et 4° détaille les informations qui doivent figurer au titre des différents thèmes dans la BDESE supplétive dans les entreprises d’au moins 300 salariés. S'agissant de l’investissement social, les informations doivent porter sur le nombre de départs, de démissions, de licenciements économiques, de licenciements non économiques, celui des salariés déclarés définitivement inaptes, ainsi que s’agissant de la rémunération des salariés et dirigeants, le pourcentage de salariés dont le salaire dépend, en tout ou partie, du rendement. Par ailleurs, l’article R. 2312-20 indique clairement que ces informations doivent être mises à la disposition du comité en vue de la consultation sur la politique sociale, les conditions de travail et l'emploi.

Dans la mesure où l'expert désigné par le comité est amené à analyser les informations prévues par ces différents textes, il est difficilement concevable que, lorsqu'il s'intéresse à l'évolution des rémunérations, à la politique de recrutement et aux départs, il excède les limites de la mission qui lui a été confiée.

L'expert peut exiger de l'employeur la déclaration sociale nominative

S'agissant des documents réclamés par l'expert, l'employeur estimait que celui-ci ne pouvait pas solliciter la communication de la DADS (déclaration annuelle des données sociales) des trois dernières années et la DSN (Déclaration sociale nominative) de l’année en cours car ces informations excéderaient celles devant figurer dans la BDESE et dans le bilan social.

Les juges, approuvés par la Cour de cassation, rappellent le principe (hier jurisprudentiel et aujourd'hui inscrit dans la loi à l'article L. 2315-83 du Code du travail) selon lequel il appartient à l'expert de déterminer les documents utiles à sa mission (notamment Cass. soc. 13 mai 2014, n° 12-25544). Ils en déduisent que la communication à l'expert des DADS (devenues DSN) et de la DSN de l'année en cours, était nécessaire à l’exercice de sa mission car ces documents se rapportaient à l’évolution de l'emploi, aux qualifications et à la rémunération des salariés au sein de l’entreprise.

L'expert n'est pas tenu de se limiter à analyser et expliciter les données communiquées au comité. Il peut également les contrôler en les confrontant avec d'autres, obtenues sur la base d'une demande complémentaire d'informations.

C'est le sens de l'article R. 2315-45 du Code du travail qui autorise l'expert à demander à l'employeur, au plus tard dans les trois jours de sa désignation, toutes les informations complémentaires qu’il juge nécessaires à la réalisation de sa mission, l'employeur devant répondre à cette demande dans les cinq jours.

L'article L. 2315-83 du Code du travail est applicable à toutes les expertises

La question de la limitation de l'accès à certaines informations était toutefois posée. En effet, jusqu'alors la jurisprudence avait reconnu que l’expert-comptable du comité d'entreprise pouvait réclamer la communication de la DADS sous forme électronique, dans le cadre de l’examen annuel des comptes (intégré depuis la loi du 17 août 2015 à la consultation sur la situation économique et financière) (Cass. soc. 10 janv. 2012, n° 10-21270). Cette possibilité avait été reconnue à l'expert sur la base de l'ancien article L. 2325-37 du Code du travail applicable à toutes les expertises, qui indiquait que « Pour opérer toute vérification ou tout contrôle entrant dans l’exercice de ses missions, l’expert-comptable a accès aux mêmes documents que le commissaire aux comptes ». Or depuis les ordonnances Macron du 22 septembre 2017, cette assimilation aux pouvoirs du commissaire aux comptes concerne uniquement la consultation sur la situation économique et financière de l’entreprise et non les deux autres consultations récurrentes (consultation sur la politique sociale ou sur les orientations stratégiques).

Finalement, refusant de s'enfermer dans un cloisonnement artificiel des expertises et en s'appuyant sur l'article L. 2315-83 du Code du travail applicable à toutes les expertises, l'arrêt rendu par la Cour de cassation entend ne pas limiter l'accès de l'expert-comptable à certaines informations dans le cadre de l'expertise « consultation politique sociale ».

Sauf pour l'employeur de démontrer que les demandes de l'expert sont abusives. Mais ce dernier ne commet pas d'abus dès lors que les informations demandées sont en lien avec l’objet de sa mission, ce qui était bien le cas en l'espèce.

Cependant, l’expert-comptable ne peut pas exiger la production de documents n’existant pas et dont l’établissement n’est pas obligatoire pour l’entreprise. Ainsi, des juges ne peuvent pas ordonner à l'employeur de communiquer à l'expert les bases non nominatives du personnel pour les trois années précédentes, sans rechercher si ces bases existent et si leur établissement est  obligatoire, comme l'a rappelé la Cour de cassation dans un autre arrêt rendu le 9 mars 2022 (Cass. soc. 9 mars 2022, n° 20-18166).

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